Après le succès très timide de Shotgun Stories en 2007 et la révélation à la critique de Take Shelter, 2010, Jeff Nichols est devenu un auteur incontournable de son époque et, nous pouvons le dire aujourd’hui, de l’histoire du cinéma. Un auteur tout d’abord, qui sait aborder l’écriture d’un film avec toute la liberté de création du romancier, loin des schémas d’écriture audiovisuels lentement formatés comme en France. Avec Take Shelter il avait prouvé son aptitude à mélanger les genres et aborder les histoires les plus épiques par le petit bout de la lorgnette en se concentrant avant tout sur ses personnages et sur ses acteurs, qu’il révère. Puis Mud fut le formidable exercice de style : le génie narratif : lenteur, calme, et une exposition discrète pour une expérience cinématographique extrêmement apaisante aboutissant, toujours, sur un final grandiose et troublant.
Cette qualité et cet amour de la forme sont une fois de plus au cœur du travail de Jeff Nichols dans Midnight Special qui regorge d’innovations dans le traitement du sujet. La science-fiction retrouve des lettres de noblesse en ramenant son regard vers l’homme ; en abandonnant la poursuite de la technique et des fantasmes scientifiques. Dès la scène d’ouverture, le film aimante l’attention du spectateur et le suspend au bon vouloir du narrateur qui le maintient en haleine jusqu’à la dernière seconde — et même au-delà. Le jeu d’acteur est encore une fois captivant. Tous les seconds rôles sont tenus d’une main de maître et dirigés avec grande générosité par le réalisateur qui gratifie, on le ressent en chaque comédien, tous les personnages d’une histoire forte qui inspire l’acteur, mais qui reste tue au spectateur.
Adoptant le parti pris de la sobriété et du réalisme, loin des prestations à grand spectacle si chères à l’académie des oscars, Michael Shannon incarne un père dévoué et protecteur assez proche du personnage de Take Shelter, mais enrichi de la clairvoyance et de la décision qui lui manquait. Le personnage de l’enfant est, de son côté, plutôt tiraillé par des questions de responsabilité — hanté par la culpabilité de l’enfance en situation de crise — et surtout de l’identité. Qui suis-je si je suis si différent ? Quelle part de l’autre dois-je retrouver en moi-même pour être moi-même ? Telles sont les questions qu’il peut se poser avec son intelligence d’enfant. Le film porte haut la paternité et en fait le lieu de l’accomplissement de l’homme. De son côté, l’identité est traitée comme une quête, loin de la conception constructiviste qui la voit comme l’œuvre d’une vie. On se rapproche plus du « deviens ce que tu es » de Nietzsche qui synthétise sans les opposer la nature et la volonté. L’enfant est appelé à trouver son identité et à s’y conformer. Je ne sais plus qui disait que la réalité est fasciste, j’ajouterai que la science-fiction est réac.
La réponse ne vient jamais explicitement chez Nichols, adepte du grand précepte « Show, don’t tell » et de la théorie de l’Iceberg d’Hemingway. Sa méthode est de concentrer son attention sur les moments de liaisons, les creux de la vie pour laisser au maximum hors-champ le corps de l’action. Il dit en interview que son rêve est de filmer une demande en mariage qu’il couperait juste avant la demande elle-même. En jouant sur les attentes, l’imagination et l’intelligence du spectateur : voilà comment Jeff Nichols offre des bons films son public en lui montrant toute l’estime qu’il lui porte.
Après le succès très timide de Shotgun Stories en 2007 et la révélation à la critique de Take Shelter, 2010, Jeff Nichols est devenu un auteur incontournable de son époque et, nous pouvons le dire aujourd’hui, de l’histoire du cinéma. Un auteur tout d’abord, qui sait aborder l’écriture d’un film avec toute la liberté de création du romancier, loin des schémas d’écriture audiovisuels lentement formatés comme en France. Avec Take Shelter il avait prouvé son aptitude à mélanger les genres et aborder les histoires les plus épiques par le petit bout de la lorgnette en se concentrant avant tout sur ses personnages et sur ses acteurs, qu’il révère. Puis Mud fut le formidable exercice de style : le génie narratif : lenteur, calme, et une exposition discrète pour une expérience cinématographique extrêmement apaisante aboutissant, toujours, sur un final grandiose et troublant.
Cette qualité et cet amour de la forme sont une fois de plus au cœur du travail de Jeff Nichols dans Midnight Special qui regorge d’innovations dans le traitement du sujet. La science-fiction retrouve des lettres de noblesse en ramenant son regard vers l’homme ; en abandonnant la poursuite de la technique et des fantasmes scientifiques. Dès la scène d’ouverture, le film aimante l’attention du spectateur et le suspend au bon vouloir du narrateur qui le maintient en haleine jusqu’à la dernière seconde — et même au-delà. Le jeu d’acteur est encore une fois captivant. Tous les seconds rôles sont tenus d’une main de maître et dirigés avec grande générosité par le réalisateur qui gratifie, on le ressent en chaque comédien, tous les personnages d’une histoire forte qui inspire l’acteur, mais qui reste tue au spectateur.
Adoptant le parti pris de la sobriété et du réalisme, loin des prestations à grand spectacle si chères à l’académie des oscars, Michael Shannon incarne un père dévoué et protecteur assez proche du personnage de Take Shelter, mais enrichi de la clairvoyance et de la décision qui lui manquait. Le personnage de l’enfant est, de son côté, plutôt tiraillé par des questions de responsabilité — hanté par la culpabilité de l’enfance en situation de crise — et surtout de l’identité. Qui suis-je si je suis si différent ? Quelle part de l’autre dois-je retrouver en moi-même pour être moi-même ? Telles sont les questions qu’il peut se poser avec son intelligence d’enfant. Le film porte haut la paternité et en fait le lieu de l’accomplissement de l’homme. De son côté, l’identité est traitée comme une quête, loin de la conception constructiviste qui la voit comme l’œuvre d’une vie. On se rapproche plus du « deviens ce que tu es » de Nietzsche qui synthétise sans les opposer la nature et la volonté. L’enfant est appelé à trouver son identité et à s’y conformer. Je ne sais plus qui disait que la réalité est fasciste, j’ajouterai que la science-fiction est réac.
La réponse ne vient jamais explicitement chez Nichols, adepte du grand précepte « Show, don’t tell » et de la théorie de l’Iceberg d’Hemingway. Sa méthode est de concentrer son attention sur les moments de liaisons, les creux de la vie pour laisser au maximum hors-champ le corps de l’action. Il dit en interview que son rêve est de filmer une demande en mariage qu’il couperait juste avant la demande elle-même. En jouant sur les attentes, l’imagination et l’intelligence du spectateur : voilà comment Jeff Nichols offre des bons films son public en lui montrant toute l’estime qu’il lui porte.