The Walk – Rêver Plus Haut

Film : The Walk – Rêver Plus Haut (2015)

Réalisateur : Robert Zemeckis

Acteurs : Joseph Gordon-Levitt (Philippe Petit), Ben Kingsley (Papa Rudy), Charlotte Le Bon (Annie Allix), Clément Sibony (Jean-Louis)

Durée : 02:03:00


Dans Retour vers le futur II, il avait prophétisé pour 2015 une année sans originalité cinématographique, inventant sarcastiquement un « dents de la mer 19 » en 3D. Aujourd’hui Robert Zemeckis persiste, et confirme en interview son aversion pour un système hollywoodien peu enclin à l’originalité. De fait, son style léger, humain et toujours au second degré se démarque dans un cinéma américain pédant par trop de sérieux dans des scénarios trop creux.

The Walk marque tout d’abord par la naïveté de sa forme. Une narrateur – le héros Philippe Petit (Jospeh Gordon-Lewit), face caméra, épargne au scénariste les tourments d’une exposition maladroite et effectue une Captatiobenevolontiae digne des plus grands comédiens de cirque : quelle chance, c’en est un. Tout au long du film, ce narrateur à la bonhomie enfantine sert le film par sa sympathique étrangeté. Son ton théâtral et son jeu fantasque de clown nous laissent comprendre que le personnage n’est pas un arriviste arrogant, mais un battant faisant preuve d’un vrai courage. De plus, sa relation avec son mentor « Papa Rudy » (Ben Kingsley) nous prouve sa détermination, mais toujours dans l’humilité : cet arc narratif est si bien construit qu’il devient un récit initiatique à part entière.

L’autre personnage principal de ce film est bien entendu la ville de New York, et ses regrettées Tours Jumelles. Les Twin Towers sont filmées à chaque scène avec beaucoup d’attention et même d’amour. Elles sont un symbole perdu auquel Robert Zemeckis aspire manifestement à redonner du sens : la témérité et le goût de beau geste du personnage principal se reflètent inévitablement dans ces géants de verre et d’acier qui pointent, toujours plus haut, dans le ciel new-yorkais. L’attention que le réalisateur a portée à la représentation de ces tours se sent malheureusement aussi dans le peu d’attention qu’il consacra au reste de son image. Les extérieurs factices en image de synthèse : un trop numérique – il faut l’avouer – très laid, qui manque cruellement d’âme. Voilà ce que le Zemeckis d’aujourd’hui a mal hérité du Zemeckis d’antan : de la tendresse pour ces matériaux et un attachement au concret – à l’image de toute la direction artistique de Seul au Monde, ou de la saga Retour vers le Futur, viscéralement réaliste. On regrette ici trop de distance avec l’univers des personnages…

Néanmoins, Zemeckis n’a rien perdu de son sens de l’humour si étrange et caractéristique. Cet humour naît partout : un mouvement de caméra, un choix de mise en scène, un regard d’acteur, des dialogues et des situations en total décalage… Le sujet, traité en fond avec sérieux comme nous l’avons suffisamment dit plus haut, est abordé avec une saine légèreté et ce qu’il faut de dérision pour rappeler, par exemple, le style de Forrest Gump, qui racontait avec attachement mais autodérision l’histoire des Etats-Unis à travers quatre décennies. The Walk renouvelle le miracle Zemeckis, pas d’arrogance, mais un cinéma qui, l’air de rien, nous fait rire et rêver ; refuser, à l’image d’un funambule, de se soumettre aux plafonds du cinéma hollywoodien.