Sucker Punch

Film : Sucker Punch (2011)

Réalisateur : Zack Snyder

Acteurs : Emily Browning (Babydoll), Abbie Cornish (Sweet Pea), Jena Malone (Rocket), Vanessa Hudgens (Blondie), Jamie Chung (Amber), Carla Gugino (Le docteur Vera Gorski) .

Durée : 01:50:00


un film très noir imprégné de violence et de sexe, qui traite le thème de la frontière entre réel et imaginaire.

Sucker Punch est un jeu vidéo de baston, sans aucune interactivité.

Porté par un scénario presque original qui mise visiblement sur ses effets spéciaux rageux, le film exploite le filon du rêve et de la réalité, déjà largement prospecté par des films comme Big Fish (de Tim Burton en 2003), Inception (de Christopher Nolan en 2010) ou de façon plus lointaine par Matrix (des frères Wachowski à partir de 1999). A
l'instar d'Inception, le rêve comporte plusieurs niveaux de profondeur, et comme il est une fuite de la réalité, chaque niveau est un peu plus embelli. Pour le réalisateur, dans le dossier de presse, « c’est un film d’évasion, au sens propre et figuré. Il montre comment l’esprit peut ériger une barricade quasi infranchissable entre l’imaginaire et la réalité, et jusqu’où nous sommes prêts à aller et quels sacrifices nous sommes enclins à faire pour nous tirer d’une situation difficile. »

Dans la réalité, Babydoll est internée de force dans un hôpital psychiatrique glauque à souhait, où les responsables abusent de leurs pensionnaires et se livrent à toutes les magouilles possibles.

Dans son rêve, Babydoll est
placée de force dans une maison de passes, par un prêtre bien sûr, affublé des traits de son beau-père, où elle est condamnée à danser et à coucher pour le plus grand enrichissement de son proxénète, incarné par le responsable de l'asile dans la réalité. Pour résister à l'horreur de sa détention, elle entre à nouveau dans le monde des rêves lorsqu'elle exécute ses danses.

Dans ce deuxième et dernier niveau de profondeur, Babydoll est l'héroïne « loliconée » de scènes d'action ultra-stylisées et hyperviolentes. Jaillissant dans un déluge de musiques métal, les différentes couches se répondent, chaque strate supérieure hypertrophiant les ombres de son assise. Pas très originale certes mais, de ce point de vue, l'idée est assez bien traitée. Bien sûr les paroles du sage qui accompagne les jeunes atteignent le summum du ridicule (« Souvenez-vous, si
vous ne vous battez pas, vous risquez de tomber dans un piège. Ah, encore une chose : tâchez d’unir vos forces. »
), mais on ne peut pas tout avoir.

Techniquement la plastique est aussi bien léchée que le film 300, du même réalisateur en 2007, mais l'ambiance noircie qu'on survolait dans le Royaume de Ga'Hoole (2010) est ici ténébreuse. La violence est multiple : physique, psychologique, morale... La jeune fille et ses amies sont livrées au bourreau dont on se demanderait même pourquoi il ne profite pas plus de sa situation. Sans doute parce que la cruauté est plus désirée par le réalisateur que la sexualité, même s'il pratique exactement ce qu'il dénonce : l'exploitation à des fins financières des charmes d'une jeune fille. Reste que l'horreur est
étalée complaisamment avec une jouissance palpable, et dessinée par des ralentis compulsifs. Aux fins d'oxymores délectés, on montrera un prêtre apparemment aimant qui hurlera des blasphèmes à la première c
ontrariété, une tentative de viol sur l'air du Stabat Mater de Giovani Battista Pergolèse, ou des dragons à égorger dans des structures gothiques curieusement proches des architectures de cathédrales.

A la combinaison outrancière de l'Église catholique et de la perversité répond la sérénité du bouddhisme, piètrement instrumentalisé comme souvent pour enseigner qu'il faut renverser ses peurs.



Raphaël Jodeau