Delphine et Hippolyte ? Un ballet scabreux, produit des fantasmes d’un vieux De Palma en manque d’inspiration ? Que nenni. L’aspect de voyeurisme autour de deux lesbiennes masochistes est trompeur. C’est la touche inutile de son auteur, mais le film n’est pas là.

Exposant ennuyeusement la situation, De Palma et la musique hors-sujet font craindre le pire. Et puis le film démarre : la carriériste individualiste, impitoyable, qui se sert des autres comme de vulgaires pantins utiles à son succès. Un jeu de domination par la manipulation, par le chantage et même la destruction pure et simple de l'ennemi en cas de contre-temps commence. La manipulatrice emploie des procédés déloyaux au début, monstrueux ensuite, pour parvenir à ses fins. Elle pervertit même ses victimes, rendues folles par son machiavélisme (dont l’excellente Noomi Rapace), désemparées dans la spirale dictatoriale  exercée par leur supérieure hiérarchique (ou sentimentale, entre guillemets). Rien n’est exclu pour semer le trouble, la gêne, brouiller les pistes et rendre l’atmosphère venimeuse. Quand la tension atteint son paroxysme, soutenue par une esthétique favorisant le mystère, le groupe infernal perd le contrôle de la situation. Happé par un enchaînement fou (colère, amour, jalousie … regardez le titre, en fait), on assiste à un dénouement imprévisible, magistralement orchestré, où l’intrigue ballade le spectateur comme bon lui semble. Sulfureux mais génial, une fleur du mal cinématographique. Sulfureux oui, mais ces femmes atteintes d'acrasie sont broyées par leurs vices. Le Hitchcock, en ce moment, c’est Passion ; immoral certes, mais virtuose.