Quelle jeune femme un peu ambitieuse ne se retrouverait pas dans cette Becky Fuller (Rachel McAdams) si
énergique et soucieuse de son avenir professionnel. En effet, Roger Michell, dans cette comédie assez typiquement américaine « réaliste et pleine de vie », met en scène une jeune femme intelligente, même si elle n’a pas, comme le lui reproche son patron, fait quatre mais seulement trois ans d’études ! Désireuse de donner le meilleur d’elle-même, quitte à s’embarquer dans l’aventureuse production de la miteuse émission du matin Daydream, Becky a l’ambition implacable de… faire carrière ? Cela n’est pas si sûr.
Ce qui, par contre, ne fait aucun doute, c’est qu’elle est convaincue de son potentiel, qu’elle a les idées claires à tel point que, dès son arrivée à Daydream, la nouvelle productrice n’hésite pas à mettre son coproducteur à la porte, un pervers assez paresseux. Au travail, tout va très vite avec la nouvelle productrice, l’équipe travaille
sans relâche comme le montre la rapidité des images et du débit de paroles qui exprime aussi la pression que subit la jeune productrice. Par l’originalité de ses solutions, qui offre aux spectateurs quelques moments de surprise et maintient le suspens, Becky entreprend de sauver sa production à la dérive où les collègues se détestent, les poignées de porte vous restent dans la main et qui n’a rien à voir avec le siège prestigieux du Today. Mais peu à peu, à force d’innovation, d’une gestion pleine d’humanité et de fermeté, de crises et de découragements, Becky fait monter le pourcentage des téléspectateurs. Cette progression, ponctuée de quelques incidents, n’a rien de la résurrection miracle à la perdition d’un projet. Becky rame, comme tout le monde, mais elle réussit ! « Je pense aussi que c’est très réaliste, la façon dont toute l’équipe de “Daybreak”, aussi différente soit-elle, doit trouver le respect, l’admiration et l’amour pour former une famille, certes incroyablement dysfonctionnelle,
mais complètement dévouée, » écrit Jeffrey Jacob Abrams.
Mais d’où lui vient alors cette nervosité, trait de caractère qui nous saute aux yeux dès la première scène ? Becky n’est pas du genre à bafouiller, pas en public. Dans la vie professionnelle, elle mène son équipe avec fermeté. Mais elle reste une femme vulnérable parce que tiraillée entre la passion de son métier, son désir d’échapper au « désert professionnel » qu’elle traverse et sa vie sentimentale. Sa rencontre avec un producteur de la chaîne, le séduisant mais assez discret Patrick Wilson (Adam Bennett), l’homme moderne, libéral, posé et parfait n’est pas sans lui causer des tiraillements quand elle abandonne son tout nouvel amour au milieu de la
nuit pour se précipiter vers les obligations de sa conscience professionnelle. A la question que pose l’assistant à Becky, à savoir si elle a des enfants, un mari ou un ami, bref, si elle a une famille et une vie privée, Patrick est la réponse parfaite mais un peu superficielle. Pour Rachel MacAdams, dans le dossier de presse, « elle est tellement à côté de la plaque sentimentalement parlant, qu’elle ne voit aucun des signaux qu’Adam lui envoie. Le début de leur relation est très maladroit… Disons juste que ça se finit plutôt bien… » Comment concilier job passionnant, prenant et vie privée ? En trouvant un prince charmant qui laisse cette jeune femme moderne libre car il n’a jamais besoin d’elle et reste cependant toujours disponible.
En fait, pourquoi se démener ainsi et se poser tant de questions ? Pour une production ridicule qui présente des séances matinales de cuisine ou des imbéciles en pleine crise de nerfs dans des montagnes russes ? Pour la production, « il était une fois une époque où les informations étaient ce qui importait le plus à la télévision ». C’est effectivement l’avis de Mike Pommeroy, « le 3e pire grincheux du monde » autrefois grande figure de l’information télévisée américaine. Un homme sérieux, ce qui lui donne une aura certaine, plein d’expérience, présent sur les lieux du scoop et donc en contact direct avec l’information, méprise l’émission Daydream.
