Un Condamné à mort s'est échappé

Film : Un Condamné à mort s'est échappé (1956)

Réalisateur : Robert Bresson

Acteurs : François Leterrier (Lieutenant Fontaine), Charles Le Clainche (François Jost), Maurice Beerblock (Blanchet), Roland Monod (Le Pasteur)

Durée : 01:39:00


Un condamné à mort s'est échappé, réalisé par Robert Bresson et sorti en 1956, est une adaptation du récit autobiographique d'André Devigny. Il s'inscrit dans une lignée de films relatant des évasions avérées, comme les célèbres La Grande Évasion (1963) et La Grande Illusion (1937). Tout le scénario repose sur la préparation de l'évasion de la prison vichyste, avec patience, minutie et prudence.

La réalisation est simple voire austère, et cela est riche de sens. Les plans sont presque tous des gros plans : on voit des visages, des coins de murs mais jamais une vue d'ensemble ; une forte impression d'enfermement s'en ressent, le spectateur adopte le point de vue des prisonniers, baissant la tête, ne risquant que très rarement un regard persistant sur l'entourage. Les personnages dialoguent rarement, en s'effleurant, sans vraiment se regarder dans les yeux. Une immersion dans l'univers carcéral à la fois singulier et saisissant. La focalisation interne est maintenue de manière très prolongée, une voix off permettant de traduire les pensées du personnage.

Le fond sonore est aussi très finement travaillé, le silence règne et laisse entendre l'angoisse de se faire remarquer. Le héros fabrique des instruments avec les moyens du bord et bricole à longueur de journée, dans la discrétion de sa chambre, dans le silence absolu de la prison : les bruitages des gestes sont alors chargés d'émotion voire de suspense, ici la post synchronisation des sons revêt un caractère significatif. Que dire des bruits de l'évasion ! Le moindre son fait par les prisonniers pendant leur sortie suspend le souffle du spectateur, et les sons de l'extérieur sont autant de moments de répit qui reviennent en leitmotiv. L'art d'instaurer du suspense avec une très grande simplicité !

µUne réalisation très sobre qui réserve ce film aux initiés : le sens se trouve dans les détails, pas de spectacle mais du silence, très peu de péripéties mais des séquences répétitives qui sont le reflet de la vie carcérale.

La musique se fait parfois entendre, exclusivement tirée du Kyrie de la grande messe de Mozart : solennité, force et sacralité s'insinuent ainsi dans des passages clés, et notamment celui de l'évasion. En effet cette évasion n'est pas seulement saluée pour le génie des préparatifs et du plan, c'est aussi un message d'espoir et de détermination. Les longs mois de préparation et les obstacles ne font pas reculer le personnage, et comme faire valoir de son courage d'autres prisonniers refusent de prendre cette chance (ou ce risque). De l'adresse et de la minutie certes, mais un jour il faut se lancer et tout le monde n'a pas les mêmes tripes !

Le courage du personnage est aussi soutenu par ses camarades et notamment un pasteur, qui lui lit un passage de l'évangile selon Saint Jean comprenant la référence à la nécessité de naître une deuxième fois c'est-à-dire de faire mourir le pécheur et de se régénérer dans l'esprit. Ce passage est un passage clé dans la mesure où il donne son sous-titre au film « Le vent souffle où il veut ».

« Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. » Jn, 3, 8.

Une façon de dire que l'évasion est aussi le fruit de la grâce, permise par la providence ? Ou de manière plus immanente, que l'homme doit savoir tenter l'impossible armé de sa détermination et de sa ruse et ne pas se résigner face à ses ennemis.