Bad Teacher

Film : Bad Teacher (2011)

Réalisateur : Jake Kasdan

Acteurs : Cameron Diaz (Elizabeth Halsey), Justin Timberlake(Scott Delacorte), Lucy Punch (Amy Squirrel), John Michael Higgins (Principal Wally Snur), Jason Segel (Russell Gettis), Phyllis Smith (Lynn Davies)

Durée : 01:33:00


Comédie excessivement satirique et vulgaire.

Dans sa nouvelle comédie Bad Teacher, le réalisateur Jake Kasdan nous plonge dans le quotidien apparemment sans histoire d’un collège des environs de Chicago. 

Mais dans ces bâtiments de briques rouges aux allures tout à fait respectables, on ne trouve pas grand monde qui le soit. Le corps professoral semble aussi stupide qu’incompétent quand les personnages masculins ne sont pas obsédés par leurs pulsions sexuelles. Un personnel déplorable pour des enfants tout aussi stupides et superficiels, de purs produits de cette anti-éducation. Tout ceci se déroule sous la surveillance lointaine de parents distraits ou naïfs qui se bornent à considérer la réussite scolaire de leurs rejetons.

Au premier abord, il semble que les scénaristes Gene Stupnitsky et Lee Eisenberg aient voulu dresser un tableau fort peu élogieux du monde scolaire. Peut-être s’indignera-t-on (à juste titre) devant une caricature tout de même assez malhonnête de notre bon vieux système scolaire occidental. Mais il s’agit davantage de présenter des caractères types qu’il a bien fallu faire évoluer dans un contexte. C’est l’étude des personnalités qui constitue la réussite artistique de cette œuvre. Dans un quotidien si banal et insipide qu’il en devient médiocre, le spectateur rencontre des caractères bien connus, tels la prof gentille mais psychorigide, le directeur plus passionné de dauphins que de gestion de son personnel ou encore la vieille fille qui n’a jamais su prendre de décisions. Si au premier abord, certains pourront avoir l’ impression d’avoir été largués au milieu d’un contingent de cas sociaux, on constate rapidement le réalisme de ces descriptions. Chaque individu incarne un seul défaut, bien trouvé, que les acteurs ont su interpréter avec tant de brio que les personnages en deviennent vite insupportables. L’équipe artistique a exploité cette technique à l’extrême, que les personnages possèdent rarement des qualités et que tout ce qui est connu de leur personnalité n’est là que pour accentuer le défaut auquel ils ont été identifiés. Une étude psychologique dont on peut saluer la précision !

Mais le propos d’une comédie est d’amuser. Or cette triste description de la société pousse la satire jusqu’à l’extrême, si bien que l’œuvre perd toute légèreté et toute fraîcheur qui permettrait de rire ou au moins de sourire. En effet, pour divertir ou plaire, il faut réjouir, il n’est pas de vrai rire sans joie. On trouve peu d’effets de surprise ou d’exagérations assez anodines pour qu’elles portent à rire. Pour mieux dénoncer, tout ici est exagéré à l’extrême si bien que le spectateur n’est plus surpris mais affligé. Une comédie qui n’est que satire court le grand risque d’assombrir les pensées de ceux qui étaient venus pour rire.

Tout est fait, semble-t-il, pour scandaliser, dégoûter : On multiplie les propos salaces dans la cantine du collège, les profs fument de la marijuana sur le parking de l’école, faisant ainsi se côtoyer l’innocence de l’enfance et la médiocrité de certains adultes. Mais l’exemple le plus flagrant et certainement le plus déplaisant est bien celui du jeune professeur Scott Delacorte (Justin Timberlake). Sous ses allures de débutant naïf, ultra-tolérant et sentimental, il n’hésite pas à tromper sa petite amie Amy Squirrel (Lucy Punch) dans une scène d’une vulgarité cynique et superflue. Conclusion : Même les gentils un peu bébêtes ne sont pas dignes de confiance. Ecœurant.

A force de précision poussée à l’extrême, le zoom pessimiste de cette comédie qui n’en est plus une a supprimé tout le reste et n’offre plus qu’une vision déformée de la réalité. Si l’étude des défauts et les propos scabreux qui constituent l’essentiel de ce film n’ont rien de fantaisiste, il ne subsiste aucune qualité à ces personnages, aucune progression ni aucune issue positive ne semblent possible. Certes, on est loin du tout est bien finit bien hollywoodien, mais à quel prix !

