Belles familles

Film : Belles familles (2014)

Réalisateur : Jean-Paul Rappeneau

Acteurs : Mathieu Amalric (Jérôme Varenne), Marine Vacth (Louise), Gilles Lellouche (Grégoire Piaggi), Nicole Garcia (Suzanne Varenne), Guillaume De Tonquédec (Jean-Michel Varenne), André Dussollier (Pierre...

Durée : 01:53:00


Et si Feydeau avait raconté les Labdacides ? Il y a quelque chose de thébain dans ce village français d’Ambay où les histoires d’une famille deviennent une histoire de familles. Jean-Paul Rappeneau nous rapporte dans Belles Familles la chronique d’une famille riche en surprise, qu’il agrémente d’un triangle amoureux. Mais le film ne s’attarde pas vraiment sur le récit ; celui-ci n’est que prétexte au développement de grandes scènes comiques, de grands instants tragiques au cœur desquelles seul compte le personnage.

En choisissant Matthieu Amalric (la muse d’Arnaud Desplechin) pour incarner son personnage principal – d’inspiration autobiographique –, Rappeneau inscrit son film dans un style d’auteur où le génie du metteur en scène et la virtuosité simpliste de l’acteur sont capables de tout suggérer. Un plan sur un visage, une expression faciale, une démarche : et nous rions, nous nous attachons au personnage, nous devinons sa pensée, son passé… Face à ce jeu virtuose, se trouve celui de Maine Vacth (Jeune et Jolie, Ma part du gâteau) qui relève plus du modèle bressonien. Le jeu relève plus de la présence que de l’expression, un jeu plus attachant, mais sur lequel la rupture comique n’en est que plus efficace… Autour de ce couple princier qui survole le film, on trouve également, Gilles Lellouche, Guillaume de Tonquédec ou encore Nicole Garcia, qui semblent malheureusement plus en roue libre, manifestement moins investis…

Habitué à de plus grandes fresques comme Cyrano de Bergerac, Jean-Paul Rappeneau n’a pas pour autant lésiné sur la mise en scène pour ce parfait petit film français qui filme la vie de tous les jours. Elle est hyperactive, la caméra se promène sans contrainte au milieu de l’action et du dialogue et crée au rythme des répliques et des bruits – qu’affectionne le réalisateur – un ballet parfaitement chorégraphié. Cette maîtrise permet à la fois un réel comique de claquement de portes et une exposition en action des personnages rendus très attachants. Tout ceci trouve d’ailleurs son aboutissement vers la fin du film dans une scène de concert aussi génialement drôle qu’émouvante.

Nous comparions plus haut Belles Familles à la tragédie grecque. De fait, un fatum semble, tout au long du film, mener les personnages à leur perte et à l’explosion de leur vie. La tension du film se fonde, en effet, sur les mensonges passés et les dilemmes présents. Seulement, la résolution ne se fait pas dans la destruction et la mort, mais dans la reconstruction. Au fond Belles Familles est une belle histoire où certes les personnages font assez peu preuve de valeurs morales, mais tendent toujours à se corriger. Les préjugés que les personnages ont les uns sur les autre se dissolvent dans de réelles rencontres – petit tacle, au passage, à l’usage excessif du téléphone portable. Au milieu des mensonges et des manipulations, Jean-Paul Rappeneau nous montre toujours la beauté, comme dans le magnifique titre qu’il choisit pour son film qui contient en lui-même la familles divisée, mais aussi la belle famille.