Vent d'est

Film : Vent d'est (1993)

Réalisateur : Robert Enrico

Acteurs : Malcolm McDowell (Le général Smyslowosky), Wojciech Pszoniak (Le colonel Tcheko), Serge Renko (Gregory Petrov), Pierre Vaneck (Le docteur Hoop),

Durée : 01:54:00


Le cinéaste Robert Enrico est surtout connu pour son célèbre chef-d’œuvre Le vieux fusil, avec Philippe Noiret qui reçut le César du meilleur film en 1976 ainsi que pour son diptyque sur la Révolution française en 1989. Pour son avant-dernier film, il s’est attaqué à un sujet historique fort peu connu : le sort d’un régiment de l’Armée Vlassov réfugié au Liechtenstein en 1945, Etat neutre durant la guerre, afin de fuir la justice impitoyable et sommaire de l’URSS de Staline. Le film dénonce clairement les méthodes employées par les soviétiques pour rapatrier ces hommes (et leurs familles) chez eux ainsi que le sort qui leur fut réservé. Usant tour à tour de la ruse, de la flatterie et de la menace, les soviétiques obtinrent finalement le retour volontaire d’environ 200 hommes (sur les 400) en URSS. Ces derniers furent débarqués et massacrés à la mitrailleuse en Hongrie. Le film s’attarde essentiellement sur les personnages dirigeants qui eurent un rôle dans cet épisode méconnu de l’histoire, interprétés par une distribution internationale : le britannique Malcolm Mc Dowell (Orange Mécanique, Halloween) incarne le général Smyslowsky, les français Pierre Vaneck (Paris brûle-t-il ?, La légion saute sur Kolwezi) et Jean-François Balmer (Flic ou voyou, Dien Bien Phu) interprètent respectivement le docteur Hoop, premier ministre du Liechtenstein tout de suite favorable aux réfugiés et le père Anton Siegler, chef du parlement, d’abord partisan du renvoi des réfugiés en raison des accusations de collaboration avec les nazis avant d’être touché par leur détresse et de changer d’avis, enfin, le polonais Wojciek Pzoniak (Danton, Le tambour) est le colonel soviétique Tcheko chargé de rapatrier à tout prix les réfugiés russes blancs. Tous sont très convaincants et très justes dans leur interprétation respective, contribuant à faire vivre leur personnage. Ce film est salutaire à plusieurs titres. D’abord, il aborde un épisode de l’histoire encore jamais illustré au cinéma. Ensuite, il contribue à donner un visage à ces russes de l’armée Vlassov et leurs familles, grands perdants de la Seconde Guerre mondiale et livrés par les alliés à Staline quand ils étaient réfugiés à l’Ouest (du moins jusqu’en 1947). Parmi ces russes, il y avait certes des collaborateurs objectifs des nazis et des traîtres, mais surtout beaucoup de partisans anti-communistes qui désiraient avant tout délivrer leur patrie de ce régime honni et qui se sont laissés abuser par les illusions du IIIe Reich. Leur attachement à leur patrie est d’ailleurs illustré par le choix d‘une partie d’entre eux de rentrer dans ce pays qu’ils estiment encore être le leur, bernés par les fausses promesses des officiers soviétiques, choix douloureux de rentrer en vaincus mais celui de s’exiler dans un pays étranger (certains d’entre eux partiront par la suite en Argentine) et de dire adieu à leur patrie n’est pas moins douloureux. Enfin, il dénonce clairement les méthodes soviétiques alors en vigueur de liquidation des ennemis, réels ou supposés et leur recours systématique au mensonge (l’officier soviétique promet aux réfugiés qu’ils seront bien traités en URSS). Cette dénonciation est faite sans fard et sans pathos, de manière simple, sans toutefois traiter les soviétiques comme des caricatures, laissant même l'occasion à une femme officier d’exprimer ses sentiments compréhensibles. Les personnages sont élaborés et les autorités du Liechtensteon, le docteur Hoop et le père Siegler notamment, illustrent efficacement le choix difficile qui se pose à des représentants d’un pays neutre face à la situation : livrer une cohorte de pauvres gens à un pouvoir totalitaire et assassin ou protéger ces gens au risque de mécontenter ce puissant et influent Etat tout en étant accusé d’abriter des collaborateurs du IIIe Reich. La résistance passive du petit Liechtenstein à la puissante URSS constituait un très beau sujet de cinéma. Un très bon film historique doublé d’un témoignage émouvant.