World Trade Center

Film : World Trade Center (2005)

Réalisateur : Oliver Stone

Acteurs : Nicholas Cage (John MacLoughlin), Michael Pena (William J. Jimeno), Maria Bello (Donna MacLoughlin), Maggie Gyllenhal (Allison Jimeno)…

Durée : 02:10:00


Les événements du 11 septembre 2001 ont déjà fait l’objet de reconstitutions ou de fictions télévisées dont la plus remarquable à ce jour est le film Vol 93 de Paul Greengrass (2005). Second réalisateur à s’attaquer
à un long-métrage sur le sujet, Oliver Stone est réputé pour être un cinéaste engagé, portant un regard critique sur les choses et les gens (voir notamment Platoon sur la guerre du Vietnam).

Oliver Stone s’est entouré d’un casting original, composé de têtes d’affiches intéressantes comme Nicholas Cage et Michael Pena, et d’authentiques membres des forces de l’ordre, dont certains interprètent leur propre personnage lors de cette tragédie. Le producteur Michael Shamberg déclare : « Nous avons obtenu pour chaque rôle le comédien qui figurait en tête de nos listes, car tous les acteurs avaient un profond respect pour le sujet et voulaient y être associés ». Les moyens techniques mobilisés ont permis la reproduction d’un seizième des tours jumelles ; de même ont été construites des maquettes du champ de ruine : « Lorsque les décors ont commencé à prendre forme, la solution s’est imposée d’elle-même : reconstituer certains pans particulièrement évocateurs de la ruine, qui ont pris
valeur de symbole pour avoir fait l’objet d’innombrables photos… », explique le chef-décorateur Jan Roelfs.

En marge des blockbusters dont Hollywood est coutumière, Oliver réalise une œuvre à la fois assez mesurée et entachée d’un certain conformisme.  Le film n’offre pas d’effets spéciaux remarquables (on n’assiste pas à l’effondrement des tours), l’ensemble de la narration est assez dépouillé et basique (le scénario fait s’alterner scènes de désespoir des familles des deux policiers et séquences dans lesquelles ces derniers luttent pour garder leur lucidité). Oliver Stone parvient avec un minimum de moyens à distiller de purs instants de puissance émotionnelle (l’effondrement des tours ressenti de sous les gravats emprisonnant MacLoughlin et Jimeno, leur panique quand le feu et la sensation d’écrasement se font pressant…). Pourtant le film n’échappe pas à l’exploitation de lieux communs, de clichés parfois agaçants, qui mettent en danger la crédibilité et la portée de
cette œuvre hautement symbolique, et suggérant en filigrane la paresse du scénario. La question redondante du prénom du bébé qui s’annonce dans la famille Jimeno, chaque parent s’opposant au second et à lui-même pour que soit adopté le prénom voulu par l’autre revient, lassante, jusque sur le lit d’hôpital. Dans le même esprit le film abuse des flash-back  dévoilant des scènes idylliques en famille, orientées vers l’éducation des enfants et l’union entre les couples. L’alternance de ces séquences plus proches de séries télé et de réels moments forts dignes des grands films porte préjudice à World Trade Center, en le rendant finalement un peu vide de sens au regard de l’ensemble de la tragédie. Certes le choix de ne porter à l’écran que cette histoire de survie – une goutte d’eau dans l’ouragan du 11 septembre- est remarquable par sa simplicité et par sa symbolique, mais ce choix éminemment politique ne tient pas toutes ses promesses. Oliver Stone n’apporte pas d’amorce de réflexion et ne délivre qu’un
message d’espérance calibré (jusque dans la musique, aux accents très lyriques) pour répondre à l’horreur des actes terroristes.

World Trade Center a avant tout valeur de symbole. Symbole de l’Amérique et particulièrement de la mégalopole new-yorkaise. Le flic latino est l’équipier du sergent irlandais, la foi enfantine de Jimeno (qui voit le Christ lui apparaître avec une bouteille d’eau) trouve un écho dans le Notre Père récité par MacLoughlin. Très religieux, le film offre l’allégorie de la résurrection de ces héros malgré eux, qui se sont mutuellement soutenus et sont extirpés de leur tombeau de béton, vers la clarté d’un jour radieux.

Oliver Stone fait triompher à l’écran les grands sentiments (courage, esprit de sacrifice), transmet un message d’espérance en systématisant les valeurs de l’Amérique (notamment sa capacité à créer des héros à partir de personnages anonymes), pour rendre coup sur coup à la terreur du 11 septembre. Son film
est construit comme un refuge de valeurs, montre le drame dans sa dimension individuelle, au besoin en présentant l’Amérique et ses clichés de façon presque publicitaire.

Sans doute du fait de la jeunesse de la catastrophe, le réalisateur ne propose pas de réflexion sur les enjeux du 11 septembre, et s’il évite l’écueil d’un patriotisme exacerbé, passe à côté de la dimension réfléchie des attentats terroristes pour se concentrer sur la dimension sensible. Si cet aspect décevra sans doute le spectateur qui cherche matière à discussion, l’humanité profonde et la modestie de cette histoire (dérisoire on le rappelle), l’espoir religieux qui anime les protagonistes, ne peuvent que toucher droit au cœur…et au fond c’est le désir premier du réalisateur.

 

Stéphane JOURDAIN