Night Call

Film : Night Call (2014)

Réalisateur : Dan Gilroy

Acteurs : Jake Gyllenhaal (Lou Bloom), Rene Russo (Nina Romina), Riz Ahmed (Rick), Bill Paxton (Joe Loder)

Durée : 01:57:00


Une petite fille coincée dans les décombres, agonisante, que les journalistes filment ; un homme qui se jette sous les roues d’un métro enregistré par un quidam… Il était temps que le cinéma fasse le portrait – certes romancé – de ces vautours flairant la mort, non pas pour aider, mais pour s’en abreuver.

Nighcall est un brûlot contre le journalisme voyeuriste et outrancier, premier sur les événements macabres. Les pratiques du métier sont visées : mensonges, déformations, et cynisme écœurant sont de mise. Mais son existence même est bousculée, par effet domino : le business du malheur des autres créé ces jobs malsains, qui demandent de laisser au placard morale, empathie, et la moindre pitié.

Est-ce le reflet de la réalité ? Les exemples précédemment cités ne sont pas des exceptions. Cela fait longtemps que la grogne contre le voyeurisme de l’info curieuse monte.
Nightcall présente un carriériste, prêt à tout pour son argent, pour réussir, sans aucun cœur. Le personnage est une exagération, une caricature clarifiant ce qu’elle dénonce par son grossissement de la réalité. Est là toute la légitimité de la caricature : La Fontaine en faisait autant, et la pertinence demeurait.

Evidemment, cette virée dans un journalisme à peu près inhumain est terrifiante. Les personnages sont d’un cynisme qui pourrait laisser penser que le film est malsain. Ne confondons pas : ce sont des pratiques malsaines, que Nightcall dénonce. Quand on accuse un suspect, on rappelle les faits… Il y a une différence essentielle entre se complaire dans le voyeurisme, et l’accusation du voyeurisme.

Vous êtes donc prévenus : ce ne sont pas des anges. Ce voyage au bout de la nuit est mené par un Jake Gyllenhaal au sommet, parfait en fou ordinaire, individualiste forcené, dérive grave du modèle américain du self-made man.
Ensuite, quand on voit sur l’affiche que les producteurs sont ceux de Drive, on attend beaucoup de la forme. L’attente est plus que satisfaite : les images de nuit rappellent les meilleurs souvenirs du cinéma « urbain », teintées d’un style années 80, avec un grain esthétique bienvenu ; et pour y donner plus de vie, une musique moderne, très cinématographique.

Un clone de Drive en somme ? Pas du tout ! Les ressemblances ne sont que musicales et photographiques. Le scénario est aux antipodes de Drive, complexe, et le film bien plus rythmé : de la lenteur quasi-contemplative de Drive, on en vient à un thriller électrique. Il faut dire que c’est le scénariste des Jason Bourne qui passe derrière la caméra…

Un régal pour cinéphiles, assez divertissant pour le grand public. Mais gare au sujet même du film : il faut avoir le cœur bien accroché…