Big Fish

Film : Big Fish (2003)

Réalisateur : Tim Burton

Acteurs : Ewan McGregor (Edward Bloom jeune), Albert Finney (Edward Bloom), Jessica Lange (Sandra), Alison Lohman (Sandra jeune)

Durée : 02:05:00


Tim Burton, réalisateur incontestablement innovant, fut adulé pour ses chefs-d’œuvre – comme  Edward aux mains d’argent – pourtant  il semble qu’il ait aussi été à la mode de le renier. Depuis le début des années 2000, son travail a profondément changé, et ce virage fut amorcé avec Big Fish.

Big Fish est un film à l’esthétique très colorée et sucrée. L’univers visuel est onirique, et la voix off du personnage principal qui accompagne notre progression au sein du film donne une teinte merveilleuse à l’histoire. Parti pris essentiel puisque le film raconte l’histoire d’un jeune marié qui tente de comprendre pourquoi son père a toujours enjolivé le récit de sa vie. En se rappelant les histoires – toutes plus folles les unes que les autres – que  son père lui a racontées, il tentera de distinguer le vrai du faux pour comprendre qui son père était vraiment.

Le film ne présente pas de défaut majeur. Le jeu d’acteur est suffisant quand il n’est pas excellent – le jeu de Ewan McGregor est extraordinaire. La mise en scène est propre et sans fioriture et la musique, qui n’est pas magnifique, a l’avantage de se faire discrète.

Mais c’est dans ses enjeux que le film trouve ses défauts. Le principe de base est extrêmement cliché. Le jeune adulte rejette son manque de confiance en lui sur la trop faible image de son père, ce que les américains appellent les « daddy issues ». Un père qui a manqué de rigueur, et un fils qui n’aura pas eu l’initiative de s’éduquer lui-même, une fois adulte. Le petit grain dans l’engrenage de cette famille est donc un grand manque de confrontation au réel, de communication sincère et rationnelle. Pourtant la réponse que Burton nous propose est l’onirisme, la fuite, le sentimentalisme, encore et encore. Pour lui, la vérité est trop austère ! trop excluante ! trop mal pensante ?

Ainsi, après avoir rejeté, questionné, ou détruit l’image du père pendant la première moitié de sa carrière, Tim Burton semblait enfin vouloir se réconcilier avec elle. Mais il manque son rendez-vous. La réponse finale qu’il nous propose est l’acceptation de tout. Seule l’intention compte, seule l’image que l’on donne compte, et il est trop destructeur de vouloir sonder la réalité des choses. Le film conclut que la nature profonde du père mythomane n’est pas le personnage que décrivent les histoires mais celui qui raconte les histoires. Nous sommes ce que nous inventons pour nous-mêmes ! Le relativisme s’est métastasé en constructivisme ! Et le fils devra à son tour accepter de participer au grand mensonge de son père pour se réconcilier avec lui. Une réconciliation qui ne se fait ni dans le respect des deux parties, ni dans la découverte conjointe de la vérité, mais dans la soumission à l’émotion, puisqu’elle se produit sur le lit de mort du vieux père. Snif !

Une entourloupe qui voudrait justifier un happy ending dégoulinant de miel et gâche un film jusques là joyeux et pétillant.