Warrior

Film : Warrior (2011)

Réalisateur : Gavin O'Connor

Acteurs : Joel Edgerton (Brendan Conlon), Tom Hardy (Tom Conlon), Jennifer Morrison (Tess Conlon), Frank Grillo (Frank Campana)

Durée : 02:20:00


Un film rendu époustouflant par la magie du cinéma (sauf pour ceux qui sont allergiques au Free Fight) racontant l'histoire d'une famille en ruine qui va se reconstruire grâce au sport.

Il est des films qui noient dans le sentimentalisme dégoulinant, et d'autres tellement superficiels qu'ils traversent la tête sans passer par le cœur. Mais il y a aussi des films qui allument directement l'émotion, sans s'encombrer de chemins sinueux ni de raccourcis.

Warrior est de ceux-là.

Ceux qui ont connu le crissement des tatamis et l'odeur des salles, senti la sueur des corps à corps brutaux, massé leurs bleus après avoir salué leur auteur, ceux-là doivent absolument aller voir ce film dans une salle de cinéma! Immergés dans cet univers familier parce qu'ultra réaliste ils se surprendront, pour peu qu'ils soient un peu seuls dans la salle, à se dresser sur leur fauteuil pour mieux accompagner ces combats de gladiateurs.

Ceux qui ont connu des problèmes de famille (soit 100% de la population de notre planète) pourront quant à eux vibrer devant la reconstruction progressive d'une famille saccagée par Paddy Conlon, le père, autrefois alcoolique. Aujourd'hui repenti, très croyant, il reconnaît ses erreurs (pas si facile !) et tente de sauver ce qu'il en reste. Incarné de façon absolument magistrale par Nick Nolte, qui prend dans la version française la voix d'Alain Dorval (doubleur de Sylvester Stallone), cet ancien entraîneur de combat libre écoute des romans audio pour meubler le temps et se réfugie dans sa foi.

La relation qu'il entretient avec ses fils, qu'il a lâchement abandonnés, est extrêmement tendue. Ceux-ci ne lui pardonnent pas d'avoir battu leur mère, d'avoir été absent à sa mort comme dans leurs vies, et de n'avoir rien d'autre à offrir que ses sincères regrets.

Le fait d'apprécier le free fight est certes un atout pour apprécier le film, mais le réalisateur se veut rassurant: «même si vous ne connaissez pas le MMA, vous serez touchés parce que chaque combat est une histoire en lui-même et parce que le déroulement est très simple. Chaque spectateur, spécialiste ou néophyte, comprendra parfaitement l’enjeu de tous les affrontements. Chaque combat est replacé dans son contexte et chorégraphié d’une façon très claire.» (in Dossier de presse).

L'aîné, Brendan, a construit sa vie avec une charmante épouse qui lui a donné deux mignonnes petites filles. Il ne veut pas que son père approche sa petite troupe de près ni de loin et exerce son métier de professeur de physique avec une très grande compétence. Dans l'ombre, il dispute quelques matchs de free fight pour faire face aux énormes problèmes financiers du ménage. Il est, en fait, un très bon père de famille protecteur, responsable, sympa mais... fauché.

Le frère cadet, Tommy, est son exact contraire. Sombre, explosif, le cœur englouti sous une montagne de muscles, il a quitté le corps des Marines pour recommencer le free fight, dans lequel il excelle. Plusieurs fois héros pendant la guerre d'Irak, il rappelle étrangement un certain Rocky, la démarche nonchalante, les yeux bovins et la lèvre pendante, le bonnet enfoncé jusqu'aux oreilles.

Si les relations entre le père et ses fils sont sinistrés, celles entre les deux frères sont complètement ruinées, parce que Tommy ne supporte pas que son grand frère l'ait quitté ainsi que sa mère pour l'amour d'une blonde, qu'il a pourtant épousée.

Comment le sport va-t-il pouvoir régler ces problèmes? Voici qu'un jour naît Sparta, un immense combat de free fight dont le vainqueur empochera cinq millions de dollars. Pour éviter la saisie de sa maison, Brendan va y participer, au grand dam de sa femme, de son ancien coach et de son directeur. Pour tous, il n'a pas l'ombre d'une chance. Tommy qui, de son côté, atomise les adversaires sur le ring, a une dette d'honneur à respecter: celle d'aider la femme de son frère d' arme disparu. Ils choisissent tous les deux de s'inscrire au défi sans forcément penser que s'ils n'échouent pas devant d'autres redoutables combattants, ils ont de grands risques de se retrouver l'un contre l'autre.

Vu la qualité des combats, le long métrage serait juste un excellent film d'arts martiaux, s'il en restait là. Mais la caméra intimiste de Gavin O'Connor sublime son scénario au travers d'une myriade de petites scènes qui brossent le tableau par petites touches avant de finir par le dévoiler tout à fait. Le rôle de l'épouse de Brendan est tout à fait capital pour le film, importance parfaitement assumée par le Gavin O 'Connor: «Nick est un trésor national et je voulais utiliser tout son potentiel pour rappeler à tout le monde de quoi il est capable.»

Cette pénétration dans la psychologie des personnages entraîne une empathie pour chacun, ce qui distingue cette œuvre, à n'en pas douter, des simples films de combat. Qui peut en prévoir le dénouement? Les fins sont nombreuses qui maintiennent en haleine car, ainsi que l'explique le réalisateur: «Tommy et Brendan se battent tous les deux pour quelque chose d’important, on a donc envie que les deux gagnent.» Pourtant il ne peux y en avoir qu'un. Alors?

Brendan est moins puissant, moins à l'aise en combat. On aimerait qu'il gagne parce qu'il s'est obstiné jusqu'au bout, et parce que sa petite famille en a vraiment besoin. Mais il est évident que la force brute de Tommy est écrasante, et son motif honorable. Plus encore, comment les relations pourraient-elles s'améliorer alors que l'un aurait eu le dessus sur l'autre et l'aurait, d'une certaine manière, humilié? Leur père va-t-il se jeter dans la cage pour arrêter cette lutte fratricide? Et si les frères se réconciliaient sur le ring, leur relation avec leur père en sortirait-elle améliorée? Comment et pourquoi?

La seule solution tient au fait que le combat n'est pas, pour cette famille, un sport. C'est un moyen d'expression. Leur façon très différente de se battre et de s'entraîner reflète leur personnalité, et leur manière d'arracher la victoire dénonce celle de résoudre leurs problèmes. Et si la défaite n'était en fait qu'une victoire?

C'est la clé du dilemme...