X-Men: Le Commencement

Film : X-Men: Le Commencement (2011)

Réalisateur : Matthew Vaughn

Acteurs : James McAvoy (Charles Xavier/Professeur X), Michael Fassbender (Erik Lehnsherr/Magneto), Kevin Bacon (Sebastian Shaw), Jennifer Lawrence (Raven Darkholme/Mystique), Rose Byrne (Moira MacTaggert)... .

Durée : 02:10:00


Un film très bien construit et extrêmement dense, qui allie à l'excellence technique des questions de fond sur l'évolution, la différence et la guerre.

Les fans de la saga ne seront pas déçus ! On pouvait craindre que ce dernier volet en date ne soit qu'une pâle copie des grands frères, avec des effets spéciaux vus et revus, des questions existentielles radotées et des personnages essoufflés. Il n'en est rien. Les effets spéciaux ne brillent certes pas par leur originalité, mais par leur excellence. Seules quelques effets laissent un peu à désirer, comme celle où Mystique, de son petit nom Raven, est couchée dans le lit de Magneto. Les ingénieurs qui ont réalisé l'incrustation afin de permettre sa transformation ont omis de traiter l'éclairage. Bande d'amateurs !

Le scénario croise en revanche fiction et images documentaires de façon assez convaincante. L'idée est de montrer que les mutants étaient là aux tournants de l'histoire de l'humanité. « La première chose à faire pour écrire notre histoire a été de déterminer à quelle époque Charles et Erik se sont rencontrés, quand ils avaient environ 25 ans. Nous avons choisi le début des années 60 - l’apogée du mouvement pour les droits civiques et de la Guerre froide, explique Brian Singer, un des nombreux producteurs, dans le dossier de presse. Ces deux aspects de cette période ont fourni une formidable opportunité pour explorer des événements qui ont façonné notre monde. »

Les acteurs sont dans l'ensemble assez bons et les personnages de Magneto et de Charles-Xavier sont physiquement assez bien choisis. Pourtant, malgré que le film traite en profondeur la question, le passage de Magneto « du côté obscur, » selon la formule aujourd'hui consacrée, est assez difficile à avaler. Peut-être parce que les conflits intérieurs du jeune homme ne sont pas exploités assez profondément. Cette ambiguïté morale est d'ailleurs le premier thème du film.

A la différence de Charles-Xavier, scientifique brillant à l'enfance heureuse, Érik, alias Magneto, a connu les camps de concentration et les expérimentations d'un savant fou violent, narcissique et dominateur. Comme, de plus, sa mère est carrément moche, tous les ingrédients sont réunis pour qu'Érik soit de très, très mauvaise humeur ! Il en veut à la terre entière, semble avoir été dressé pour tuer et ne vit que pour retrouver puis massacrer son bourreau. Il va cependant croiser la route de Charles-Xavier, qui va tenter de lui apprendre, avec sa tête de premier de la classe chouchou du prof, à maîtriser sa colère. Comme le savent ceux qui sont déjà familier des X-Mens, il va échouer. Alors qu'une amitié sincère semble naître entre les deux mutants, Magneto n'aura aucun scrupule à la rompre pour se jeter à corps perdu dans son délire de race supérieure, devenant singulièrement le porte-parole d'une idéologie qu'il condamne dans sa haine du nazisme. Cette approche pose la question du conditionnement. Magneto serait le produit de son « éducation » violente et déshumanisée. Si cette influence est indéniable, peut-on parler de conditionnement pour un être doué de liberté et capable de ce fait de choisir l'amour plutôt que la haine ? « Un lien très fort se crée entre Charles et Erik, explique Michael Fassbender, fondé sur un profond respect mutuel, mais dès le début, leurs idéologies s'opposent. Erik se méfie beaucoup de tout ce qui est nouveau dans sa vie et d’une éventuelle amitié. Malgré cela, il se rapproche de Charles. Nous voulions montrer la route qu’ils font ensemble jusqu'à ce que leurs différences les séparent. Quand le public verra Erik et Charles à la croisée des chemins, il réalisera qu'ils auraient pu faire de grandes choses ensemble s'ils avaient uni leurs forces. »

Il est vrai que le contexte refuse de donner un coup de main : les hommes sont fourbes, intéressés et conspirateurs, surtout contre la race mutante. Alors que Magneto décide d'entrer en guerre contre l'humanité, et que Charles-Xavier trépigne pour qu'il l'écoute, les hommes sont effectivement en train de braquer sans raison des missiles sur nos petits amis les mutants. Forcément, pas facile de rester calme quand on est grand, beau, fort et intelligent et que des petits gros et faibles ne font rien que de nous menacer. Le réalisateur explique : « Erik se méfie beaucoup des humains, alors que Charles pense que tout va bien se passer et qu’ils peuvent faire confiance aux humains pour accepter les mutants. Erik lui répond que les humains vont se retourner contre eux et chercher à les tuer. Et il a raison. » Car le complexe de supériorité d'Érik est réel et d'une certaine manière légitime : les mutants, ainsi que l'explique Charles-Xavier lui-même, sont l'étape ultime de l'évolution. Évidemment il ne faut pas chercher très loin la cohérence : évolution suppose adaptation à un milieu, qui est le même pour les mutants que pour les hommes (pourquoi ces derniers n'ont-ils pas évolué ?), ce qui part encore du postulat que la mutation se fait de manière brutale. Mais bon... quoi ?!. Après tout la Fox est là pour nous divertir, pas pour nous instruire !

Du coup se pose la question de la guerre. Il est faible, je suis fort, il a quelque chose que je veux : grumpf ! A l'attaque ! En cela Magneto ne se montre pas très évolué, ce qui en fait incontestablement un vilain dans l'histoire, mais moins vilain que le plus gros des vilains, très bien incarné par Kevin Bacon (Des hommes d'honneur de Rob Reiner en 1992, JFK, d'Oliver Stone la même année) qui, en plus de vouloir la terre des hommes, torture savoureusement ces pauvres créatures du bon Dieu. « Shaw est un homme extrêmement puissant et un vrai sociopathe, mais il croit sincèrement qu'il essaie de créer un monde meilleur, un monde sans humains, dirigé et peuplé entièrement par des mutants. La morale conventionnelle ne s'applique pas à Shaw. » Bref, Shaw est complètement cintré, on l'aura compris.

D'une manière générale, un des thèmes forts du film est la différence. Les mutants, c'est humain, sont mal à l'aise dans un monde qui ne les connaît pas et ne les acceptent pas. Bien qu'important ce thème est vraiment le plus rabâché. Comme dans tous les films précédents, les mutants vivent donc leur crise d'identité. Ainsi Mystique (espèce de machin violet à la peau ravagée qui peut prendre l'apparence de quiconque) « n'a pas encore accepté ses capacités extraordinaires. Elle en a honte, mais elle réalise lentement que c’est en fait un don, et elle devient fière de son pouvoir, comme les autres jeunes mutants. Au début nous sommes seuls et isolés, mais chaque mutant évolue beaucoup. Nous nous unissons pour former la célèbre équipe des X-Men, puis nous nous séparons. C’est passionnant de suivre le parcours de chaque personnage et de voir quel camp ils finissent par choisir. » (Jennifer Lawrence)


Bref un excellent rapport action/réflexion sauf pour ceux qui n'aiment pas les mutants (bande de racistes) !


Raphaël Jodeau