Les relations entre les personnages sont évidemment désastreuses. On semble bien s’entendre, on se sourit, on parle. Mais dans le corps professoral les individus sont tous isolés les uns des autres. Ce ne sont que les formalités d’une profession (exercée sans passion par la plupart) qui les rassemblent. On ne s’étonnera pas que le directeur de l’école prononce des discours horriblement plats à chaque fin d’année ! Il n’existe pas de liens d’amitié entre ces collègues. Chacun est un profiteur, ne recherchant en l'autre qu'un bien utile ou agréable. Si l’on voit un sourire s’esquisser, l’ombre d’un acte généreux se dessiner, c’est que le profit n’est pas loin : Elizabeth Halsey (Cameron Diaz) ne gratifie son directeur d’un joli dauphin en cristal (volé à l’un de ses élèves le jour de Noël) que pour mieux lui vendre son sourire et ses mensonges.

La vulgarité des attitudes et du langage ne sont que le reflet de la disposition d’esprit des personnages. Même dans le couple un peu « fleur bleue » que forment Amy et Scott, la rupture de cette relation en révèle bien la nature : lui ne satisfait que ses instincts en abusant de la naïveté de sa petite amie qui, en manque d’assurance et d’affection, cherchait à combler son déséquilibre. D'un certain côté la bassesse du film illustre, s'il en était besoin, que la fidélité et la maîtrise de soi restent les deux ingrédients imparables d'une relation de couple épanouie.

Mais c’est bien le personnage principal, l’odieux antihéros Elizabeth Halsey qui fait la trop grande réussite de cette satire. En effet Cameron Diaz se déchaîne sur ses redoutables escarpins à la Christian Louboutin. Pas une scène où elle ne choque par sa tenue, son attitude, son langage vulgaire, son égoïsme monstrueux, sa malhonnêteté qui crève les yeux, son mépris ou sa méchanceté. Elle semble concentrer tous les défauts imaginables. Insupportable, elle reste seule. Toutes les relations qu’elle construit ne sont que mensonges, utilisations, pas un de ses innombrables sourires n’exprime une once d’amitié, ils ne sont que séduction tandis qu’elle crache des insultes dans le dos de ses proies. Croyez-vous qu'elle change à la fin du film ? Il subsiste à ce propos un malentendu. Soit en effet elle a changé et le scénario est d'une incohérence hallucinante (il n'y a aucune progression du personnage), soit elle n'a pas changé et, dans ce cas, quel est l'intérêt du film ? Se délecter à la vue de la bêtise et de la méchanceté ? Pour le prix d'une place de cinéma ?

Cameron Diaz est plus qu’un antihéros qui ne possède pas les qualités traditionnelles du personnage principal classique. Elle constitue un genre d’anti-prof qui se shoote en cours et déteste ses élèves. Grossière et impudique, reniant sa dignité, l’héroïne s’expose dans le but de satisfaire la concupiscence de ses collègues et la sienne par la même occasion. De même, sans douceur, insensible, détestant même les enfants, elle apparaît dénaturée en tant qu’elle rejette ce pour quoi elle est faite. Car si la finalité de l’être humain est d’aimer, et de trouver le bonheur en cherchant à faire celui des autres (par exemple en aimant ses enfants), alors le film est passé à côté de l'essentiel, par bêtise ou par incompétence.

Pour Elizabeth Halsey, le bonheur est de trouver un mari riche qu’elle pourra exploiter afin de satisfaire tous ses caprices. Reconnaissons que le niveau est bien bas. Mais le désastre ne s’arrête pas là… Pour trouver cette perle rare, ce chevalier servant sans âme, il faut l’attirer, et c’est pourquoi le film relate une succession de malhonnêtetés entreprises pour récolter 10.000$. Ceux-ci serviront à offrir à la jeune femme l’opération chirurgicale indispensable à la réussite de son projet : celle de se faire refaire les seins ! La jeune femme, que tout le monde reluque déjà bien assez comme cela, erre donc seule, hyperactive et odieuse à travers tout le film pour de la chirurgie esthétique ! Plus affligeant qu’amusant.

On l’aura bien compris, notre antihéros est à la recherche d’un bien absolument superficiel qui ne la comblera jamais ! C’est pourquoi d’ailleurs elle finira par arrêter de le chercher. Saluons une fois de plus la consternante honnêteté de l’équipe artistique.

Transformer une comédie en une sombre satire ou même en parodie, choquer pour mieux convaincre, pourquoi pas ? Mais tout ceci n’a que peu d’intérêt quand l’œuvre n’apporte pas d’alternative à ce qu’elle dénonce. Elle semble alors n’être qu’une occasion de se complaire dans l’impudicité.