Un Taxi Driver, sans la profondeur psychologique ...

Film : A Beautiful Day (2017)

Réalisateur : Lynne Ramsay

Acteurs : Joaquin Phoenix (Joe), Ekaterina Samsonov (Nina), Alessandro Nivola (Senator Williams), Alex Manette (Senator Votto), John Doman (John McCleary), Judith Roberts (Joe's Mother), Ryan Martin Brown...

Durée : 1h 35m


Joaquim Phoenix tabasse, s’occupe de sa maman, tue sur commande, s’occupe encore de sa maman, fait des gestes dans le vide une serviette sur le visage, se torture de souvenirs traumatisants. Tueur à gages aussi efficace que sobre (proche du clochard, en fait), il sème régulièrement la mort chez d’odieux bourreaux. Pourtant léger sur sa façon d’accepter les contrats, il visite manifestement toujours des méchants : difficile de ranger du côté des honnêtes gens un tueur, regardant à peine les crimes de ses cibles ; mentalité américaine, tes mystères sont profonds… Ainsi commence la différence avec Taxi Driver (1976), puisque quelques-uns ont tenté la comparaison. En fait, le schéma « homme qui n’est rien » devenant un chevalier servant est exactement le même, et le souvenir bien plus récent de Drive vient en tête également. 

Mais notre héros n’a pour vertu que sa piété filiale, et devient chevalier servant par le hasard d’une affaire de gamine enlevée. Son héroïsme est commandé, payé, comme un service. Tout le contraire du taximan de Scorsese, ou du « kid », qui devenaient volontairement, et gratuitement des héros. 

Au jeu des différences, ce film n’a pas la musique de l’oeuvre de Winding Refn, ni la psychologie sociale de celle de Scorsese. « L’histoire se répète toujours deux fois : la première comme une tragédie, la seconde comme une farce » disait Marx. Sans être aussi sévère, il faut reconnaître que les tourments du héros ne font que singer la torture intérieure de De Niro dans Taxi Driver. Le problème n’est pas Phoenix, qui essaie tant qu’il peut de donner de l’épaisseur à son personnage (ce qui est déjà pas mal, ce garçon ayant un talent monstre), mais le scénario, qui ne lui fait rien dire, et la mise en scène, qui enchaîne les clichés sur les traumatismes. 

Les intentions sont louables : cibler les nouveaux monstres du siècle, et prolonger la résurrection du chevalier servant qui les combat, entamée par Drive. Mais Taxi Driver se reconnaît toutes les dix minutes, jusqu’au plagiat ; il était pourtant dangereux de fouler les plates-bandes de Scorsese, maître en psychologie des gens ordinaires ; l’oeuvre du maître n’avait nul besoin d’une sorte de mise à jour, tant elle n’a toujours pas pris une ride. Ce qu’avait réussi Drive était le pari de l’originalité, tout en reprenant un type de personnage déjà créé des décennies auparavant et inscrit au panthéon du cinéma. Ce film-là ne fait qu’imiter péniblement. L’ambiance et l’esthétique permettent de retrouver les couleurs de Taxi Driver, mais les couleurs seulement. Dommage pour Phoenix, qui aurait dû se raser la barbe comme De Niro s’était rasé le crâne, quitte à s’inspirer ouvertement de la référence.