Difficile de produire une histoire intéressante sur l’espion américain Edward Snowden, moins de deux ans après le documentaire historique qu’il laissait lui-même à l’Histoire, Citizenfour, dévoilant en direct sa trahison vis-à-vis des services secrets américains par la révélation du logiciel de surveillance mondiale des internautes, Prism, aux journaux du Guardian et du Washington Post. Difficile de parler également de la NSA et de la cyberguerre qu’elle entreprend pour distancer les autres puissances, tout simplement parce qu’une armée d’informaticiens cachés derrière leurs petites lunettes est moins sexy qu’une bande de têtes brûlées maniant des kalachnikovs.
Et pourtant Hollywood n’est jamais à cours de ressources pour surmonter les défis. Avec 50 M$ sur la table, la récente maison de production OpenRoad Films (créée en 2011 et notamment à l’origine de Nightcrawler, Jobs, Gunman, Spotlight) est allée chercher dans les placards des années 1990 un excellent spécialiste des intrigues politico-militaires : Oliver Stone (Platoon, JFK, Nixon, Né un 4 juillet, World Trade Center). Autour de lui, un casting hallucinant avec des seconds rôles de très haut niveau derrière Joseph Gordon-Levitt : Shailene Woodley, Nicolas Cage, Tom Wilkinson, Zachary Quinto, et même le nouveau playboy de L.A., le fils de Clint, Scott Eastwood !
A star is born !
Tout ça pour dire quoi ? Pour essayer de rehausser le rôle de notre super geek préféré qui, dans les faits, n’a pas été autre chose qu’un petit lanceur d’alerte d’un faible niveau d’habilitation. Le film tente indéniablement de lui conférer des relations privilégiées avec la direction de la NSA en raison de son talent supposé « exceptionnel ». Sauf que transférer des fichiers sur sa clé USB et les filer à un journaliste ne fait pas de vous un être hors du commun : tout le monde en est capable. Snowden n’est vraiment crédible que lorsqu’il évoque la difficulté du choix moral qu’a constitué sa trahison.
Le film prend ainsi le parti de mettre l’accent sur la relation entre Edward Snowden et Lindsay Mills (Shailene Woodley), sa compagne qui l’a finalement rejoint en exil en Russie après l’avoir suivi à Hawaï. Là encore l’originalité n’est pas de mise, mais ce parti pris permet d’insister sur les sacrifices impliqués par la décision de porter le scandale de la surveillance de masse sur la place publique. Ed Snowden a renoncé à son pays, à une vie de couple heureuse et déjà mise en péril plusieurs fois par son travail, à un salaire confortable et bien d’autres motifs d’espoir dans l’avenir.
Gros œil, petit ventre
L’affaire Snowden, technicien du web profond, sillonne des thèmes clés pour notre société tels que la sécurité de la vie privée, les libertés numériques ou encore les enjeux géopolitiques liés à la maîtrise de l’information. Le mérite du travail d’Oliver Stone est précisément de replacer l’intrigue dans ce contexte. Il montre que l’arrivée au pouvoir d’Obama n’a rien changé aux velléités de l’administration américaine concernant le contrôle de masse des opinions publiques, au motif que les masses préfèrent octroyer leur liberté en l’échange de leur sécurité. Toutefois le spectateur accueille avec bienveillance le rappel que cette affaire a au moins permis une prise de conscience mondiale sur la nécessité de poser des limites au contrôle de l’information sur le web. Prise de conscience toute relative il est vrai... si l’on en croit les dernières mesures prises par l’Union européenne au nom de la sécurité dans les transports… et si l’on veut bien considérer que le prochain président américain sera de toute façon disposé à faire arrêter Snowden (Hillary Clinton), voire à le faire exécuter (Donald Trump).
Au final Snowden jouit de deux courants contradictoires pour mieux se dresser tel un tsunami : il surfe sur la dénonciation flagrante d’un système américain capable de vous filmer avec votre propre webcam pendant que vous dormez ; et dans le même temps, il caresse électriquement le doux rêve de domination américain en s’abstenant de remettre en cause le germe du mal, à savoir l’appétit illimité pour le pouvoir et la puissance, tels que les sociétés modernes les ont imaginés depuis Machiavel et Nietzsche. Pour flirter avec les plus grands succès du cinéma, il manque à Snowden l’humour décalé, le cynisme assumé qui ont notamment permis à Ennemi d’Etat (Toni Scott, 1998) et à Spy Game (idem, 2001) de créer au moins l’illusion qu’un tel système peut être défait. Dans tous les cas, bonne chance à toi, Edward ! Tu ne le sais sans doute pas, mais on t’a regardé, et on a globalement aimé ton petit numéro d’insubordination…
Difficile de produire une histoire intéressante sur l’espion américain Edward Snowden, moins de deux ans après le documentaire historique qu’il laissait lui-même à l’Histoire, Citizenfour, dévoilant en direct sa trahison vis-à-vis des services secrets américains par la révélation du logiciel de surveillance mondiale des internautes, Prism, aux journaux du Guardian et du Washington Post. Difficile de parler également de la NSA et de la cyberguerre qu’elle entreprend pour distancer les autres puissances, tout simplement parce qu’une armée d’informaticiens cachés derrière leurs petites lunettes est moins sexy qu’une bande de têtes brûlées maniant des kalachnikovs.
