Au fil d'Ariane

Film : Au fil d'Ariane (2013)

Réalisateur : Robert Guédiguian

Acteurs :

Durée : 01:40:00


La mère de famille est une malheureuse femme enfermée, esclave, potiche qu’il faut libérer ! Ce vieux message d’un Robert Guédiguian stérile est un refrain périmé, périmé comme son imagination.

« Faire un film pour le plaisir de le faire », je le cite. Pourquoi pas ? Après tout, une fois le montage terminé, on se lave les mains de ce que les spectateurs auront devant les yeux. Tout le plaisir n’était pas de partager de la beauté, du rire ou même un message politique.
Tout le plaisir résidait dans le fait d’être derrière une caméra, avec les copains, comme Ariane Ascaride (seizième collaboration entre le réalisateur et l’actrice), la jeunette Anaïs Demoustier, à qui on va faire enfiler une costume bien court en échange de quelques répliques théâtrales, et l’autre jeunette Lola Naymark, qu’on désapera intégralement, parce que ce serait dommage de l’amener sur le tournage sans en profiter, quand même (« quand même ! »).

Au Fil d’Ariane est un film, franchement, qui n’a ni queue ni tête. On pencherait bien pour l’habituelle pseudo libération de la femme au foyer, qui réalise son rêve. Mais il n’y en a pas la moindre trace dans les propos de l’auteur. Au milieu d’inconnus qui deviennent les meilleurs amis du monde en un quart d’heure (soit 120 secondes à l’écran), on suit une femme banale, sans caractère, sans attache, sans famille, sans espoir, sans amour, sans envie.
D’autres films présentent cela comme une errance atroce, comme le très récent The Rover. Ici, cette errance est une découverte d’un monde merveilleux, celui où la vie n’a pas de sens, où l’on voyage sans but.
Son mari, ses gosses, tout ça, non… Souvenez-vous du Petit Père des Peuples : « Un vrai bolchévique ne devrait pas avoir de famille ». Doit-on s’étonner que Robert Guédiguian soit un ex-adhérent du PCF ? Allez savoir…

Toujours est-il qu’il l’avoue lui-même, son film flirte avec le « nonsense ». C’est vrai qu’en anglais, ça a l’air moins stupide. Et puis, après s’être ébahi devant son énième nanar (il faut appeler un chat un chat), il finit par trouver une sorte de sens à toute cette non-intrigue, car disons-le : il n’y a pas d’intrigue. Lisez un livre de pages blanches, vous aimerez tout autant.
Le sens tombé du ciel est que cette histoire plaide pour une fraternité universelle. La substantifique mœlle sort de l’histoire, qui devient indépendante de son auteur, « c’est énorme ! ». Plus besoin de chercher à dire quelque chose, après tout, la digestion intellectuelle parvient toujours à tirer par les cheveux n’importe quoi, n’importe quelle pensée, aussi vague soit-elle. Ecrivons tout et n’importe quoi, il y aura toujours quelqu’un pour y lire quelque chose de cohérent !

Réalisation hachée, rythme décousu, acteurs dans de perpétuelles et lourdes exagérations (c’était voulu, pardon de m’être attendu à de l’acting de cinéma), musique potiche et même criminelle (massacre de grands classiques, dont le Stabat Mater de Pergolèse dans une scène lamentable), pas une seule belle image à se mettre sous la dent, photo ultra dorée pour donner l’impression que le soleil brille partout, on s’épuise de la forme aussi désespérément que de l’histoire, dont on attend tout le long un malheureux sens, ou au bout d’un moment, la fin. Jean-Pierre Darroussin ne suffit pas à sauver le film : son chauffeur de taxi est le seul qui puisse faire desserrer les dents, mais il disparaît vite…

Robert Guédiguian, habitué des « contes » (L’Argent fait le bonheur, Marius et Jeannette aussi…), s’est fait surtout remarquer pour Le Promeneur du Champ de Mars. A présent, il s’enterre avec son idéologie, dans un film pour rien, pour ne rien dire. Après tout, avez-vous lu cette phrase un peu comique d’Edgar Morin ? « Parler pour ne rien dire veut dire que nous avons besoin de parler pour parler ». Là, on veut bien le croire.

Le bon vieux Bob voulait raconter ce qu’il considère comme un rêve, et même, comme « un monde nouveau », son utopie. Son pays des merveilles est un amas de destins sans espérance, sans attente, sans désir, sans cohérence, et qui plus est, bisounours à en crever. Mais quel cauchemar que ce « rêve » !