Transcendance

Film : Transcendance (2014)

Réalisateur : Wally Pfister

Acteurs : Johnny Depp (Will Caster), Rebecca Hall (Evelyn Caster), Paul Bettany (Max Waters), Cillian Murphy (Agent Buchanan), Morgan Freeman (Joseph Tagger)

Durée : 01:53:00


« Transcendance. » Le mot est lâché. Transcendance, verticalité, ce qui vient d'en haut, Dieu… Johnny Depp, alias Will Caster et encore un peu trop pirate des caraïbes par moment, ne mâche pas ses mots : créer Dieu, n'est-ce pas ce que les hommes ont toujours voulu faire ?

Le ton est donné. Créer Dieu serait à la portée de l'homme. Si vous en aviez rêvé Hollywood l'a fait. Dématérialiser l'intelligence et la volonté d'un homme, sa mémoire, et sa conscience. Plus besoin de dormir, des connaissances illimitées par la quantité de disques durs disponibles, tous les disques durs du monde même, puisque l'heureux dématérialisé peut surfer sur internet encore mieux que Patrick Swayze dans Pointbreak.
Vieux rêve de l'homme qui réveille toujours et surtout aujourd'hui les plus grands fantasmes, la nanotechnologie permettrait donc à l'homme de s'affranchir des contraintes de la mortalité.

Ironie du sort c'est au moment où le cinéma prêche la dématérialisation qu'il est le plus matérialiste ! Qu'y a-t-il en effet de plus matérialiste que d'imaginer l'intelligence, la volonté et la conscience sous forme de simple données gravées dans un cerveau et transférables sur un espace de stockage électronique ?
Dans la droite ligne du cartésianisme, nous sommes donc heureux de vous présenter le positivisme scientifique, qui rêve de pouvoir réduire l'existence humaine à un ensemble de faits constatables matériellement.
Nous voilà bien éloignés de l'hylémorphisme aristotélicien, qui avait découvert comme ça, sans chercher à broder de l'idéologie comme Auguste Comte, que matière corporelle et âme immatérielle étaient fusionnés de telle sorte que dans les choses l'un ne pouvait aller sans l'autre !
Ce qui est intéressant en revanche, c'est que ce film va un peu plus loin que l'habituelle croyance stupide dans l'autonomie des machines à la Terminator. Ici, puisque c'est tout l'humain qui est informatisé, ses capacités sont un peu plus plausibles.

Ce script très bien ficelé ne s'arrête cependant pas là : devenir Dieu c'est cool, mais c'est dangereux !
Rebecca Hall, qu'on avait vu briller dans The Town ou encore Iron Man 3, incarne un personnage qui va découvrir progressivement qu'être la femme d'un ordinateur n'est pas toujours très fun. Indépendamment d'une quantité de boutons plus importante encore que celle de Shrek à son adolescence, il faut reconnaître qu'un amant électronique, c'est tout froid, même si pépère finit par se construire une enveloppe charnelle affranchie mais complètement timbrée.

Les scénaristes sont joueurs et on aime ça ! Leur objectif est simple : dénoncer l'extrême bienveillance déshumanisante. Emmenés par des Paul Bettany et Morgan Freeman au top de leur forme, une équipe de gros bras, avec des airs très sérieux et très conscients du danger, décide donc de délivrer le monde de cette menace. Je ne vous dirai pas comment tout cela finit parce que je ne suis pas un chacal, mais je peux déjà vous dire qu'il est encore plus difficile de venir à bout de Will l'ordi que de mettre Deep Blue échec et mat.

Si ce film matérialiste rêve donc de toute puissance, c'est donc pour mieux nous en détourner. Paul Bettany incarne un scientifique qui fait passer la science après l'éthique et ne conçoit de transcendance qu'extérieure à l'homme.
Après tout, en son temps le serpent l'avait déjà dit à la femme qui tombe dans les pommes : « vous serez comme Dieu ! » et non « vous serez Dieu ! » « Comme », voilà un petit mot qui fait toute la différence, et si les costards de Dieu sont trop grands pour nous, nous n'avons plus qu'à les faire rétrécir au lavage de cerveau.

Après, c'est vous qui voyez !