Virtuose voyage au bout de la nuit

Film : Good Time (2017)

Réalisateur : Joshua Safdie

Acteurs : Robert Pattinson (Connie Nikas), Ben Safdie (Nick Nikas), Jennifer Jason Leigh (Corey Ellman), Buddy Duress (Ray), Taliah Webster (Crystal), Barkhad Abdi (Dash), Necro (Caliph), Peter Verby (Peter),...

Durée : 1h 39m


L’envers du rêve américain, on connaît, me direz-vous. Depuis la chute des grands studios à la fin des années 60, la caméra du Nouvel Hollywood est passée par là, dans les rues, les impasses, les égouts, les bars lamentables, les prisons… Scorsese, notamment, en a fait une des plus grandes pages du cinéma (Mean Street, Taxi Driver, After Hours…), de cette Amérique populaire, où les paumés de toutes les communautés se croisent, se droguent, s’aiment, se tuent. 

 Que peut donc ajouter Good Time après tout cela ? Une actualisation, peut-être : Scorsese sous acides sous une bande-son électrique, pour se souvenir que cette Amérique existe toujours. Que loin de la société policée à l’extrême, loin des rêves libéraux où tout le monde il est cultivé tout le monde il a sa start-up, il existe toujours de pauvres gens, qui manquent de tout, et avant l’argent - que le héros cherche ici de bout en bout -, qui manquent d’une famille. 

Ils errent, poursuivis par la police en permanence, toujours coupables, toujours hors-la-loi parce que trop démunis face à une société qui ne récompense que les meilleurs, et laisse survivre la masse des médiocres. Facile de se dire qu’ils sont responsables de leurs actes. Mais que ferions-nous, à leur place ? 

C’est la masse des « fainéants », comme cette mère noire, qui ne contrôle pas sa fille, et n’en a pas le temps ; cette fille-là justement, sans repère aucun, se laissant coucher avec le premier venu, traîner et risquer sa vie pour lui sans trop savoir pourquoi, pas consciente du prix de sa vie ; ces « fainéants » sans diplômes qui n’ont quasiment comme perspectives que la prostitution, le vol et la drogue, ces êtres désespérés qui n’ont rien pour s’en sortir dans cette vie, et pas même l’espoir d’en être consolés dans l’autre. 

 C’est au bout de leurs malheurs qu’on se trouve saisi, saisi d’une saine tristesse après les avoir vus s’empêtrer avec toute la détermination du monde dans des problèmes sans fin (dettes, prison, poursuites…). On tremble de les les avoir vus se noyer dans un système qui a décidé que le salut de l’homme viendrait de lui-même, et pas de l’extérieur. Nulle révélation, nulle transcendance, nulle aide, nulle famille, nul sauveur avec ce monde sans dieu : soyez des orphelins heureux de l’être, « libres et responsables », et si vous vous noyez, vous n’aviez qu’à apprendre à nager tout seul. Ce genre de films, ce genre de voyage au bout de la nuit sont de bons rappels que tout un monde d’abandonnés attend qu’on vienne le sauver.