Au-delà de leur
opposition de forme, Becky et Mike ont en commun la passion de leur profession et des qualités indéniables dans ce domaine qu’ils devront finir par se reconnaître mutuellement. Un second aspect commun est à noter, non plus au sujet des deux personnages, mais plutôt au sujet des acteurs. Leur jeu permet assez bien de saisir ce qui oppose la jeune productrice et l’ancien présentateur. En effet, parfois, dans le gestuel de Rachel MacAdams et l’articulation volontairement exagérée d’Harrison Ford on pourrait se croire dans une salle de théâtre, devant une comédie bien jouée. « Le moteur de MORNING GLORY, c’est la dynamique très drôle qui lie ces deux personnages : Becky, qui est incroyablement enthousiaste en ce qui concerne son nouveau poste, et cherche juste à gagner la confiance du reste de l’équipe ; et Mike, ancienne légende de la télé, mise au placard, qui a un mépris total pour les matinales, et qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour faire des journées de Becky un enfer. » (Aline Brosh
McKenna, scénariste, in Dossier de presse)
Cette opposition entre une jeune femme qui ne cesse de répéter que le public aime les montagnes russes et un présentateur qui fait assister l’Etat entier à l’arrestation en direct de l'un de ses hauts-fonctionnaires nous fait réfléchir à la valeur à donner à ce média si prisé qu’est la télévision. En fin de compte : Harrison Ford préparant une omelette en commentant ses gestes d’une voix grave nous donne-t-il une réponse ? Sherryl Clark, Productrice exécutive, explique que là n'est pas vraiment la question : « le scénario d’Aline prend en compte le débat et aborde l’importance de l’information dans notre société, mais ce n’est pas pour autant le coeur de l’intrigue. C’
est avant tout l’histoire d’une fille qui en veut, qui débarque dans la grande ville pour tenter de changer le destin de la matinale la moins regardée des États-Unis, et comment, pour ce faire, elle devra faire évoluer certaines des personnes les plus cyniques et les plus blasées du monde. »
Alors les vraies questions restent en suspens: faut-il informer le peuple, ou flatter ses instincts ? Courir après le taux d'audience, ou respecter une ligne éditoriale édifiante ? Y'a-t-il une ligne médiane ?
Il semblerait ici que l’intérêt de l’équipe de production prenne l’avantage
sur les principes de Pomeroy. La question est un peu plus complexe car Mike est obligé, de par son contrat avec la chaîne, d’accepter cette émission sous peine de renvoi, ce qui pose un souci de subsistance. Mais peut-on renoncer à l’idée que l’on se fait de son métier pour l’équipe avec laquelle on travaille ? Le film semble répondre par la positive, et appuie cette position, non seulement par la situation professionnelle inconfortable de Mike mais encore en insistant sur le rôle de manager très humain qu’endosse Becky. En effet celle-ci, d’une équipe où les coproducteurs se haïssaient, a fait une véritable famille. A la phrase-clé : “C’est que mon boulot. J’ai pas que çà dans la vie…” Le film semble donc donner une réponse assez contradictoire.
Cécile Chavériat
Quelle jeune femme un peu ambitieuse ne se retrouverait pas dans cette Becky Fuller (Rachel McAdams) si
énergique et soucieuse de son avenir professionnel. En effet, Roger Michell, dans cette comédie assez typiquement américaine « réaliste et pleine de vie », met en scène une jeune femme intelligente, même si elle n’a pas, comme le lui reproche son patron, fait quatre mais seulement trois ans d’études ! Désireuse de donner le meilleur d’elle-même, quitte à s’embarquer dans l’aventureuse production de la miteuse émission du matin Daydream, Becky a l’ambition implacable de… faire carrière ? Cela n’est pas si sûr.
Ce qui, par contre, ne fait aucun doute, c’est qu’elle est convaincue de son potentiel, qu’elle a les idées claires à tel point que, dès son arrivée à Daydream, la nouvelle productrice n’hésite pas à mettre son coproducteur à la porte, un pervers assez paresseux. Au travail, tout va très vite avec la nouvelle productrice, l’équipe travaille
sans relâche comme le montre la rapidité des images et du débit de paroles qui exprime aussi la pression que subit la jeune productrice. Par l’originalité de ses solutions, qui offre aux spectateurs quelques moments de surprise et maintient le suspens, Becky entreprend de sauver sa production à la dérive où les collègues se détestent, les poignées de porte vous restent dans la main et qui n’a rien à voir avec le siège prestigieux du Today. Mais peu à peu, à force d’innovation, d’une gestion pleine d’humanité et de fermeté, de crises et de découragements, Becky fait monter le pourcentage des téléspectateurs. Cette progression, ponctuée de quelques incidents, n’a rien de la résurrection miracle à la perdition d’un projet. Becky rame, comme tout le monde, mais elle réussit ! « Je pense aussi que c’est très réaliste, la façon dont toute l’équipe de “Daybreak”, aussi différente soit-elle, doit trouver le respect, l’admiration et l’amour pour former une famille, certes incroyablement dysfonctionnelle,
mais complètement dévouée, » écrit Jeffrey Jacob Abrams.
