L’ECRAN : « Arts martiaux mixtes », « free fight », « MMA », tout ça n’est pas toujours très clair : y a-t-il des différences entre ces sports ?
David Baron : À l’origine, l'organisateur de l'UFC avait pour objectif de faire un spectacle, une rencontre entre tous les styles de combattants afin de savoir quelle était la discipline la plus efficace, le meilleur combattant.
Les combats se faisaient sans obligation de porter des gants, seuls les morsures, les doigts dans les yeux et les coups dans les « parties » étaient interdits, d'où la dénomination de « free fight ».
C'était incroyable, il y avait toutes les disciplines avec leurs différentes tenues et style de combat.
Bien qu'extrêmement violente, cette organisation a permis de distinguer les disciplines folkloriques de celles qui sont efficaces.
Cependant, pour pouvoir perdurer, les organisateurs ont dû faire évoluer les règles afin de protéger au mieux l'intégrité des combattants tout en restant au plus près de la réalité des combats.
Dans le même temps, le nom a changé vers le « mix martial art », afin d'adoucir son image et de le faire accepter par un maximum de personnes.
Dans l'imaginaire des gens un sport de combat est bien plus violent qu'un art martial.
L’ECRAN : Trouvez-vous que le film soit fidèle à la réalité des combats tels que vous les connaissez et à l’ambiance qui y règne ?
David Baron : Oui, techniquement parlant, tous les coups portés et les techniques de soumission appliquées existent.
Certains coups ne seraient probablement pas si bien encaissés, mais il existe des combattants très durs au mal, on reste dans le domaine de l’« acceptable ».
L’attente dans le vestiaire, le cheminement jusqu'à la cage avec l'acclamation des spectateurs, l'entrée dans la cage et l'annonce du début du combat par l'arbitre sont un reflet à l'identique du déroulement d'un combat.
Ça m'a donné envie d'y retourner... pendant 30 secondes (rires).
L’ECRAN : Selon votre expérience, le film rend-il bien compte de la vie d’un combattant professionnel, des difficultés qu’il doit affronter au quotidien ?
David Baron : Le MMA regroupe toutes les catégories sociales de notre société.
Chacun vient avec son histoire, ainsi que ses problèmes, et chacun doit s'organiser en fonction de ses obligations.
L'histoire des deux combattants du film ressemblerait plus à celle de deux combattants français.
Dans notre pays les structures d'accueil des combattants ne sont pas suffisamment développées (quoique cela se soit nettement amélioré ces dernières années), et vivre de cette discipline est extrêmement compliqué. Les combattants doivent avoir un petit boulot à côté, et trouver des combats rémunérés n'est pas chose facile, car en France ils ne sont pas autorisés.
Aux USA les combattants ont accès à tout : le gymnase pour le combat, celui pour la préparation physique, les soins, l'alimentation... Ils sont considérés comme des athlètes que l'on doit choyer, la discipline étant légalisée, ils peuvent combattre régulièrement contre rémunération et vivre de leur passion.
L’ECRAN : Dans le film, les deux personnages se remettent aux combats pour gagner de l’argent. L’argent semble être une forte motivation dans ce genre de combat, est-ce comme cela que vous envisagez les choses ?
David Baron : Il faut être clair : nous parlons de combattants professionnels, c’est donc leur métier...
Je ne connais pas de plombier, ingénieur, comédien ou autre qui seraient d'accord pour travailler gratuitement.
Dans ce cas, nous sommes sur un tournoi où seul le vainqueur gagne une grosse somme.
C'était le cas au début de l'UFC.
Aujourd'hui nous avons le plus souvent un combat unique par combattant, où chacun touche une prime selon sa « valeur ».
Mais la principale motivation dans cette discipline est bien de montrer ses capacités, de se tester.
On ne peut pas accepter toutes les contraintes de cette discipline juste pour l'argent, bien qu'il reste la condition sine qua non pour pouvoir continuer à haut niveau... Il y a bien trop de sacrifices à faire, d'abnégation à avoir.
L'argent est une motivation, mais si vous n'avez pas l'amour du combat, vous n'y arriverez pas.
L’ECRAN : Le grand frère Brandon est professeur au collège. En apprenant sa pratique du free-fight, l’inspecteur le suspend. Selon vous, ces sports placent-ils nécessairement leurs adeptes en marge de la société ?
David Baron : Il est vrai que lorsque l'on dit que l'on pratique cette discipline à des non sportifs, les gens nous disent : « mais pourquoi ? ».
On croit, à tort, que les combattants risquent leur vie dans la cage.
Cette discipline est moins traumatisante que la boxe anglaise, où tous les coups sont portés à la tête, ou même que le judo qui est très traumatisant au niveau des articulations et du dos.
Le MMA, plus polyvalent, permet de répartir le travail et les impacts sur l'ensemble du corps, de plus l'arbitre intervient très vite pour arrêter le combat dès qu'un adversaire est dépassé, le plus souvent avant qu'il ne soit KO.
L’ECRAN : Durant les combats du film, on entend parfois la foule clamer « allez ! On veut du sang ! » : peut-on dire que ce sport encourage les bas instincts des combattants et des spectateurs, comme au temps des gladiateurs ?
David Baron : Cela dépend de l'éducation des spectateurs et de ce qu'ils recherchent...
J'ai vu ce genre de comportements aux USA, en Angleterre ainsi que dans nos banlieues sur des organisations de Pancrace (c'est du MMA sans frappes au sol).
Au Japon comme en Hollande, les spectateurs sont de véritables connaisseurs et sont très disciplinés.
Ils ne s'expriment qu'au moment de coups ou de techniques décisives.
Le reste du temps, le silence plane.