Au-delà

Film : Au-delà (2010)

Réalisateur : Clint Eastwood

Acteurs : Matt Damon (Georges Lonegan), Cécile de France (Marie Lelay), Thierry Neuvic (Didier), Jay Mohr (Billy Lonegan), Bryce Dallas Howard (Mélanie) .

Durée : 02:08:00


Un récit de destins croisés passionnant et émouvant, défendant  avec beaucoup de pudeur l'existence d'un monde paranormal, et orchestré avec minutie par un Clint Eastwood en pleine possession de son art.

Chaque nouvelle sortie d’un film réalisé par Clint Eastwood est a priori synonyme d’une bonne nouvelle. Passé derrière la caméra depuis près de trente ans, l’acteur légendaire de Hollywood ne se produit plus désormais que par ses propres réalisations. Récemment encore, il nous avait passionné avec son diptyque Mémoire de nos pères – Lettres d’Iwo Jima, ému avec L’Echange et bouleversé avec Gran Torino.

Pour son nouveau film, il s’est entouré d’une équipe fidèle : la productrice Kathleen Kennedy avait déjà produit Sur la route de Madison, le décorateur James J. Murakami collabore régulièrement avec Eastwood
depuis 1992 et le directeur de la photo Tom Stern est un fidèle du cinéaste sur l’ensemble de ses films depuis trente ans. En outre, Eastwood retrouve Steven Spielberg comme producteur exécutif après Mémoires de nos pères – Lettres d’Iwo Jima. Il fait à nouveau jouer l’acteur Matt Damon qu’il avait déjà dirigé dans son précédent film Invictus et qui compose ici un personnage tourmenté et posé bien éloigné de ses rôles de jeunes rebelles rageurs comme dans Good Will Huntig. La belge Cécile de France est, quant à elle, nouvelle dans l’univers eastwoodien, mais pas pour le cinéma américain puisqu’elle avait déjà joué dans Le tour du monde en 80 jours de Frank Coraci, aux côtés de Jackie Chan et Steve Coogan. Révélée par L’art délicat de la séduction de Richard Berry, la jeune actrice est désormais devenue une star de sa génération et peut désormais jouer sous la direction des grands comme Clint Eastwood. Jusque-là largement cantonnée aux rôles comiques et romantiques, elle s’avère assez convaincante dans
un registre dramatique. Comme seconds rôles, on trouve également le Français Thierry Neuvic (Code inconnu de Mickael Haneke, Dieu est grand, je suis toute petite, de Pascale Bailly, Ne le dis à personne de Guillaume Canet) et Bryce Dallas Howard, fille du réalisateur Ron Howard (Manderlay de Lars Von Triers, La jeune fille de l’eau de M. Night Shyamalan, Spiderman 3 de Sam Raimi). En ce qui concerne le casting, on ne peut passer sous silence l’excellente prestation des jumeaux McLaren dans les rôles de Marcus et Jason.

Le film rassemble un certain nombre des thématiques propres à l’univers d’Eastwood : l’importance des liens familiaux (entre les deux jumeaux et avec leur mère dont Marcus est séparé à cause de l’alcoolisme de cette dernière), le rapport difficile à la société et notamment à l’entourage immédiat (Marie confrontée au scepticisme et au mensonge de son
compagnon et de ses collègues, Georges face aux tentatives de son frère d’exploiter commercialement son don), une certaine défiance envers le monde moderne (recherchant un médium capable de le faire communiquer avec son défunt frère, Marcus consulte Internet et ne tombe que sur des charlatans ou des mythomanes tandis que le monde des médias de pointe dans lequel évolue Marie n’est pas présenté sous un jour des plus flatteurs) et la primauté des parcours individuels pour l’accomplissement des individus. L’ancien Harry Callahan n’a pas perdu sa maîtrise de la mise en scène et sait faire ressortir toute l’émotion de cette triple histoire dont les personnages si différents se rejoignent finalement dans leur expérience du contact avec la mort. Le film se veut également un plaidoyer pour la réhabilitation de la figure du médium et pointe du doigt le scepticisme ambiant dont fait l’objet cette vocation. Clint Eastwood ne s’en cache d’ailleurs pas : « Nous essayons de présenter son activité comme légitime
par contraste avec ces exploiteurs de la détresse humaine. A chacun de considérer ensuite si la voyance peut être une pratique fondée » (source Allociné). Une position qui peut être contestable sur le fond (et qui est d’ailleurs contestée dans le film par certains personnages), mais qui est fort bien servie par la mise en scène du réalisateur et sa présentation originale du personnage de médium, bien loin du mystère et du glamour dont l’entoure habituellement le cinéma actuel. Le débat reste donc ouvert quant à la légitimité du médium, mais celle d’Eastwood comme réalisateur n’est plus à démontrer et ce film nous le confirme si besoin en était.