Une belle fresque de la France communale en guerre

Film : Les Gardiennes (2017)

Réalisateur : Xavier Beauvois

Acteurs : Nathalie Baye (Hortense), Laura Smet (Solange), Iris Bry (Francine), Olivier Rabourdin (Clovis), Cyril Descours (Georges), Gilbert Bonneau (Henri), Nicolas Giraud (Constant Sandrail), Mathilde Viseux...

Durée : 2h 14m


Nouveau film sur la Première guerre mondiale, mais vue de l'arrière comme on disait durant ces guerres de tranchées aspirant les hommes vers le front et les barbelés ! Après le remarquable Des hommes et des dieux (2010) se déroulant durant la guerre d'Algérie, Xavier Beauvois continue d'explorer le thème de la guerre. Il montre tout sous le regard des femmes, dont le rôle social est appelé à évoluer de façon considérable. Le monde des femmes, la vie sociale, en effet, n'a pas le temps d'attendre que les hommes du front reviennent. La société a besoin de "tourner", les foyers endeuillés de se nourrir, les communes de survivre, la vie de se régénérer. Alors les femmes se retroussent les manches et organisent une société de subsistance où elles participent d'ailleurs à l'évolution des pratiques agricoles, dans une France qui compte alors une majorité d'actifs engagés dans ce secteur.  

Sous de magnifiques paysages silencieux endormis par la neige, le froid, et la lumière rasante des jours fuyants, Les Gardiennes entrent en scène. Elles attendent activement des hommes poussés vers le cercueil tant par la folie politicienne que par leurs velléités de résistance au "Boche". Juchées sur des tracteurs et des moissonneuses-batteuses, elles mènent leur propre combat, celui de la survie. Elles sont amenées par la force des événements à décider d'un monde qui broie d'un seul coup l'image de l'homme et l'héritage de la paternité. L'homme a tort. Tort d'être parti. Tort de ne pas avoir assez défendu. Tort de s'être laissé mourir. En fait, il a tort de ne pas avoir suffisamment anticipé ce que pourrait être une société sans lui. Que se reprochent hommes et femmes de cette époque, sinon leurs absences réciproques ? Le pire est qu'il n'y peuvent rien, parce que la mobilisation générale s'est faite sans leur consultation.

Le film de Beauvois se positionne très justement sur les problématiques sociales soulevées par cette guerre hors du commun. C'est un registre classique propre à de nombreux autres films. Cependant l'auteur se distingue par son style (plans fixes, musique patiente, silences répétés, observation de la nature et des saisons) qui imprègne le film d'une méditation assez propice. Il manque peut-être un peu de ruptures de rythme et de projection en dehors du petit hameau de retranchement de ces femmes seules et armées contre la solitude.