Puzzle

Film : Puzzle (2013)

Réalisateur : Paul Haggis

Acteurs :

Durée : 02:17:00


Le principe du puzzle est parfaitement respecté : pendant une heure et demie (sur 2h17), c’est la confusion … puis les morceaux se recollent ; ouf ! On suit trois couples, en pensant qu’ils vont se rejoindre, comme pour tout film choral. Le puzzle ici monté est plus futé.
Mais l’incompréhension du spectateur dure trop longtemps : la tension créée par le mystère du scénario reste prenante sur un film d’une bonne demi-heure de moins. Donc oui, on s’ennuie pas mal, parfois, en se demandant où tout cela mène … On redoute même la fin en queue de poisson. Il n’en est rien. Il faut simplement tenir jusqu’à ce que la logique assemble les morceaux de l’histoire.

Le film présente des histoires d’amour variées : le couple recomposé, la nymphomane, le rêveur adultère… Il y en a pour tous les dégoûts, s’il on peut dire, des chagrins contemporains, quoique les couples demeurent… « hétéro-centrés » disons.
En voyant le casting, beau gosse ici, belle gosse là, on soupçonne le caprice du réalisateur dont le directeur de casting est alors le pantin : les beaux gosses, c’est lui, les pin-up, ce sont ses fantasmes (Luc Besson et les grandes jambes de garçons manqués aux cheveux courts et aux longs flingues… simple exemple).
En réalité, ils sont parfaitement choisis. Ils entrent parfaitement dans l’illusion dans laquelle est plongé le spectateur, qui comprend petit à petit, qu’en fait de grand n’importe quoi, il s’agit d’un bal de personnages millimétré. Mais pour en être convaincu, il faut rester jusqu’au bout ! Pas toujours évident, avec les longueurs du film, et sa longueur tout court…

Car le spectacle n’est pas gai : les égouts sentimentaux d’un écrivain coulent ici et là, médiocres, avec ces rêves petits, traîtres, qu’on n’avoue que dans un journal tenu secret… Le bonhomme, campé par un Liam Neeson blasé (c’est le rôle en même temps), est le symbole de ces tristes manipulations cruelles des uns avec les autres, avec pour paroxysme, sa sulfureuse maîtresse. Coups bas, mensonges, sentiments et coucheries intéressés ; nulle gratuité, nul pardon… Le constat est amer.
Tout le monde, comme l’auteur, est triste, fatigué et blessé par la vie. Et malgré toute cette fange, tous tendent à la catharsis. « Tous les hommes cherchent le bonheur ». Une lumière brille au bout du tunnel, peut-être ! Le symbole même de la réussite du film : le final, lumineux, fait pardonner l’ennui qui le précédait.

Le casting cinq étoiles est intéressant, mais quelque peu miné par la banalité des personnages. Parvenir à leur donner du relief n’était pas tâche facile. Quant au scénario, riche en rebondissements, il parvient à faire désirer son dénouement ; traduction : à vous faire tenir les 2h17, malgré ses ralentissements. La réalisation demeure sobre, sans originalité, comme la musique, élégante toutefois.

La morale du rêve est abordée : est-il bon de rêver sa vie ? Une trace, quoi de plus normal, c’est ce qu’ont fait nombre d’auteurs : à peu près tous laissent une trace de leur personne dans leur œuvre, quoique Flaubert en dise à ce sujet. Mais mélanger imagination et vérité, n’est-ce pas une pente vers une consciente schizophrénie ?
On peut prolonger ce thème en sortant de la salle : un rêve médiocre mais réaliste est-il plus satisfaisant qu’un songe fou, trop fou pour pouvoir y croire ? C’était tout le débat que posait le réalisme en littérature. Dragons et chevaliers, ou mines de charbon ?
Puzzle, quant à lui, tend vers la seconde catégorie.
Malgré l’aspect littéraire de ces questions, le film ne plaira pas à tout le monde… Ici, nul exemple, nul modèle, et bien peu de vertu. Il y en a que ça gêne…

Ceux qui aiment se faire balader par l’intelligence et les faux-semblants d’un scénario seront ravis. Triste certes, les personnages ont le mérite d’être complexes, fouillés, authentiques. C’est là que réside le coup de maître.

Moyen simple de savoir si on gardera un bon souvenir de
Puzzle : la bande-annonce. Elle vous repousse ? N’y allez pas. Elle vous accroche, allez-y donc ! Le final vaut le coup. Ceux qui venaient voir « du lourd » se sont trompés, Interstellar, c’est une autre salle ! Ici, place aux méandres des sentiments, de « ces êtres si imparfaits et si affreux », dont l’amour est une « chose sainte et sublime » (Musset, sans blague), mais si bafoué !