Strictly criminal

Film : Strictly criminal (2015)

Réalisateur : Scott Cooper

Acteurs : Johnny Depp (Whitey Bulger), Joel Edgerton (John Connelly), Benedict Cumberbatch (Bill Bulger), Dakota Johnson (Lindsey Cyr)

Durée : 02:03:00


Pas facile de parler mafia après la vague de monuments sortis entre 1972 et 1995 sur le sujet, de Coppola à Scorsese, du Parrain à Casino, en passant par De Palma et ses Incorruptibles. Certains tentent la carte du réalisme (Blood Ties, Public Ennemies), bons mais toujours proches de l’ennui, d’autres réinventent tout pour ne pas être comparés aux références, et cela donne Gangster Squad, une involontaire caricature du genre.
D’autres s’en tirent toutefois en imitant les anciens, comme Donnie Brasco (avec déjà Johnny Depp), et peut-être à présent, Scrictly Criminal (ou Black Mass, de son titre original).

Jouant le classicisme à fond, ce petit biopic de James "Whitey" Bulger, gangster irlandais notoire de Boston (années 70) rappelle de bons souvenirs. On trouve ici sa qualité et son défaut : par l’ambiance, les dialogues (voix off intéressante, devenue presque obligatoire depuis Scorsese dans la catégorie), les magouilles et les règlements de compte, on se souvient des classiques. Mais il n’y a guère de comparaison possible : lorsque ces derniers éveillaient la fascination pour les pratiques du monde occulte de la mafia, en étalant le quotidien des hors-la-loi, Strictly Criminal ne fait qu’évoquer. Cela est devenu si évident, si fouillé, dans Les Affranchis notamment (1990), que le réalisateur semble craindre de plagier quelque peu les descriptions des autres.
On peut le comprendre, mais on reste un peu sur sa faim, étant donnée la personnalité singulière de notre Irlandais.

Une expression du film résume parfaitement le personnage : « c’est le crime incarné ». Johnny Depp, méconnaissable, très investi dans son rôle (enfin la fin de la récré pour lui, après pas mal de clowneries !), fait complètement oublier son statut de star pour devenir réellement le sombre « Jimmy ». Niveau morale, il garde de bons restes (il s’accroche à la vie de son fils gravement malade, quand sa femme veut le débrancher parce qu’ « elle ne le supporte pas »), mais ce qui domine est son côté luthérien, la morale du « ce n’est pas pécher que pécher en silence ». Et on voit le résultat : extorsions, drogue, meurtres sauvages … Johnny Depp fait de ce mafieux un vrai serpent, séducteur, fascinant, hypocrite et cruel.

La caméra a beau tourner autour de lui, le scénario demeure léger sur ses faits et gestes. Il reste toutefois magnifiquement interprété, tout comme une flopée de seconds rôles mieux choisis les uns que les autres. C’est le point fort du film.

Agréable mais très (trop ?) classique mélange des particularismes du genre, violent, ce Strictly Criminal n’est certes pas une légende, mais un solide film de gangsters.