Pirates des Caraïbes : le secret du coffre maudit

Film : Pirates des Caraïbes : le secret du coffre maudit (2006)

Réalisateur : Gore Verbinski

Acteurs : Johnny Depp (Jack Sparrow), Orlando Bloom (Will Turner), Keira Knightley (Elizabeth Swann), Bill Nighy (Davy Jones)….

Durée : 02:30:00


La saga Pirates des Caraïbes s’inspire de l’attraction du même nom située dans le parc Disneyland de Floride. Le premier volet de cette
trilogie, Pirates des Caraïbes : la malédiction du Black Pearl, a remporté un succès mondial (653 millions de dollars de recettes), et cinq nominations aux Oscars (dont celui de meilleur acteur pour Johnny Depp). En conséquence, c’est à une trilogie que va donner naissance l’équipe de  Pirates des Caraïbes.

Le secret du coffre maudit se place en marge du premier épisode, la trame scénaristique se trouvant allégée car les personnages, leur relation et le gros du contexte dans lequel ils évoluent ont déjà été présentés dans La malédiction du Black Pearl. En conséquence, c’est un film résolument orienté vers davantage de mouvement qui se présage. Et de fait ce sont toutes les ficelles du film d’aventure qui sont exploités, en un cocktail détonnant de morceaux de bravoure, de paysages paradisiaques, de mythes fantastiques (le Kraken, Davy Jones, le Hollandais volant…), de mystère, d’humour et d’exotisme, avec une nette préférence pour les légendes maritimes : « Il existe
énormément d’histoires surnaturelles liées à la mer et personne ne les avait jamais reliées à un grand film de pirates ou de cape et d’épée », explique le scénariste Ted Elliott. On peut d’ailleurs le lui reprocher, le scénario faisant feu de tout bois de ces mystères sans doute très attrayants pour les spectateurs mais dont l’assemblage paraît assez artificiel.

Le film entraîne son spectateur d’îles perdues en marais glauques, de rites vaudous en village cannibale, de navires peuplés de pirates mutants en tripots à l’ambiance avinée et bagarreuse…Les décors sont dans l’ensemble sublimes, le chef-décorateur Kick Heinrich et son équipe sont allés jusqu’à recréer de toutes pièces un marécage gigantesque et ont même réellement construit le Black Pearl dans les chantiers navals de Bayou la Batre (Alabama).Du point de vue narratif, le réalisateur Gore Verbinski, qui s’en donnait à cœur joie dans le premier opus, s’amuse de nouveau à forcer le trait, jouant à fond les codes du film
de pirates qu’il a su si bien ressuscité.

L’ humour est omniprésent, dans les combats, les dialogues, les rebondissements (Jack Sparrow fuyant le village cannibale…). Il faut évidemment saluer la performance de Johnny Depp, magnifique dans un rôle de pirate ambigu, au maquillage et à la gestuelle teintée de féminité mais aussi bouffon irrésistible, coupable de tous les défauts du monde et fier de l’être. L’acteur se meut de façon burlesque, gesticule, grimace, réinvente le comique et fait son spectacle de guignol de très belle manière. A ses côtés , Orlando Bloom et Keira Knightley gagnent en présence, même s’ils restent en fin de compte assez fades : «  Je voulais que Will s’éloigne un peu de ce jeune premier sérieux, honnête et droit qu’il était, que l’on découvre une facette plus noire », explique Orlando Bloom. Et Keira Knightley d’ ajouter : « Les personnages ont évolués, Elizabeth devient une femme qui a une mission, et cela reteinte ses relations avec Will et Jack
Sparrow… ». Le résultat n’est toutefois pas à la hauteur de ces déclarations et les personnages restent trop proches des caractéristiques qu’ils ont dévoilés dans le premier Pirates des Caraïbes. Le plaisir du spectateur est à l’égal de celui des acteurs et du réalisateur : la surenchère, soit dans l’action soit dans le comique de situation peut emporter à sa suite le cœur de tous les spectateurs, à la manière d’un cartoon des plus réussis. L’action est d’ailleurs soulignée par une musique trépidante de Hans Zimmer, collaborateur attitré du producteur Jerry Bruckheimer.

Le charme de la saga est cependant à la baisse. L’accumulations de personnages secondaires, de péripéties parfois difficiles à suivre (le jeu de dés entre Davy Jones et Will Turner, la mêlée pour la possession du coffre…), de rebondissements énormes s’additionnent à quelques longueurs et surtout à une fin qui se dérobe tout le temps et tombe comme un cheveu sur la soupe, pour nous annoncer la sortie d’un
prochaine épisode. Du coup Le secret du coffre maudit ne devient que le deuxième et interminable épisode d’une série, ne servant qu’à  introduire le troisième et dernier volet, prévu pour 2007. Il faut aussi évoquer un montage parfois nébuleux et des plans pas assez dynamiques, la caméra restant toujours soit fixe, soit animée d’un mouvement trop fluide et inerte pour les moments les plus déchaînés de ce film d’aventure.

 
Ce blockbuster époustouflant n’en comporte pas moins un message, qui a pour forme un hymne à la liberté : l’appel du grand large, l’attrait de la mer et de ses mystères, la découverte de nouveaux horizons sont autant d’idées rafraîchissantes diffusées à un spectateur friand d’évasion. Mais si cet idéal semble séduisant, il est ici celui de pirates endurcis, sans foi ni loi autre que celle de la flibuste, et encore. Il ne faut pas oublier que le séduisant Jack Sparrow excelle à ce jeu de fourbe, et c’est même de ce fait qu’il
est si attachant…La volonté claire d’attribuer à l’honnête homme de service, Will Turner, une âme plus noire fait évoluer le film dans un sens qui se veut plus adulte mais aussi plus flou : on ne sait plus très bien où est le bien, où est le mal, et le film laisse penser que seule compte la fin, peu importent les moyens (notamment concernant Elizabeth, qui donne le baiser de Judas à Jack Sparrow…).

Le comique se fait parfois au dépens des principes les plus fondamentaux que l’homme se doit de suivre : l’égoïsme prend plus souvent le pas sur la charité que l’inverse (à noter toutefois une belle scène dans laquelle un mystérieux homme d’équipage de Davy Jones se sacrifie pour Will…) ; les trahisons alimentent certes l’intrigue mais desservent le respect de la morale, et les rares bonnes actions du capitaine Jack Sparrow sont soit calculatrices soit pas faites exprès. En somme, ce film de pirates (ce qui lui vaut d’être un peu excusé) nage en pleine amoralité, pour ne pas dire
immoralité. Et comme il faut bien que ces pirates soient réalistes et fassent rire, une bonne dose de superstition et de religion chrétienne assaisonnée complète leurs caractéristiques…

 

Stéphane JOURDAIN