Apprenti Gigolo

Film : Apprenti Gigolo (2013)

Réalisateur : John Turturro

Acteurs : John Turturro (Fioravante), Woody Allen ( Murray), Sofia Vergara (Selima), Sharon Stone (le Docteur Parker)

Durée : 01:30:00


L'apprenti gigolo est un film sur la prostitution et présente deux originalités : d'une part il s'agit de prostitution masculine, et d'autre part il s'agit d'une prostitution dans laquelle le sexe rémunéré est expurgé de sa dimension sordide.

John Turturro (catholique dont la femme est juive, détail qui a son importance dans le film) signe un film assez personnel dans lequel il tente d'injecter de l'amour dans la prostitution. Le personnage qu'il incarne n'est pas un bellâtre qui réussit grâce à ses pectoraux, mais un garçon sensible et attentionné qui souhaite donner aux femmes plus qu'une relation sexuelle.

John Turturro court donc après une illusion. En essayant d'esthétiser la prostitution, en soulignant avec un certain brio les rapports humains qui s'instaurent entre Fioravante et ses clientes, il pétrit une argile si sale que son vase devait en souffrir malgré la beauté de ses courbes. Car aussi belles que soient Sharon Stone et Sofia Vergara (qui projette dans le film une incroyable sensualité), c'est bel et bien d'une partie de jambe en l'air à trois qu'il s'agit, fondée sur une trahison puisque tout se fait dans le dos du mari de la première, ultime réponse à la solitude puisque de l'aveu du dossier de presse lui-même, le personnage incarné par la blonde est désespérément seul. Cette relation est tarifée, qui plus est, chosification extrême de la matière sexuelle, puisque même si Fioravante

dépasse la simple relation charnelle, son affection n'est que feinte ! Vous en doutez ? Alors pourquoi ne peut-il plus faire l'amour avec les deux sitôt qu'il tombe amoureux ?

Amour étrange, vraiment, que celui entretenu avec le personnage de Vanessa Paradis. Celle-ci, veuve dans une communauté hassidique qui sert de contexte à la quasi-totalité du film, pue autant la solitude. Elle pleure, se confie, provoque notre empathie, mais la solution adoptée (la prostitution) est évidemment une impasse. Comment en serait-il autrement ?

Si ni l'idée originale, ni la réalisation ne sont de Woody Allen, celui-ci s'est néanmoins énormé-ment investi dans le film. On retrouve donc (avec plaisir) quelques-uns de ses dadas : la musique jazz, bien sûr, la relation torturée entre hommes et femmes ensuite, la nature chétive et impuissante de son personnage enfin, même s'il nous épargne cette fois ses habituels bégaiements.

Les fans du genre trouveront matière à pavoiser, mais d'un point de vue technique, le film ne sort pas du lot. D'un point de vue éthique, il pose des questions sans y répondre vraiment et profite de l'obscurité pour plonger le spectateur dans une baignoire licencieuse. A défaut d'être froide, la douche est trop chaude...