300

Film : 300 (2006)

Réalisateur : Zack Snyder

Acteurs : Gerard Butler (Léonidas), Lena Headey (la reine Gorgo), Rodrigo Santoro (Xerxès)… (Durée 1h55).

Durée : 01:55:00





 


L’univers graphique de Frank Miller est déjà connu pour avoir inspiré le film Sin City (2004), dans lequel la beauté et l’originalité artistique côtoyait une violence souvent extrême. 300 est tiré lui aussi d’une œuvre de l’artiste, relatant la célèbre bataille des Thermopyles en n’hésitant pas à prendre certaines libertés avec la vérité historique. 300 est le second long-métrage de Zack Snyder, qui a forgé sa réputation dans la publicité et a tourné
font>L'Armée des morts (2004), remake de Zombie de George A. Romero.

Le film ne se veut pas être une reconstitution de la bataille entre Grecs et Perses, mais « se réclame aussi de l’imaginaire et de l’hyperréalisme, comme il convient à une histoire pleine de passion, de brutalité, d'intrigues politiques et d'émotions. », dixit l’acteur Gerard Butler. Si le scénario conserve les grandes lignes de l’histoire (la résistance des Grecs trahis par un des leurs, Éphialtès), 300 face="Cambo, arial, helvetica, sans-serif" class="Apple-style-span"> fait largement appel à des éléments de fiction et d’esthétique pour renforcer l’aspect comics (du film style graphique dont est tiré l’œuvre de Frank Miller) : l’incroyable bestiaire de l’armée perse, menée par un Xerxès dont l’aspect physique le rend involontairement comique, une grande ambition artistique qui consiste à réaliser un mélange des genres cinématographiques, voire qui lorgne du côté des jeux vidéo et de l’héroic-fantasy, une violence assumée et stylisée.


Véritable vitrine du cinéma à grand spectacle,
300 se distingue par les teintes sépia de sa pellicule (voir l’affiche du film), obtenues par une technique baptisée "crush", consistant à "écraser" les
couleurs sombres pour valoriser et renforcer leur éclat. Les acteurs ont pour cela été filmés devant un fond de couleur unie (bleue ou verte), et chaque image a été travaillée par informatique pour insérer les décors et obtenir cette patte graphique qui fait ressembler le film à une fresque résolument baroque (le plan final de la bataille en est le parfait exemple). Au total, près de 1300 effets virtuels ont été réalisés. De plus le film revisite allègrement la technique cinématographique en adoptant des styles divers et variés : une scène d’amour est filmée en noir et blanc, les plans de bataille sont filmés en travelling, l’ajout de ralentis (parfois lassants) laisse penser à un jeu vidéo de plate-forme, dans lequel les personnages se déplacent sur un plan vertical ou horizontal, mais pas dans le sens de la profondeur. Ou encore, la voix off, réussie, donne au film une dimension narrative et explicative, qui contraste avec la violence présente à l’écran et contribue certes à en réduire la portée dramatique,
mais se fond à merveille dans l’action. Le fantastique inspire certaines scènes, comme la découverte macabre d’un village pillé par les Immortels, les troupes d’élite de Xerxès, ou encore un plan presque figé, saturé d’éclairs éclatants sur fond d’orage, montrant la flotte perse en partie détruite par une violente tempête, les seules notes de couleur étant les capes pourpres des guerriers spartiates.

Un second aspect remarquable du film est sa violence extrême. Elle constitue un des arguments de poids qui font de 300 un film choc. Les scènes d’action sont étonnantes tant l’hyperréalisme est présent (âmes sensibles…). Elle devient un atout publicitaire car, stylisée, canalisée dans le seul but de plaire visuellement, elle est aussi impressionnante qu’exagérée. Jouissive dans un premier temps, elle est présente à si forte dose que
l’on arrive à saturation à la fin du film. Elle est de plus renforcée par une musique frénétique et anachronique, qui fait ressembler certaines scènes à des clips vidéo. Ce choix est dicté par la volonté du réalisateur de faire vivre aux spectateurs « une expérience originale : qu'il s'agisse des paysages, des batailles, de l'action, de l'architecture, chaque image du film constitue un effet visuel. » De fait,
300 peut se résumer comme étant une hallucination de près de deux heures, un film comme jamais vu, dont l’accroche visuelle, époustouflante, ne parvient cependant pas, après réflexion (au calme…) à dissimuler quelques failles béantes. Ainsi se fait cruellement sentir un vide chronique sous l’explosion graphique. En dehors d’une virilité exacerbée, d’un humour plutôt lourd et d’une démonstration du savoir-faire guerrier des
Spartiates (notons quelques ressemblances avec les films de kung-fu), le film n’a pas à son bénéfice de réelles fondations. Le jeu des acteurs est on ne peut plus sommaire, les dialogues, rares, sont franchement creux. En somme,
300 est un divertissement poussé à son paroxysme, un beau produit prêt à être consommé.

Le film se construit autour d’une dimension très manichéenne du conflit entre Grecs et Perses. Les premiers sont les tenant de la liberté, représentent le camp du bien, ne craignent pas de mourir pour la patrie, cultivent l’harmonie et la beauté. Les Perses sont sans doute aucun la personnalisation du mal, avec leur férocité et leurs mœurs barbares (peinture qui a beaucoup déplu en Iran, l’actuelle région perse…). Toutefois le
film ne manque pas de porter un regard ambigu sur le bien-fondé de la civilisation spartiate : l’eugénisme y est de règle, les enfants impitoyablement sélectionnés sont arrachés à leur famille pour servir la Cité, la corruption est présente. En réalité Sparte est décrit dans le sens de la Cité parfaite, l’Utopie, chère à  Platon, perfection obtenue par bien des moyens radicaux voire inhumains.

Ce manichéisme va toutefois de pair avec la volonté de ne servir aux spectateurs qu’un film calibré pour divertir et non pour faire réfléchir. Ce parti pris favorise naturellement le côté purement artistique de l’œuvre, au détriment de son impact humain. Toutefois la violence montrée à l’écran est sans aucun doute malsaine tant elle est omniprésente, la souffrance et la mort étant banalisées et même favorablement accueillies puisqu’elles sont souvent spectaculaires… Particulièrement immoral est le
comportement de la reine, épouse de Léonidas, qui trompe son mari avec un conseiller de la Cité pour s’assurer de son soutien.
300 illustre aussi un esprit de sacrifice pour la patrie envisagé de façon extrême : aucun adieu aux familles des guerriers, aucune marque de faiblesse, bref les Spartiates n’ont pas grand chose d’humain, ce sont des machines de guerre destinées à tuer et à mourir. Il ne faut donc pas attendre de 300 une grande richesse de fond ou un intérêt humain particulier.

NB : citations tirées des notes de production.

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Stéphane JOURDAIN