Voyage à Tokyo

Film : Voyage à Tokyo (1953)

Réalisateur : Yasujirō Ozu

Acteurs : Chishu Ryu (Shukishi Hirayama (le père)), Chieko Higashiyama (Tomi Hirayama (la mère)) Setsuko Hara (Noriko), Sô Yamamura (Kôïchi)

Durée : 02:16:00


Yasujiro Ozu est un cinéaste moins connu que son compatriote Akira Kurozawa, mais qui marqua néanmoins le cinéma japonais de son temps et les critiques d’aujourd’hui. A travers l’ensemble de ses films, particulièrement sobres et épurés, il traita essentiellement de thèmes humains fondamentaux comme la famille, l’évolution de la société humaine et la confrontation des différents systèmes de valeur, que ce soit dans Eté précoce (1951), Le goût du riz au thé vert (1952) ou Fleurs d’équinoxe (1958). Ces thèmes sont également à l’honneur dans Voyage à Tokyo, sorti au Japon en 1953 et en France en 1978, le film contribuant alors beaucoup à la renommée posthume du réalisateur en France et en Europe. Le film fut d’ailleurs cité plusieurs fois parmi les meilleurs films du cinéma par le magazine Sight and sound. Cette histoire d’un couple de grands-parents rendant visite à leurs enfants et leurs familles dans le Tokyo d’après-guerre est complètement atemporelle et universelle : la fracture entre les générations est en effet un thème accessible à tous. S’y ajoute le contexte spécifique de la guerre que connut le réalisateur (il fut enrôlé en 1937 et capturé par les alliés à Singapour) qui priva la famille d’un fils. Le principal problème soulevé par le film demeure le dialogue entre les générations, qui voit les enfants incapables d’accorder du temps et de l’attention à leurs parents non par méchanceté, mais à cause de leurs vies professionnelles et familiales respectives qui les accaparent. Les parents ne leur en tiennent d’ailleurs nullement rigueur et semblent accepter cette situation avec stoïcisme. Les enfants semblent réellement aimer leurs parents et regrettent leur départ de Tokyo, mais ils sont également gênés dans leur vie quotidienne à laquelle ils ne peuvent renoncer par leur présence. Une ambiguïté morale qui se poursuit jusqu’à la fin du film avec le décès de la grand-mère qui voit réunie la famille une dernière fois. Il est d’ailleurs notoire que la personne qui s’occupa le plus des grands-parents est la veuve de leur fils tué à la guerre, donc sans lien de sang avec eux, fait souligné par le grand-père qui semble accueillir la situation avec une réelle sérénité qui ne sera jamais altérée. Car, c’est là une grande différence avec des films occidentaux qui traiteraient du même sujet, il n’y aura ici aucun règlement de compte ni affrontement, l’histoire se déroulera du même ton paisible jusqu’au bout, comme si tout était inéluctable et qu’il n’y avait qu’à l’accepter. C’est surtout cette impression de calme résigné qui prédomine, ainsi que la sobriété et la pudeur qui entoure le sujet à la fois banal et délicat des relations familiales et intergénérationnelles.