Yves Saint Laurent

Film : Yves Saint Laurent (2013)

Réalisateur : Jalil Lespert

Acteurs : Pierre Niney (Yves Saint Laurent), Guillaume Gallienne (Pierre Bergé), Charlotte Le Bon (Victoire Doutreleau), Laura Smet (Loulou de la Falaise)

Durée : 01:46:00


On attend généralement d'un biopic qu'il expose son sujet dans toute sa réalité. S'il ne le fait pas, c'est-à-dire s'il sélectionne les informations en fonction d'un message à faire passer, alors il devient un film de propagande.

Après les films sur Mandela ou sur la cause homosexuelle, comme Liberace ou La vie d'Adèle, qui étaient justement de jolis modèles de propagande, on avait tout à craindre. C'est pire...

Bien sûr on a une nouvelle fois affaire au désormais traditionnel foutage de gueule des faux défauts, prisés dans les entretiens d'embauche (les fameux demandeurs d'emploi qui confessent être perfectionnistes, ha ha !). L'excellent jeu d'acteur de Pierre Niney (décidément brillant) permet donc de présenter Yves Saint Laurent sous son meilleur jour : le fait d'être maniaco-dépressif, en plus d'être vrai, n'est pas dangereux pour autrui, alors comment lui en tenir rigueur ? Et quel mouton le détesterait vraiment d'avoir profité des cadeaux de la vie (comme la cocaïne, par exemple) ?

En revanche vous pouvez toujours courir pour apprendre que le grand couturier était, entre autres, l'auteur de La vilaine Lulu, personnage de bande dessinée créé en 1967 et résolument sadique, anti-chrétien, pédophile, esclavagiste, etc.

L'objectif n'est pas de ternir l'image du grand ordurier, euh « couturier » pardon, mais d'en faire un homme génial et juste un petit peu faible sur les bords.

Comme on pouvait s'y attendre, le film tente de montrer l'homosexualité du personnage comme un choix de vie normal et finit, comme presque toujours, par lutter contre son camp. L'homosexualité y est en fait montrée comme un mode de vie volage, à la carapace joyeuse mais au noyau mortifère. En réalité, ce qui ressort, c'est une nouvelle invitation de la communauté homosexuelle à la rejoindre et qui ne comprend pas que l'on refuse précisément ce qu'elle nous montre, comme dans Liberace ou dans La vie d'Adèle...

Le plus intéressant dans tout cela, c'est qu'ils sont trop aveuglés par leur bon droit pour présenter au public ce qui pourrait le faire rêver. Si j'étais homosexuel militant pour le droit d'adoption par les couples homosexuels, ne présenterais-je pas plutôt un couple stable, harmonieux et capable ? Au lieu de cela, ce sont les homosexuels eux-mêmes qui démontrent leur incapacité à déployer les valeurs fondatrice de la famille ! A voir tous les films qui se sont récemment emparés du sujet et montrent la même chose, on peut légitimement en déduire que le mode de vie homosexuel n'est pas apte à accueillir la vie. Avant quelques militants embrumés pouvaient montrer le couple Bergé-Saint Laurent comme un modèle de fidélité, à présent on découvre le champ de ruines de leur existence.

Mais si ce film est pire, c'est qu'il démontre une outrecuidance rare, celle de Pierre Bergé, l'homme qui considère que louer son ventre n'est pas autre chose que de louer ses bras à l'usine, qui n'aurait pas versé une larme si une bombe avait éclaté lors des manifestations contre le mariage homosexuel, qui est aujourd'hui propriétaire du journal Le Monde (qui a eu l'honnêteté de trouver le film insuffisant) ainsi que du Nouvel Observateur et de ses satellites (comme Rue89 par exemple).

Dès qu'on écoute les acteurs principaux et le réalisateur, quelque chose dérange : sans qu'on leur ait rien demandé, ils jurent leurs grands dieux que Pierre Bergé n'a pas pesé dans ce film qui, disons-le franchement, porte autant sur lui que sur son compagnon.

Pierre Bergé y est donc montré non comme celui qui a profité grassement du génie de son ami, mais comme un homme d'affaires posé et responsable, malheureux témoin de ses errements, sans qui rien n'aurait pu se faire.

Évidemment, pour faire passer la pilule (autres éléments qui mettent plus que la puce à l'oreille), on lui prête dans le film deux réflexions : la première constatant que quoi qu'il fasse, on l'accusera d'avoir profité de la poule aux œufs d'or, et la deuxième affirmant qu'Yves Saint Laurent aurait réussi avec ou sans lui.

Difficile de dire si Pierre Bergé a financé le film, mais ce qui est sûr c'est que, selon le site ozap citant le réalisateur, l'accord de Pierre Bergé était indispensable pour se procurer les robes et les dessins originaux, et que ce film est le seul ayant bénéficié d'un « parrainage » par le millionnaire.

Cette œuvre restera donc dans les mémoires comme un hommage partial et partiel rendu à Yves Saint Laurent et Pierre Bergé par ce dernier. Ceux que ça n'agacent pas pourront ainsi profiter d'une excellente reconstitution d'époque, d'un jeu d'acteur remarquable et d'une plongée très intéressante dans le monde de la mode...