Ave, César!

Film : Ave, César! (2016)

Réalisateur : Joel Coen, Ethan Coen

Acteurs : Josh Brolin (Eddie Mannix), George Clooney (Baird Whitlock), Alden Ehrenreich (Hobie Doyle), Ralph Fiennes (Laurence Laurentz), Scarlett Johansson (DeeAnna Moran)

Durée : 01:40:00


Ayant l’habitude de jongler d’un film sur l’autre entre le drame et la comédie, les frères Coen avaient flouté la barrière qui sépare ces genres pour leurs deux derniers films, True Grit et Inside Llewin Davis, qui sont des drames ponctués d’instant comiques et absurdes comme ils en ont le secret. Avec Ave César, les deux auteurs-réalisateurs phares du cinéma indépendant américain renouent avec les comédies de leurs meilleurs crus, comme O’brtoher, The Big Lebowski, ou Burn After reading.

Le principal atout de ce film est la précision avec laquelle il est écrit et réalisé, le jeu d’acteurs laissant un peu à désirer. Les frères Coen font encore une fois montre d’une grande maîtrise dans la construction du scénario, la gestion du rythme et l’écriture des dialogues. Cela donne, certes, l’impression d’un film très écrit, mais rend aussi le tout agréable à suivre, confortable. Les scènes se succèdent et s’étirent. On passe d’une grande scène à une autre sans nul besoin de plan de raccord ou d’explication, comme on passerait d’un acte théâtral à un autre. Une scène commence, se développe et s’achève comme un tout.

On notera aussi la qualité du dialogue qui, sans travailler LA réplique culte, fuse en empoignades, en magouille, entre amis aussi, ou dans des considérations philosophiques et scientifiques absurdes… Chaque monologue et moment de bravoure nous font nous répéter : il faut être drôlement intelligent pour écrire quelque chose d’aussi bête. De fait, Ave César, en pure comédie des Coen, repose principalement sur la juxtaposition de l’idiot absurde — surréaliste même —  et du réalisme le plus terre à terre. Ici Eddie Mannix — inspiré d’un véritable producteur exécutif des années 50 — est le seul garant sérieux de cet univers fantasque. Plusieurs fois d’ailleurs, un homme venu lui proposer un emploi hors du cinéma lui fera remarquer qu’il vit au milieu d'un cirque, que sa vie est une blague, et qu’il pourrait travailler avec des gens plus sérieux.

Le côté « film à sketch » d’Ave César permet de développer cet aspect en faisant d’Eddie Mannix un fil rouge qui relie une succession de saynettes hilarantes de caprices d’artistes, d’acteurs qui ne savent pas jouer, de terroristes tournés en dérisions… De ce fait, Josh Brolin, qui incarne Eddie Mannix, reste en retrait face aux cabotinages de Ralph Fiennes, Scarlett Johansson ou encore Alden Ehrenreich qui délivrent tous une excellente performance, surtout Johansson malgré sa faible présence à l’écran. Seul Clooney semble malheureusement en roue libre.

Dans cette comédie hilarante, au style particulier, il faut reconnaître, les frères Coen offrent aussi un voyage dans les Etats-Unis des années 50. On redécouvre la vie de famille et les mœurs de l’époque. Mais surtout dans le tout jeune Hollywood. On redécouvre les genres phares de l’époque — peplums, comédies musicales et grandes fresques familiales — ainsi que les techniques employées, et l’ambiance de ces grands studios qui en formalisant un art jeune encore d’un demi siècle, ont inventé le cinéma à grand spectacle d’aujourd’hui. Au nom de tout cela : Ave César, ce qui vont rire te saluent !