Beur sur la ville

Film : Beur sur la ville (2011)

Réalisateur : Djamel Bensalah

Acteurs : Booder (Khalid Belkacem), Issa Doumbia (Mamadou Seydou Koulibaly), Steve Tran (Henri Tong), Sandrine Kiberlain (Diane Dardenne)

Durée : 01:39:00


Une comédie black-blanc-beur au scénario assez travaillé pour capter le rire ou l'attention mais qui ne parvient pas à esquiver le cliché.

Djamel Bensalah, réalisateur entre autres, des films Le ciel, les oiseaux et.. ta mère ! en 1999 et Le raid en 2002, signe cette fois une nouvelle et acide comédie sociale après le fameux Neuilly sa mère !, sorti en 2009.

Le principe est simple : faire traquer par une police plus nulle que la plus incompétente police de France un tueur en série que les amateurs de clichés imaginent musulman. Bien entendu ce n'est pas le cas, et c'est bien le gros et gras message très discrètement amené : il faut se méfier des idées reçues !

Le casting est trié sur le volet : Gérard Jugnot en chef de poste consciencieux, Josiane Balasko en SDF raciste plus vraie que nature, Sandrine Kimberlain en policière aguerrie, Roland Giraud en préfet manipulateur, Jean-Claude Van Damme (acteur magnifique comme chacun sait) en officier complètement bargeot et même Yves Régnier en policier des « stups. » Ajoutez à cela de nouveaux comédiens comme Booder, ou François-
Xavier Demaison et vous avez, théoriquement, de quoi faire un film qui tient la route.

Le fait est que le film n'est pas aussi insipide que la presse a bien voulu le dire. Le scénario est bien construit, l'intrigue assez joliment menée, et les acteurs, naturellement, sont efficaces. Même si les soudains moments de lucidité de Booder alias Khalid sont aussi improbables que ridicules (ce personnage est vraiment un nul qui, curieusement, résout promptement l'affaire), le spectateur peut même se laisser aller à quelques moments d'émotion, de crainte ou de rire, ce qui est toujours bon à prendre.

En revanche il est indiscutable que Djamel Bensalah combat le cliché par le cliché. &
laquo; L'enquête policière,
raconte le réalisateur, est un prétexte pour aborder les thèmes de l'égalité des chances et de la discrimination positive. » (in Dossier de presse). Mais l'idée principale qu'il cible est de fait assez simpliste : « en banlieue, le cimetière des individus instruits et « sur-diplômés » ne trouvant que des emplois sous-qualifiés s'étend à perte de vue. »

Oui mon petit Djamel, ça s'appelle le chômage ! Va donc faire un tour du côté des campagnes, dans les quartiers bien français et bien blancs, et regarde un peu leurs problèmes, ça t'ouvrira de nouveaux horizons !

De plus les Français sont si conditionnés par les médias qu'ils n'imaginent pas un seul instant que le coupable ne soit pas musulman. Pensez-vous ! Le meurtre a eu lieu un vendredi, derrière une mosquée, par quelqu'un portant une djellaba. Si vous partez du principe que le meurtrier est musulman, sachez-le : vous être un sale raciste ethnocentrique qui rend malheureux des milliers de personnes parquées dans des cités insalubres !

S'amorce alors un plaidoyer pour les banlieues et le très fameux « mieux vivre ensemble » : « il s'avère que, dans ces quartiers dits populaires ou sensibles, il y a une forte concentration de gens issus de l'immigration. S'ils résident dans ces quartiers c'est parce qu'ils n'ont
pas le choix. Ils sont les premiers à souffrir de cette stigmatisation persistante, de tous ces clichés qui ternissent leur image. »
(Khalid Bensalah)

C'est vrai quoi, à la fin, pourquoi les ouvriers refusent-ils de se faire cramer leur voiture pour aller réparer les ascenseurs qui resteront fonctionnels au moins deux heures ? Pourquoi n'y aurait-il pas des gardiens postés en permanence dans les halls et dont la tâche serait exclusivement de nettoyer les graffitis que des jeunes pourtant très bien éduqués s'amusent à répandre sur les murs ? Il faudrait croire que les cités sont remplies de bon citoyens respectueux de la police (sauf un quartier dans le film, celui des abeilles, qu'on ne voit que pour en rire, afin d'éviter de montrer un visage réaliste de banlieue), pers&
eacute;cutés par un gouvernement raciste (incarné par François-Xavier Demaison) et regardés avec mépris par la famille française type (qui se demande bêtement si les musulmans peuvent manger du sanglier ou des lardons).

Somme toute, le problème des banlieues serait intégralement dû à un état reniant son serment de providence (il est marqué où, ce serment ?). Alors évidemment, quand une gentille femme arabe vient dire : « C'est ça, la France ! Elle donne sa chance à tout le monde ! », l'ironie se fait mordante.

Face à toute cette bêtise, un Khalid évidemment gentil comme tout, patient et doué d'un grand sens de l'humour, histoire d'
accentuer le contraste.

Rassurez-vous, on ne tombe pas aussi bas que du Besson pur jus. Même s'ils travaillent dans des conditions curieuses, les policiers ne sont pas vraiment ridicules, et la banlieue n'est pas montrée non plus sous son jour le plus mensonger. Il y a, c'est certain, un souci de réalisme qu'il faut reconnaître.

Mais une question posée au réalisateur dans le dossier de presse m'a fait hurler de rire : « Dans Beur sur la ville, demande-t-on sans sourire, les flics sont sympathiques, cette perception ne reflète pas vraiment la réalité. Ils sont plutôt mal perçus par les jeunes des banlieues. »

Déjà je croyais na&
iuml;vement que le rôle des policiers n'était pas d'être sympathiques mais de faire respecter l'ordre. Or ils sont souvent sympathiques mais surtout, il est vrai, quand on n'a rien à se reprocher. Peut-être pourrait-on les affubler d'un gros nez rouge ?! Pour donner une contravention ça passerait certainement mieux.

Ensuite le raccourci est grossier. Puisqu'ils ne sont pas sympathiques, ils sont mal perçus, bah vi ! Ils ne sont pas mal perçus parce qu'ils empêchent les trafics en tous genres, viennent chercher les délinquants à sept heures du matin dans les tours, défendent les contrôleurs qui coincent les resquilleurs... Bah non ! C'est parce qu'ils ne sont pas sympathiques...

La réponse de Djamel Bensalah est d'abord rassurante : &
laquo; Encore un cliché entretenu par les médias. »
Ha ? Le bon citoyen que je suis dresse l'oreille : « Tous les jeunes n'ont pas cette haine du flic ! » Ouf ! Tout va bien ! Les flics restent des ordures, mais les jeunes les aiment quand même, les braves petits.

Bref, il ne fait visiblement pas bon vivre en France, surtout quand on est arabo-musulman. Du coup ce n'est pas ce film qui fera aimer la France à ses jeunes, quelle que soit leur origine.

Mais leur dossier de presse est rigolo. C'est toujours ça de gagné !