Nahid

Film : Nahid (2014)

Réalisateur : Ida Panahandeh

Acteurs : Sareh Bayat (Nahid), Pejman Bazeghi (Masoud), Navid Mohammadzadeh (Ahamd), Milad HasanPour (Amir Reza)

Durée : 01:44:00


Il y a quelque chose de résolument neuf dans ce film qui est le premier, d’une femme, en Iran. En s’intéressant à la situation des mères seules dans un pays de tradition musulmane en phase de « modernisation », la réalisatrice choisit le sujet parfait pour s’assurer le soutien et l’admiration de l’occident dans son « combat ».

L’œuvre est belle, et très simple. Il s’agit d’un cinéma naturaliste, qui décrit une classe sociale, et développe un thème au gré d’un drame très académique : la quête d’une héroïne. Ici, il s’agit pour cette femme d’un milieu très modeste, qui peine à payer le logement et les études de son enfant, d’épouser l’homme qu’elle aime en conservant la garde de son fils. Et l’on félicite le réalisme et la crédibilité du métrage qui repose essentiellement sur le jeu des acteurs (l’héroïne bien sûr, Sareh Bayat, mais aussi son compagnon, Pejman Bazeghi : magnifique, qui force une identification à tous les hommes) et l’écriture des dialogues qui, justement, ne semblent pas très écrits. On croirait que la réalisatrice joue beaucoup sur la liberté des acteurs. En revanche, par pure convenance au genre du « drame social » le parti-pris photographique d’une image très désaturée — elle semble brut, non étalonnée — fait trop cliché ! Le film est tourné avec soin, et tout le matériel nécessaire : les images sont nettes, la caméra est toujours bien placée, mais ce bémol de couleur est de trop, comme si le film nous criait sa pauvreté, voulait s’excuser d’être moche, alors qu’il le fait exprès.

L’autre souci est bien plus gênant à aborder. En effet, dans son dossier de presse, Ida Panahandeh se gargarise de l’occidentalisation de la société iranienne, et se dit fière de défendre cette cause — en particulier dans le droit des femmes. Certes, l’abandon de traditions iniques doit être une fierté pour toute société, et même si l’Iran n’est pas le pire parmi ses voisins — disons même que c’est un pays très civilisé qui par certains endroits devrait aussi inspirer l’occident — on peut se réjouir de tout progrès. Seulement… pourquoi l’occident devrait-il être pris en exemple ? N’y a-t-il pas d’autres voies ? Le personnage de Nahid découvre les affres du divorce, de la famille recomposée… tout cela à cause de l’individualisme et du consumérisme grandissant dans la société qui l’entoure. L’hospitalité, et la zakât (aumône, troisième pilier de l’Islam) ont laissé place à des loyers extorqués aux mères seuls. Le creuset culturel et social des écoles coraniques est remplacé par des professeurs distants qui ne connaissent plus les familles qu’ils instruisent et sont contraints par le système d’exiger le paiement des factures avant de transmettre le savoir.

La conquête aveugle de la modernité, pour obtenir ce que l’occident a et que la tradition réprouve devient un piège. La quête de l’interdit se passe de réflexion : elle est automatique. On obtient, dans une festivité innocente, le divorce, l’amour libéré, les nouvelles technologies occidentales, les gardes alternées de l’enfant, etc. Depuis mon occident, en avance mais échoué, j’aimerais me tourner vers l’orient et leur crier : « c’est pas la peine, les mecs… En fait, la liberté, c’est nul ! »