Après l’inquiétant Take Shelter, complexe et troublé, Jeff Nichols raconte l’histoire de Mud. « Raconte », oui, parce que loin de la traditionnelle construction scénaristique habituelle, Mud coule comme le Mississipi, lentement, posément, et fait connaître personnages et lieux avec tant d’attention qu'on croit baigner dans un roman. Quoi de mieux pour plonger dans une histoire ?

Poursuivi par la justice, Mud prépare, sur les rives du fleuve, sa fuite avec mademoiselle qui habite le patelin à côté. A bout de vivres, il tombe sur deux gamins traînant par là. Ils sont sa dernière chance : dès lors, il noue avec eux une amitié forcément intéressée. Un contraste se dresse : les adultes, d’un côté, perdant leur innocence, restent fatalistes devant l’adversité, perdent les dernières traces de leur croyance en l’amour. Le retraité, lui, sombre dans le pessimisme, avec son expérience qui dépasse celles de tous les autres personnages. Et face à eux, les enfants qui se démultiplient pour aider le couple séparé, « parce que vous vous aimez ». Le désespoir blasé détruit l’avenir que l’amour promet et pour lequel les deux garçons se battent, eux qui ont encore cette force rare, l'espérance.

« Soyez comme les petits enfants » : certes, l'histoire montre bien que la réalité est dure, qu'elle nous échappe parfois, mais l'espoir, qui anime les gamins, manque tellement au milieu des divorces, des infidélités, des renoncements ; au milieu d'un monde pavé de bonnes intentions, où l'architecte laisse sa place au velléitaire, qui ne construit plus sa vie, mais la subit, en trouvant la solitude là où miroitait la liberté.

Admirablement interprété, Mud est un film rare, délicat et romanesque.