Pas tricher sur la glace

Film : Moi, Tonya (2017)

Réalisateur : Craig Gillespie

Acteurs : Margot Robbie (Tonya Harding), Sebastian Stan (Jeff Gillooly), Allison Janney (LaVona Golden), Julianne Nicholson (Diane Rawlinson), Bobby Cannavale (Martin Maddox), Mckenna Grace (Young Tonya...

Durée : 2h 1m


Biographie d'une patineuse à la vie chamboulée, Moi, Tonya revient sur le scandale Harding-Kerrigan qui a ébranlé, une fois n'est pas coutume, le petit monde du patinage artistique, au moment des Jeux Olympiques de Lillehammer (Norvège, 1994). En lice pour la sélection américaine, les deux patineuses Tonya Harding et Nancy Kerrigan se sont retrouvées au centre d'une affaire, où la seconde (Nancy) a été victime d'une agression à coups de barre de fer par l'ex-mari de la première durant les qualifications. Le patinage artistique fait régulièrement l'objet d'affaires de tricherie : déstabilisation psychologique de l'adversaire, dopage, impartialité voire corruption des juges... Mais il n'avait jamais encore connu de cas d'agression physique directe visant à anéantir les chances du concurrent.

Le film s'empare du sujet avec un certain opportunisme à l'heure des JO de PyeongChang, et il choisit cependant de raconter l'histoire du seul point de vue de Tonya. Curieusement cette affaire purement américaine est mise à l'écran par un duo australien (Craig Gillespie, réalisateur, et Margot Robbie, actrice principale). Il adopte le style d'un faux documentaire tragicomique bien sourcé en images d'archives, évoquant le cheminement d'une équipe de anti-héros peu reluisants. A leur tête, l'ex-mari en quête de rachat amoureux désespéré, commanditaire de cet acte d'idiotie inutile aussi mal pensé que perpétré. Au centre de l'attention, cette Tonya déterminée à l'emporter mais prisonnière de sa naïveté. Le prototype parfait de la patineuse échouant toujours aux pieds du podium. Pourtant Tonya Harding est connue pour avoir été la première patineuse à réussir le triple Axel en compétition. Mais Tonya ne veut pas coller aux standards classiques de sa discipline. Elle revendique en vain le statut de la patineuse populaire, et se présente dans le film comme le modèle de la femme menacée en voie d'émancipation.

Une sympathique biographie pas toujours en phase avec la réalité

Dans une ambiance un peu rock'n'roll, le thème musical s'emballe parfois au gré de la prestation de Margot Robbie (Tonya) que l'on n'a jamais vue aussi querelleuse dans ses précédentes apparitions. La principale qualité du film réside surtout dans ses scènes chorégraphiques. On s'attend à un montage grossier avec des doublures et de multiples coupes. Au final, l'équipe de tournage réunie à Atlanta pour l'occasion a réalisé de belles images, avec une actrice formée au patinage, des doublures discrètes et des effets visuels numériques réussis. Cependant le scénario pâtit de sa focale exclusive sur Tonya, si bien que l'on sait très peu de chose au sujet de la victime, Nancy, alors qu'elle était en réalité bien meilleure et qu'elle incarnait son sport avec grâce, selon les observateurs de l'époque. C'est Tonya qui apparaît comme la victime. Victime d'une mère tyrannique lui servant de coach pendant la plus grande partie de son enfance. Victime d'un mari impulsif violent lui aussi et incapable de l'accompagner dans la gestion de sa carrière. Victime enfin d'une discipline sportive à l'encadrement jugé trop conservateur. Pour réussir, la pauvre Tonya n'avait d'autre choix que de s'adapter à ce système, à défaut de bouger les meubles, car sa concurrente venait quant à elle d'un milieu plus aisé ne lui demandant aucun effort pour réussir... Est-ce qu'on ne procède pas là à une tentative de réhabilitation d'une patineuse conspuée par la presse de l'époque ?

Malheureusement pour les auteurs du film, l'histoire n'accrédite pas vraiment la version valorisant les inégalités sociales et le caractère "ringard" des institutions. En effet, la véritable Tonya Herding, 25 ans après les faits, vient tout juste d'avouer dans une interview à la chaîne ABC il y a quelques semaines, qu'elle en savait plus qu'elle n'avait bien voulu le reconnaître au sujet de l'agression préméditée sur sa concurrente. Elle savait "que quelque chose se préparait", et que son ex-mari, qu'elle fréquentait toujours, "voulait mettre quelqu'un hors course pour être sûr qu'elle soit dans l'équipe" (américaine aux JO). Ces dernières déclarations en forme de coup de théâtre montrent donc bien que Tonya n'a pas seulement eu une enfance difficile : elle a laissé faire une injustice grave pour gagner sa place aux JO. Ainsi le retour en force de l'actualité de ce feuilleton effrite quelque peu l'image trop lisse de la fille abusée par sa naïveté et par la dureté de la société, revendiquée par ce film. Tonya a triché. Et c'est pas bien.   

Commentaires

Portrait de Mia
Vaut le détour...

pour l'interprétation de Margot Robbie !