Un enseignant à l'école de la vie

Film : Une année polaire (2018)

Réalisateur : Samuel Collardey

Acteurs : Anders Hvidegaard ()

Durée : 1h 34m


Une année polaire apporte un brin de fraîcheur bienvenu en ce début de période estivale ! C'est une vraie plongée dans un monde oublié et pourtant bien réel, celui de la vie des Esquimaux au Groënland ! A la barre de cette aventure, un enseignant rouquin et barbu, en provenance du Danemark, prêt à débarquer comme au temps des caravelles dans cette ancienne colonie rattachée à la Couronne pour y répandre la culture danoise. Un choc civilisationnel attend notre héros mû par un idéal obscur, le poussant loin des villes bruyantes. Anders rencontre un circuit social complètement déconnecté de Copenhague. Il tire à peu près la même face que celle de Moïse descendant du Sinaï à la vue du veau d'or ! Très vite en effet, il sent monter un vent de contestation à sa présence. Les villageois du hameau de Tinitequilaaq ne dansent pas vraiment à cloche-pieds autour de lui. Les enfants de sa classe rechignent d'ailleurs à écouter ses discours sur Luther et le Danemark. Ils préfèrent user leur dialecte. Bref, comme Tom Hanks dans Seul au monde ou Di Caprio dans l'enfer psychologique de Shutter Island, Anders a juste l'impression de parler dans le vide.

Enseignant en saignant

Une année polaire est-il donc un film sur le rejet des patries et des métropoles ? Pas vraiment, même si le scénario pourrait s'y prêter. En fait, c'est un film qui illustre bien le sentiment dominant de notre époque en quête d'identité et de vie réelle. On retrouvait déjà ce thème en 2016 dans le bon film de Safy Nebbou (Dans les forêts de Sibérie, avec l'acteur Raphaël Personnaz) portant un jeune homme similaire vers le lac Baïkal pour fuir la civilisation moderne. Ici, le pauvre Anders, conspué par son comité d'accueil, suit la même trajectoire mais dans le cercle polaire. Frisant le style documentaire avec ses dialogues à la limite de l'improvisation, le réalisateur français Samuel Collardey (de la bonne série Le Bureau des Légendes) apporte une touche de précision qui donne à cette aventure un côté extrêmement réaliste. Le cauchemar du mal du pays se transforme sous sa patte en aventure véritablement exotique où l'enseignant principal n'est pas celui qu'on croit. Dans ce film, c'est la vie elle-même qui tient ce rôle. Elle rapproche Anders d'un sens profond de la simplicité à travers l'apprentissage des chiens de traîneaux, de la pêche sous la banquise ou encore de la saignée des phoques. Dépaysant par ses paysages splendides, assoupissant par ses longueurs silencieuses, ce film aurait pu être le décor d'une fable écologique sur la fonte des glaces assortie d'une morale. Il se dépeint de façon surprenante comme une fable sur la vacuité de l'existence moderne assortie d'une belle focale.