Un traître idéal

Film : Un traître idéal (2015)

Réalisateur : Susanna White

Acteurs : Ewan McGregor (Perry Makepeace), Stellan Skarsgård (Dima), Damian Lewis (Hector), Naomie Harris (Gail Perkins)

Durée : 01:48:00


Avez-vous déjà visité un jet de luxe dans un salon international ? Vous savez le genre d’avion que chacun rêve de s’offrir, que tout le monde peut visiter librement… mais qui reste fixé au sol dans un hangar. Eh bien le dernier thriller britannique Un traître idéal est de ces oiseaux-là : casting de luxe (Ewan McGregor, Damian Lewis), photographie hallucinante avec des jeux de reflets partout, des plans magnifiques… sauf que l’histoire ne décolle jamais !

Voilà une adaptation assez médiocre de l’avant-dernier roman de John Le Carré, Our Kind of Traitor  (2013). Le spécialiste britannique de l’espionnage avait pourtant façonné une histoire subtile dont la réalisatrice Susanna White (Jane Eyre, 2006, TV) n’a visiblement pas su tirer toute la sève. On attend donc avec impatience le prochain Jason Bourne prévu cet été ! Côté histoire justement, il y avait beaucoup à espérer de la rencontre improbable d’un couple de vacanciers anglais à Marrakech, Perry et Gaïl, avec un haut dignitaire de la mafia russe en danger (Stellan Skarsgård). Embobiné dans un imbroglio invraisemblable, le couple McGregor-Naomie Harris se retrouve à protéger la famille d’un mafieux soucieux d’obtenir une protection du MI6 en l’échange de renseignements sur les personnalités publiques britanniques, élus et banquiers, tirant profit de l’argent sale dans la City de Londres.

Le traître n’est decidement pas celui auquel on pense

Cet alléchant programme est mal ficelé. McGregor et sa compagne adhèrent beaucoup trop vite à ce projet très douteux. On est loin de la performance exceptionnelle du comédien touriste Owen Wilson dans une situation tragique similaire (No Limit, 2015). Damian Lewis, le spécialiste par excellence de la trahison (Homeland, TV), pressenti pour endosser le futur costume de James Bond, est sous-exploité en subalterne du MI6. Le film est marqué par une sorte d’arythmie décevante alors que le sujet est explosif. Susanna White n’a pas réussi à mettre ses talents esthétiques au service de l’idée principale portée par John Le Carré : une idée très politique.

Celle qui évoque la corruption des élites politiques et administratives des principaux pays occidentaux, ainsi que le blanchiment international de l'argent sale. Le Carré fait part du cynisme des pays riches qui, en toute connaissance de cause, profitent de cet argent sale sans s'en émouvoir, celui par exemple de la cocaïne afghane ou des armes du Soudan. Le film est fidèle à la source : il montre la City de Londres comme l'un des grands centres mondiaux de recyclage de l'argent sale, avec la complicité passive, si ce n'est active, des hommes politiques de tous bords. « Mieux vaut que le blanchiment se fasse chez nous plutôt qu'ailleurs » semble être la devise du Royaume-Uni selon l'auteur. Susanna White est allée dans ce sens : elle a filmé Hector (Damian Lewis) comme un agent intègre se trouvant en butte à l'opposition de sa hiérarchie au moment de révéler des secrets inavouables. Cependant on aurait aimé que le message de Le Carré ressorte mieux : le traître n’est pas seulement celui que l’on voit, un repenti de la mafia russe violent et ivrogne, le traître est aussi chacun de ceux qui le couvrent, en col blanc, dans les arcanes de la City. Malheureusement, la portée politique du sujet et ses potentialités paranoïaques non négligeables ne prennent jamais leur envol. Le titre anglais en laissait présager davantage : Our Kind Of Traitor (litt. : Notre genre de traître).