Seul sur Mars

Film : Seul sur Mars (2015)

Réalisateur : Ridley Scott

Acteurs : Matt Damon (Mark Watney), Jessica Chastain (Melissa Lewis), Kristen Wiig (Annie Montrose), Jeff Daniels (Teddy Sanders), Sean Bean (Mitch Henderson)

Durée : 02:24:00


Seul sur Mars. Rien que le titre, j'ai envie de partir en courant dans l'autre sens. Seul au monde, par exemple, superbe film magnifique et beau sur la survie d'un homme en milieu hostile, m'avait profondément… barbé (sauf le passage où il s'arrache une dent avec un patin à glace. Ça c'était rigolo!).
Je m'imaginais donc commencer mon article par : « il faut aimer le genre... », mais je dois faire à présent mon mea culpa.

Le premier intérêt de ce film de survie est déjà le même que celui qui avait fait le succès d'Interstellar : la prodigieuse et écrasante grandeur de l'univers galactique. Quelle que soit la technologie qui nous accompagne, nous sommes si infimes devant cet immensité et ses mystères qu'une sensation de vertige nous envahit instantanément. Si les océans font déjà cet effet, alors que les sous-marins de Google inspectent leurs abysses sans relâche, combien plus encore la terreur nous saisit-elle à l'idée de ces milliards d'années lumières qui nous séparent des lointaines galaxies !
A lui seul (Terence Malik l'avait déjà bien compris dans The Tree of life), cet intérêt peut déjà capter longtemps notre attention !

Ensuite, il s'agit d'un survival, conséquence naturelle de ce qui précède. Au milieu de cet univers hostile, l'homme doit se battre pour survivre. Ses pires ennemis ? La vitesse, la température, la distance, la résistance, la gravité, la matière… Bon tout quoi… Sur les océans, les éléments sont connus avec certitude. Ici, TOUT est dangereux, et même les gros muscles de Matt Damon ne parviennent pas à nous rassurer. Bâti sur le roman éponyme d'Andy Weir (qui a été programmateur de Warcraft II, ce qui en fait un type très très bien), ce film très documenté s'appuie sur les dernières découvertes scientifiques pour se projeter dans un avenir proche et imaginer un scénario catastrophe. De l'aveu même d'Andy Weir, la seule chose impossible est la violence de la tempête qui déclenche les péripéties du scénario, mais il en avait précisément besoin comme élément déclencheur.

On imagine donc que, nouvelle conséquence naturelle de ce qui précède (comme cet article est bien construit !), une autre dimension du survival est le facteur humain (pas celui qui distribue des lettres hein, ne confondez pas !). Ce facteur intervient à plusieurs titres.
Tout d'abord les psychologies des rigolos de la NASA. Ceux-ci ont pour priorité le sauvetage de Mark, bien sûr, mais les hommes étant ce qu'ils sont, on trouve toujours une bonne raison de se bouffer le nez. On passera sur les crêpages de chignons, mais on observera quand même quelque chose d'assez amusant dans ce scénario : toutes les mécaniques sont parfaitement huilées, ce qui laisse quelque peu perplexe.
En premier lieu, tout le monde veut sauver notre naufragé spatial. Personne n'a l'air de se dire que dépenser plusieurs milliards pour secourir un type pose une vraie question. Je ne dis pas qu'on aurait dû le laisser, mais comment croire que personne ne soulève l'objection ?
Ensuite les responsables de la NASA tiennent compte du fait que la loi les oblige à donner les informations à la presse sous 48h, et là, franchement, c'est la grosse marrade. Depuis quand les pouvoirs américains se préoccupent de ce que dit la loi pour des questions de ce type ? Ici, ils ont tous le profil des boy-scouts qui ne songent pas un seul instant à cacher des choses à la presse. Bien sûr, on sanctionnera ce brave chef de projet qui a été un peu trop honnête devant les médias, mais ce  n'est pas sur le fond, uniquement sur sa façon de communiquer.
Enfin, mais il faut reconnaître qu'on a le droit de rêver après tout, Andy Weir a imaginé que la Chine mette à mal une de ses missions pour aider au sauvetage de cet astronaute. Personnellement, pour en revenir à la première question, je ne suis pas sûr que la Chine accorde autant d'importance à la vie d'un citoyen américain, mais enfin… Cela colle avec le reste.

La deuxième intervention du facteur humain est évidemment la résilience psychologique de notre héros solitaire. Livré à lui-même sans ses parents et sa nounou, avec un bout d'antenne un peu trop affectueux planté dans le ventre, il ne peut compter que sur sa science de la botanique pour survivre (et quelques connaissances en physique-chimie, quand même, histoire de faire du feu avec de l'hydrogène). Ce qui frappe, dans ce film, c'est l'humour avec lequel il fait face à tous les défis, sans jamais se décourager. S'exprimant dans quelques vidéos-testament-journal de bord, il trouve toujours de quoi se redonner espoir, sans se bercer d'illusions pour autant. On aurait pu attendre une vraie lutte contre le découragement ou, plus précisément, une démonstration de cette lutte, puisqu'on se doute que ce combat intérieur a bien eu lieu, sans que nous en ayons été témoins. Même dans le cadre d'une focalisation externe, cet absence de lutte psychologique manque.

Il n'en reste pas moins que ce film est une belle aventure, qui replonge dans le macrocosme impitoyable de la conquête spatiale et nous rappelle qu'aussi petit que nous soyons dans cet océan d'étoiles, la moindre parcelle de notre courage célèbre une humanité plus grande encore que l'univers qui la contient.