Une heure de tranquillité

Film : Une heure de tranquillité (2014)

Réalisateur : Patrice Leconte

Acteurs : Christian Clavier (Michel Leproux), Carole Bouquet (Nathalie Leproux), Valérie Bonneton (Elsa), Rossy de Palma (Maria)

Durée : 01:19:00


Pendant une heure et dix-neuf minutes, Patrice Leconte nous fait vivre la vie de Michel Leproux, un égoïste absolu. On en connaît tous au moins un comme ça. Ce n'est jamais nous, bien sûr (nous sommes trop parfaits bien entendu) mais quelqu'un d'autre, ça oui !

Voilà un homme qui trouve un vieux vinyle « extraordinaire » dans une brocante. Ni une, ni deux, il doit l'écouter. Il commence par déplacer un rendez-vous avec son « meilleur ami, » en pensant avec mépris que celui-ci veut encore lui demander de l'argent, et va, à partir de cet instant, se focaliser de façon totalement obsessionnelle sur quelque chose d'aussi futile que l'écoute d'un album musical.

Dès lors, autrui devient pour lui un calvaire. Sa femme, interprétée par une Carole Bouquet toujours aussi bonne actrice mais pas tellement à son avantage dans le film, traverse une très mauvaise passe. Qu'à cela ne tienne ! Faisons-lui couler un bain, elle nous fichera la paix.

La femme de ménage vient travailler ? Soyons odieux pour la contraindre à partir, puis rappelons-la parce qu'on a soudainement besoin d'elle. L' « autre » est un jouet. « L'enfer, disait Sartre, c'est les autres. » Voilà l'égoïsme.

À entendre Michel Leproux parler de son fils, on se dit qu'il n'aime personne. Sa maîtresse peut-être ? Peuh ! Même ce boulet pleurnichard s'en mêle, en voulant rompre leur relation : jetons-la dehors en faisant semblant de comprendre, on a un disque à écouter, quand même ! Les poulettes sont moins difficiles à trouver que le son d'une bonne clarinette !

La fête des voisins ? Un ramassis de dégénérés parasites juste bons à saluer rapidement dans l'immeuble...

Et pourtant Michel Leproux, empruntant pour la circonstance la tête à claques de Christian Clavier (à l'origine c'est Fabrice Luchini, interprète du rôle dans la pièce très différente de Florian Zeller, qui devait s'y coller avant de renoncer), se permet de donner des leçons à la terre entière. Ce sont ces fameux autres, qui le persécutent. Si le voisin demande moins de bruit, on lui jette au visage que c'est un con. Forcément, puisqu'il ne tourne pas autour du sieur Leproux.

L'interprétation est assez juste, la mise en scène intéressante (filmée intégralement à la caméra-épaule), mais c'est surtout la finesse de l'analyse psychologique qui mérite d'être relevée dans ce film. Car Michel Leproux, dont le métier de médecin est de soulager autrui, semble (au départ au moins) s'adresser aux autres avec courtoisie. C'est lorsque le coeur n'y est pas que la politesse devient hypocrisie et, comme dit la bible, seul Dieu sonde les reins et les coeurs.

La charité est bannie, et la vérité toute nue éclate quand l'odieux personnage se trouve ridicule. Là, pour le coup, on en vient aux mains (on ne va pas tout dire, pour ne pas briser l'effet de surprise).

Ce qui est léger, en revanche, c'est la conclusion du film. Michel Leproux devient-il meilleur ? Son désir soudain de vouloir écouter le disque avec son père pourrait le faire penser. Mais difficile de croire que le sinistre individu soit transformé aussi rapidement. Apprendre la charité est un travail de longue haleine, et cette soudaineté ressemble plus à une convention passée entre le public et le cinéaste. On est priés de comprendre qu'il a changé. Le constat, vous dis-je, mais pas la solution. Là où les Tolstoi, Dostoievsky, Mauriac et consorts analysaient à longueur de lignes la profondeur d'une conversion, cette petite comédie de mœurs rejoint tout juste Molière.

Mais le principal intérêt du film, évidemment, c'est de se demander si, après tout, ce personnage ne serait pas nous… enfin, vous, bien sûr !