Barbecue

Film : Barbecue (2013)

Réalisateur : Eric Lavaine

Acteurs : Lambert Wilson (Antoine), Franck Dubosc (Baptiste), Florence Foresti (Olivia), Guillaume De Tonquédec (Yves)

Durée : 01:38:00


L'été approche, avec ses vacances, ses amis et ses… barbecues bien sûr ! Après Les petits mouchoirs, drame qui nous montrait une bande de potes dans tous ses états, le cinéma français nous sert une nouvelle tranche de sociologie avec Barbecue, la dernière comédie d'Eric Lavaine, qui nous avait déjà fait rire avec son Bienvenue à bord !

L’assortiment d'acteurs vaut déjà le détour : Lambert Wilson, dans un rôle de beau mature en pleine crise de la cinquantaine ; Franck Dubosc dans un personnage dépressif à contre-emploi ; Florence Foresti, toujours aussi pétillante qu'elle-même ; et l'excellllllent Guillaume de Tonquédec, éternellement éblouissant dans son rôle de catholique (il revendique dans le dossier de presse être catholique pratiquant) bourgeois propre sur lui, bien sous tous rapports et aussi vide qu'un œuf éclos.

Les épouses ayant dans ce film un rôle très secondaire (on y reviendra), on saluera les prestations discrètes de Lionel Abelanski et Jérôme Commandeur, éclipsés par le casting ambiant.

Barbecue est une petite comédie de mœurs assez juste et très rafraîchissante. Le public est plongé dans des situations qui lui rappelleront sa propre vie sociale et sauront lui faire prendre de la hauteur, le distancier, comme disent les pros qui se la racontent. La réalisation est sobre mais efficace, la musique discrète mais enjouée, et les décors très marqués pour souligner la personnalité de chacun.

Sur le fond Lambert Wilson incarne un personnage principal plutôt azimuté en pleine crise existentielle, qui découvre subitement que sa vie est ennuyeuse. Que celui qui n'a jamais crise-de-la-cinquantainisé lui jette la première pierre. Je fais moi-même la mienne régulièrement depuis ma trentaine, et j'avoue m'être tout à fait reconnu dans cette lassitude extrême de celui qui se demande à quoi sert sa vie. Il faut cependant avouer que sa réaction est assez nulle. Plutôt que d'aller combler le vide en donnant un sens à sa vie, pépère décide de prendre un maximum de bon temps (ce qui le conduit à conseiller au fils de son ami de consommer des joints à gogo !). Si le film montrait la vacuité de ce choix, il serait génial, mais tout se finit finalement assez bien pour lui, comédie oblige.

Autour de lui, une bande de copains modernes. On se voit pour jouir ensemble (pas sexuellement, entendons-nous bien, quoique…), on se serre les coudes dans les difficultés, on se défend contre ceux qui ne sont pas dans le cercle et, surtout, on se ment en permanence pour l'amour de l'autre, ce qui ne résout jamais rien et fait une confusion coupable entre délicatesse et malhonnêteté. Du coup, le jour où l'un d'eux se met à dire la vérité à tout le monde (sans délicatesse non plus), tout le monde est blessé. Faut-il en déduire que se cacher les choses est mieux ? N'y a-t-il pas de juste milieu entre mensonge et propos blessants ?

Au milieu de la bande, les épouses, pièces rapportées, sont des potiches. Les mariages sont aussi pourris que l'amitié est forte. Entre potes on s’engueule, on se réconcilie, et ça tient toujours le choc, mais en couple, c'est une autre affaire. On peut même dire que sans le groupe, rien ne tiendrait.

Ce qui est flagrant, c'est qu'à l'image de notre société désorientée, le film oublie que notre meilleur(e) amie, c'est notre conjoint(e). Toute l'illusion moderne est de penser qu'il y a une séparation entre amour et amitié alors que le premier n'est que le prolongement du second. Ce n'est pas une différence de nature, mais de degré. Comment donc accepter ce contexte plat dans lequel le rapport amical exclut ou au moins met en sourdine le rapport conjugal ?

Si on veut voir ce film choral comme un modèle d'édification, c'est raté. Mais si on veut réfléchir sur la mécanique sociale à partir d'un film réaliste et fortement ancré dans son époque, c'est un bijou. D'autant que si les histoires de fesses sont ici sordides, elles ne sont pas montrées ! Voilà qui mérite donc notre attention !