Et pourtant Hollywood n’est jamais à cours de ressources pour surmonter les défis. Avec 50 M$ sur la table, la récente maison de production OpenRoad Films (créée en 2011 et notamment à l’origine de Nightcrawler, Jobs, Gunman, Spotlight) est allée chercher dans les placards des années 1990 un excellent spécialiste des intrigues politico-militaires : Oliver Stone (Platoon, JFK, Nixon, Né un 4 juillet, World Trade Center). Autour de lui, un casting hallucinant avec des seconds rôles de très haut niveau derrière Joseph Gordon-Levitt : Shailene Woodley, Nicolas Cage, Tom Wilkinson, Zachary Quinto, et même le nouveau playboy de L.A., le fils de Clint, Scott Eastwood !
A star is born !
Tout ça pour dire quoi ? Pour essayer de rehausser le rôle de notre super geek préféré qui, dans les faits, n’a pas été autre chose qu’un petit lanceur d’alerte d’un faible niveau d’habilitation. Le film tente indéniablement de lui conférer des relations privilégiées avec la direction de la NSA en raison de son talent supposé « exceptionnel ». Sauf que transférer des fichiers sur sa clé USB et les filer à un journaliste ne fait pas de vous un être hors du commun : tout le monde en est capable. Snowden n’est vraiment crédible que lorsqu’il évoque la difficulté du choix moral qu’a constitué sa trahison.
Le film prend ainsi le parti de mettre l’accent sur la relation entre Edward Snowden et Lindsay Mills (Shailene Woodley), sa compagne qui l’a finalement rejoint en exil en Russie après l’avoir suivi à Hawaï. Là encore l’originalité n’est pas de mise, mais ce parti pris permet d’insister sur les sacrifices impliqués par la décision de porter le scandale de la surveillance de masse sur la place publique. Ed Snowden a renoncé à son pays, à une vie de couple heureuse et déjà mise en péril plusieurs fois par son travail, à un salaire confortable et bien d’autres motifs d’espoir dans l’avenir.
Gros œil, petit ventre
L’affaire Snowden, technicien du web profond, sillonne des thèmes clés pour notre société tels que la sécurité de la vie privée, les libertés numériques ou encore les enjeux géopolitiques liés à la maîtrise de l’information. Le mérite du travail d’Oliver Stone est précisément de replacer l’intrigue dans ce contexte. Il montre que l’arrivée au pouvoir d’Obama n’a rien changé aux velléités de l’administration américaine concernant le contrôle de masse des opinions publiques, au motif que les masses préfèrent octroyer leur liberté en l’échange de leur sécurité. Toutefois le spectateur accueille avec bienveillance le rappel que cette affaire a au moins permis une prise de conscience mondiale sur la nécessité de poser des limites au contrôle de l’information sur le web. Prise de conscience toute relative il est vrai... si l’on en croit les dernières mesures prises par l’Union européenne au nom de la sécurité dans les transports… et si l’on veut bien considérer que le prochain président américain sera de toute façon disposé à faire arrêter Snowden (Hillary Clinton), voire à le faire exécuter (Donald Trump).
Au final Snowden jouit de deux courants contradictoires pour mieux se dresser tel un tsunami : il surfe sur la dénonciation flagrante d’un système américain capable de vous filmer avec votre propre webcam pendant que vous dormez ; et dans le même temps, il caresse électriquement le doux rêve de domination américain en s’abstenant de remettre en cause le germe du mal, à savoir l’appétit illimité pour le pouvoir et la puissance, tels que les sociétés modernes les ont imaginés depuis Machiavel et Nietzsche. Pour flirter avec les plus grands succès du cinéma, il manque à Snowden l’humour décalé, le cynisme assumé qui ont notamment permis à Ennemi d’Etat (Toni Scott, 1998) et à Spy Game (idem, 2001) de créer au moins l’illusion qu’un tel système peut être défait. Dans tous les cas, bonne chance à toi, Edward ! Tu ne le sais sans doute pas, mais on t’a regardé, et on a globalement aimé ton petit numéro d’insubordination…