Une grande page d'Histoire, une grande page de cinéma

Film : Lawrence d'Arabie (1962)

Réalisateur : David Lean

Acteurs : Peter O'Toole (T.E. Lawrence), Alec Guinness (Prince Feisal), Anthony Quinn (Auda abu Tayi), Jack Hawkins (General Lord Edmund Allenby), Omar Sharif (Sherif Ali), Claude Rains (Mr. Dryden),...

Durée : 3h 47m


L'épopée de T.E. Lawrence aux côtés des Arabes, soulevés par leur roi Hussein contre les Ottomans, sortie en 1962, n’a pas pris une ride.
Le parti pris du film suit en partie la ligne historiographie de l’époque (1962) : les Arabes menés en bateau par les Britanniques, par l’intermédiaire d’un homme de bonne volonté, mais idiot utile de la Couronne : Lawrence. 

 Le film, comme le titre l’indique, fait graviter les événements autour de son héros. Ce regard fait porter l’exploit de la révolte arabe entièrement sur les épaules de l’officier britannique, à un point peu flatteur pour les Arabes, que l’on voit constamment penchés vers la division, la cupidité, et bien peu intéressés en soi (à part Fayçal bien sûr) par l’idée d’un grand royaume arabe. 
Dès lors, Lawrence passe pour une lumière de sagesse et d’honnêteté, tombée au milieu des ténèbres britanniques et arabes, tous calculateurs, menteurs, et improbes. 

 Ce parti pris romance quelque peu la réalité historique : non pas que Lawrence ne fut pas honnête (là-dessus, le film suit ce qui ressort de sa vie : un véritable espoir d’union des Arabes, un réel combat verbal en Europe pour défendre leur cause, et une longue dépression après la déception finale, combat absent du film d’ailleurs !), mais les ténèbres qui l’entourent sont assombries par l’oeuvre : les Anglais, certes calculateurs, n’avaient jamais explicitement promis le fameux royaume arabe, mais simplement fait miroiter ; il faudrait être niais pour ne pas faire la différence, à la place du roi Fayçal ; quant à ce dernier, la départ final de Lawrence ne l’arrangeait pas vraiment : ce héros de l’opinion publique qu’il tenait attaché à sa cause donnait envie à l’observateur lambda que le royaume arabe naquît. 

 Les Français, ayant signé les accords Cambon-Grey (ou « Sikes-Picot », selon les Britanniques, pour dévaloriser l’accord, ces deux derniers n’étant que des techniciens, et non les éminents signataires de ce partage du Moyen-Orient), n’avaient que faire de la révolte arabe, la Syrie leur étant promise. Ils écrasèrent Fayçal, livré à lui-même (donc sans les Anglais, sans Lawrence), à Damas, juste après la guerre ; mais le roi arabe insista tant qu’il finit par obtenir la création de l’Etat d’Irak (1921). Dommage de ne pas avoir montré cette triste défaite, puis cette victoire diplomatique : le rêve arabe était en partie réalisé. C’est ainsi : Lawrence d’Arabie n’est pas un film sur le rêve arabe (il le nie pratiquement d’ailleurs), mais sur cette légende que fut T.E. Lawrence. 

 Cependant, même en constatant la déformation voulue par le scénario, on ne peut que s’incliner devant l’art cinématographique de l’oeuvre, nous emmenant dans des paysages désertiques somptueux ; creusant, avec une réelle qualité d’écriture, la personnalité très complexe de Lawrence ; et le tout porté par une musique faisant depuis longtemps partie du panthéon du 7e Art.