Mais d’où lui vient alors cette nervosité, trait de caractère qui nous saute aux yeux dès la première scène ? Becky n’est pas du genre à bafouiller, pas en public. Dans la vie professionnelle, elle mène son équipe avec fermeté. Mais elle reste une femme vulnérable parce que tiraillée entre la passion de son métier, son désir d’échapper au « désert professionnel » qu’elle traverse et sa vie sentimentale. Sa rencontre avec un producteur de la chaîne, le séduisant mais assez discret Patrick Wilson (Adam Bennett), l’homme moderne, libéral, posé et parfait n’est pas sans lui causer des tiraillements quand elle abandonne son tout nouvel amour au milieu de la
nuit pour se précipiter vers les obligations de sa conscience professionnelle. A la question que pose l’assistant à Becky, à savoir si elle a des enfants, un mari ou un ami, bref, si elle a une famille et une vie privée, Patrick est la réponse parfaite mais un peu superficielle. Pour Rachel MacAdams, dans le dossier de presse, « elle est tellement à côté de la plaque sentimentalement parlant, qu’elle ne voit aucun des signaux qu’Adam lui envoie. Le début de leur relation est très maladroit… Disons juste que ça se finit plutôt bien… » Comment concilier job passionnant, prenant et vie privée ? En trouvant un prince charmant qui laisse cette jeune femme moderne libre car il n’a jamais besoin d’elle et reste cependant toujours disponible.
En fait, pourquoi se démener ainsi et se poser tant de questions ? Pour une production ridicule qui présente des séances matinales de cuisine ou des imbéciles en pleine crise de nerfs dans des montagnes russes ? Pour la production, « il était une fois une époque où les informations étaient ce qui importait le plus à la télévision ». C’est effectivement l’avis de Mike Pommeroy, « le 3e pire grincheux du monde » autrefois grande figure de l’information télévisée américaine. Un homme sérieux, ce qui lui donne une aura certaine, plein d’expérience, présent sur les lieux du scoop et donc en contact direct avec l’information, méprise l’émission Daydream.
Au-delà de leur
opposition de forme, Becky et Mike ont en commun la passion de leur profession et des qualités indéniables dans ce domaine qu’ils devront finir par se reconnaître mutuellement. Un second aspect commun est à noter, non plus au sujet des deux personnages, mais plutôt au sujet des acteurs. Leur jeu permet assez bien de saisir ce qui oppose la jeune productrice et l’ancien présentateur. En effet, parfois, dans le gestuel de Rachel MacAdams et l’articulation volontairement exagérée d’Harrison Ford on pourrait se croire dans une salle de théâtre, devant une comédie bien jouée. « Le moteur de MORNING GLORY, c’est la dynamique très drôle qui lie ces deux personnages : Becky, qui est incroyablement enthousiaste en ce qui concerne son nouveau poste, et cherche juste à gagner la confiance du reste de l’équipe ; et Mike, ancienne légende de la télé, mise au placard, qui a un mépris total pour les matinales, et qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour faire des journées de Becky un enfer. » (Aline Brosh
McKenna, scénariste, in Dossier de presse)
Cette opposition entre une jeune femme qui ne cesse de répéter que le public aime les montagnes russes et un présentateur qui fait assister l’Etat entier à l’arrestation en direct de l'un de ses hauts-fonctionnaires nous fait réfléchir à la valeur à donner à ce média si prisé qu’est la télévision. En fin de compte : Harrison Ford préparant une omelette en commentant ses gestes d’une voix grave nous donne-t-il une réponse ? Sherryl Clark, Productrice exécutive, explique que là n'est pas vraiment la question : « le scénario d’Aline prend en compte le débat et aborde l’importance de l’information dans notre société, mais ce n’est pas pour autant le coeur de l’intrigue. C’
est avant tout l’histoire d’une fille qui en veut, qui débarque dans la grande ville pour tenter de changer le destin de la matinale la moins regardée des États-Unis, et comment, pour ce faire, elle devra faire évoluer certaines des personnes les plus cyniques et les plus blasées du monde. »
Alors les vraies questions restent en suspens: faut-il informer le peuple, ou flatter ses instincts ? Courir après le taux d'audience, ou respecter une ligne éditoriale édifiante ? Y'a-t-il une ligne médiane ?
Il semblerait ici que l’intérêt de l’équipe de production prenne l’avantage
sur les principes de Pomeroy. La question est un peu plus complexe car Mike est obligé, de par son contrat avec la chaîne, d’accepter cette émission sous peine de renvoi, ce qui pose un souci de subsistance. Mais peut-on renoncer à l’idée que l’on se fait de son métier pour l’équipe avec laquelle on travaille ? Le film semble répondre par la positive, et appuie cette position, non seulement par la situation professionnelle inconfortable de Mike mais encore en insistant sur le rôle de manager très humain qu’endosse Becky. En effet celle-ci, d’une équipe où les coproducteurs se haïssaient, a fait une véritable famille. A la phrase-clé : “C’est que mon boulot. J’ai pas que çà dans la vie…” Le film semble donc donner une réponse assez contradictoire.
Cécile Chavériat