Omar m'a tuer

Film : Omar m'a tuer (2010)

Réalisateur : Roschdy Zem

Acteurs : Sami Bouajila (Omar), Denis Podalydès (Pierre-Emmanuel Vaugrenard), Maurice Bénichou (Maître Vergès), Salomé Stévenin (Maud), Nozha Khouadra (Latifa Raddad)

Durée : 01:25:00


Un film poignant sur la célèbre affaire d'Omar mais qui manque de retenu et d'objectivité.

Après « La mauvaise foi », Roschdy Zem signe son deuxième
long métrage. Il était initialement pressenti pour le rôle titre sous la direction de Rachid Bouchareb mais il a finalement récupéré la réalisation et confié le rôle d'Omar à son ami Sami Bouajila.

S'attaquer à une histoire vraie est toujours un défi surtout quand l'affaire qui a défrayé la chronique dans les années 90s n'est apparemment pas terminé et les personnes toujours en vie. Un risque est celui de romancer en travestissant les faits, en créant de nouveaux personnages, en rajoutant du lyrisme etc. Les idées de mises en scènes sont assez intéressantes et évitent en partie de trop basculer dans la fiction. Par exemple, le réalisateur indique qu'il a voulu « une caméra au mouvement fluide pour Denis, et une autre plus fébrile pour Sami. J’ai donc alterné la camera sur pied ou sur rail, avec la caméra épaule » (Roschdy Zem, in dossier de presse). On ressent effectivement davantage de réalisme pour les scènes d'Omar mais plus
de style pour celles de l'écrivain Pierre-Emmanuel Vaugrenard. Ce dernier est un ajout important. N'existant pas l'histoire vraie, il est cependant inspiré du journaliste Jean-Marie Rouart qui a suivi de près l'affaire et a écrit le livre La construction d'un coupable. Il s'agit en fait d'un artifice scénaristique qui permet de dévoiler au spectateur, par le biais de l'enquête de Vaugrenard, des éléments importants du dossier. Ce choix n'a rien d'évident et il existe de nombreux films du genre qui préfèrent recourir à la linéarité du procès. L'avantage est ici de donner au récit une dynamique binaire où d'un côté on suit l'histoire humaine d'Omar plongé avec lui dans l'incertitude et l'incompréhension, tandis que de l'autre, on comprend pas à pas les défauts de l'instruction du dossier. Ce montage dit « alterné » (entre l'enquête de l'écrivain et le suivi d'Omar)
font> tend à rendre l'histoire plus cinématographique et donc peut-être plus apte à faire passer un message mais elle implique de la part du spectateur la faculté à prendre du recul pour faire le tri entre fiction et réalité. D'un point de vue purement éthique il semble que ces choix artistiques ne sont pas neutres et révélatrices d'un parti-pris difficilement compatibles avec l'analyse scientifique des faits.

L'une des qualités indéniables du film est le casting et la direction des acteurs. Sami Bouajila incarne un remarquable Omar tout en simplicité sans jamais surjouer : « ...j’ai abordé le film dans sa dimension artistique, je ne me suis pas laissé déstabiliser par la dimension du drame, vécu par cet homme. Mon travail, c’était de savoir comment j’allais interpréter Raddad [...] L’injustice, elle, ne se joue pas. C’est la mise en scène qui a créé la
dimension dramatique d’Omar Raddad, pas moi
(Sami Bouajila). De fait l'émotion résulte d'une juste alchimie entre la prestation des acteurs qui ne recherche pas le mélodrame et la mise en scène qui donne le cadre dramatique. Denis Podalydès, qui entre dans la peau de l'écrivain un peu dandy et obsédé par l'affaire, apporte une fraicheur et un humour bienvenus au film.

Si d'un point de vue cinématographique l’œuvre est qualitative, on s'interroge néanmoins sur la légitimité du film et surtout sur sa manière de prendre parti. Au cours de ses propres investigations, le réalisateur s'est rendu compte que des éléments qui laissent à penser que Raddad pouvait être innocent existent et sont au moins aussi nombreux que ceux qui mènent à la conclusion de sa culpabilité. Il ajoute cependant : « il ne s’agit ni d’un
règlement de compte, ni d’une quelconque révision de l’histoire. J'ai seulement éprouvé le désir de raconter une histoire, tragiquement extraordinaire ... je n’éprouvais aucune espèce d’empathie envers Omar Raddad. Il avait été jugé, condamné, et je n’ai pas pour habitude de remettre en cause les décisions de justice » .
Ces paroles contrastent largement avec le film qui cherche clairement à convaincre de l'innocence d'Omar. C'est en effet un dossier à décharge que montent les cinéastes accentuant les faiblesses du dossier (et il devait évidemment y en avoir pour Jacques Chirac accepte de le gracier) et minimisant voire ridiculisant les arguments opposés. Il ne s'agit donc pas tellement d'informer le public de la grande complexité de l'affaire mais plutôt de faire une œuvre sur une erreur judiciaire.

Le réalisateur semble s'être un peu fait dépassé par son métrage quand il révèle ses intentions : J’avais dans l’idée qu’on accompagne Omar Raddad dans son combat sans qu’on s’apitoie sur son sort. Je voulais aussi qu’on puisse envisager qu’il soit coupable. J’ai cherché à montrer une forme d’ambiguïté chez le personnage.[....] Je voulais que cette dimension soit palpable.

On cherche encore les passages du film qui laisse planer une ambiguïté... Il y a bien l'écrivain qui demande à la femme d'Omar, Latifa, s'il lui est arrivé de croire en la possible culpabilité de son mari mais la réponse est trop émouvante pour laisser la place au doute. Par ailleurs tous les personnages sympathiques du récit sont convaincus de l'innocence du jardinier. Le sentiment qui s'en dégage est donc naturellement celui d'une injustice. Et c'est bien qu'est le message principal du film : on demande au
spectateur de croire en l'innocence d' Omar Raddad, lequel est encore en vie et affirme que le film retrace parfaitement qu'il a vécu. Le scénario raconte la vérité de A à Z... Et les mots, ce sont mes mots. Si l'on est spontanément enclin à croire en une étrange erreur judiciaire (ce ne serait pas la première), on peut voir dans cette représentation des choses une certaine indécence, du moins un manquement au devoir de réserve nécessaire dans ce type de situation. Quoiqu'il en soit, même dans le cas d'un film partisan, il eut été souhaitable de soigner davantage la représentation du procès, notamment lors de la procédure devant la Cour de cassation qui tend à faire croire que celle-ci pouvait rejuger les faits alors qu'elle a pour unique fonction de trancher les problèmes d'ordre purement juridique, tel qu'un vice de procédure. D'ailleurs, Omar n'aurait normalement pas pu prendre la parole durant l'audience. C'est certainement un détail mais qui montre une
certaine négligence de la véracité des événements au profit d'une thèse émotionnelle, ce qui contredit les propos des cinéastes.