Restless

Film : Restless (2011)

Réalisateur : Gus Van Sant

Acteurs : Henry Hopper (Enoch Brae), Mia Wasikowska (Annabel), Ryo Kase (Hiroshi), Schuyler Fisk (Elizabeth Cotton)

Durée : 01:35:00


Un drame un peu lent sur l'amitié, la vie et la mort, très intéressant mais n'exploitant pas sa matière jusqu'au bout.

Décidément la mort fascine. On l'avait déjà signalé à l'occasion de l'analyse du film Destination finale 5, sorti peu avant : la mort charrie avec elle son lot de questions. Qu'y a-t-il après ? Comment cela se passe-t-il ? Peut-on en revenir ?
/>

Considérer l'imminence de la mort, c'est aussi prendre conscience de la brièveté de la vie. On peut considérer que l'intelligence est purement matérielle, mais c'est une question de foi en la matière. A ce jour, rien ne permet de faire de différence physique entre un homme vivant et un homme mort dans l'instant, si ce n'est constater l'absence de vie. Alors si l'intelligence est immatérielle, peut-elle mourir ? Et si l'intelligence n'est pas la seule puissance de l'être, et si elle n'est pas la seule immatérialité, se pourrait-il que l'être ne meurt pas ? Et si elle ne meurt pas, à quoi sert la vie ? Vu sa courte temporalité, se peut-il qu'elle ne soit qu'un passage ?

Sous le doigté expert de Gus Van Sant, déj&
agrave; réalisateur de films assez fouillés comme Will Hunting (1997) ou A la rencontre de Forrester (2000), les questions tourbillonnent dans Restless comme les feuilles d'automne, période du film, emportées par le vent ! Au travers de l'amitié puis de l'amour entre ces deux êtres, réunis par cette morbide fascination, la Mort prend des couleurs, des visages qu'elle anime avec sa soeur la Vie comme une partition à quatre mains. « Gus ne veut pas faire du déjà-vu, explique le chef monteur Elliot Graham. Il veut raconter des histoires qui soient crédibles sur le plan émotionnel et possèdent un style visuel unique. Il veut plonger au coeur des personnages et de leurs sentiments. Il souhaitait raconter cette histoire avec sincérité, et cela a influé sur sa façon de tourner, sur le montage, la musique, le jeu des acteurs, le moindre
aspect du film. »

Annabel est dans une situation tragique. Elle va mourir. Elle le sait. Mais dans cette maladie qui la ronge, elle éprouve le besoin insatiable d'apprendre, comme son idole Darwin, les espèces d'oiseaux et d'insectes. Pourquoi ? A quoi sert d'apprendre alors qu'elle ne fera, c'est acquis, aucune carrière ? Qu'elle ne pourra partager sa passion qu'avec bien peu ? Est-ce qu'apprendre c'est vivre ? Est-ce que vivre c'est repousser la mort ?

Alors que le commun des mortels, en pareille situation, se met soudainement à croire au créateur pour mieux l'insulter, aucune once de révolte chez Annabel. De la bonne humeur et de la joie mais aucune insouciance. Elle le sait, elle l'attend, elle ne le redoute qu'un peu. Pour son interprète, « la meilleure expression pour décrire Annabel, c’est "pleine de
vie". Malgré les circonstances, elle aime énormément la vie, elle trouve la beauté dans les choses les plus simples et les plus insignifiantes. »

Enoch, de son côté, a un certain nombre de problèmes à régler. Orphelin depuis son jeune âge à cause d'un accident de voiture qui a failli le tuer, il est réservé, ne va pas au collège, et passe ses journées en compagnie d'un fantôme dont on ne sait pas bien s'il est réel ou bien produit par son intelligence. Sa relation avec Annabel va lui faire du bien, car elle va le forcer à sortir de sa spirale mortifère. Henry Hopper, fils de Dennis Hopper, résume l'idée : « Le thème de la jeunesse y est abordé avec beaucoup de fraîcheur. Le film traite des errances de la jeunesse, du fait d’&
eacute;voluer, de mûrir grâce à la présence d’une personne. C’est ce qui rend l’histoire passionnante. »
Il est clair que fréquenter des enterrements pour le plaisir n'est pas le summum de l'épanouissement.

Le coup est donc classique : il aide Annabel mais c'est elle qui le transforme, peut-être sans le vouloir, le cueillant dans sa passion de la mort pour l'en faire sortir.

Hiroshi, son copain le fantôme (oui, dit comme ça c'est ridicule mais il faut voir le film !), ne sera pas étranger non plus à son évolution. Il est en effet le spectre d'un jeune japonais kamikaze rongé de n'avoir pas pu déclarer à sa belle qu'il l'aimait avant d'aller s'exploser sur l'ennemi. Il avait pourtant écrit une lettre non envoyée qui est, somme toute, la clé de l'histoire. Dans ce
courrier en effet, il raconte à sa bien aimée comme il l'aime, comme il regrette de ne lui avoir dit ces mots et comme, en fait, il déplore que la mort ne soit pas la fin d'une vraie vie. « Nous avons si peu de temps pour exprimer ce que nous ressentons, dit la lettre amère. Nous avons si peu de temps pour quoi que ce soit. Enoch n'avait pas besoin de plus. Il doit réapprendre à vivre, s'ouvrir, aimer. »

Hiroshi et la jeune fille sont à l'image de la personnalité d'Enoch. Son côté obscur se délecte de la mort, traduit par l'obscurité de ses habits, et une autre partie de lui veut vivre. Probablement pour cette raison le fantôme n'aime pas la jeune fille, presque toujours vêtue en couleur, mais apprend à s'en faire une amie, jusqu'au point d'orgue de l'histoire, où la
jeune fille le voit tout à fait.

Les questions évoquées plus haut sont souvent traitées par le film, qui n'y répond jamais que par un truisme parfois dégoulinant de sensibilité : la vie est belle, dont il faut profiter comme si la mort était imminente.

Ne nous voilà pas très avancés, mais le message général saura contenter les moins exigeants