Blood Ties

Film : Blood Ties (2013)

Réalisateur : Guillaume Canet

Acteurs : Clive Owen (Chris Pierzynski), Billy Crudup (Frank), Marion Cotillard (Monica), Mila Kunis (Natalie)

Durée : 02:07:00


Guillaume Canet est un véritable artiste, une sorte de James Franco français, qui touche à tout dans le 7e art. Le voici derrière la caméra, avec cet hommage au cinéma de Scorsese ou Coppola façon française. Façon française ? Pas vraiment, en fait. Blood Ties s’avère très américain : le monde tendu de la corruption à la Casino (dont quelques plans presque copiés ici montrent l’admiration assumée pour ces géants du Nouvel Hollywood) se confond à la froideur de films comme La Taupe, ou L’Affaire Farewell, où la volonté de retranscrire l’époque narrée est poussée jusque dans jusque dans la qualité d’image (bien plus de grain que ce qu’on sait faire aujourd’hui, cf Gravity, par exemple).

La retranscription de l’époque est excellente, mais on regrette parfois ce côté morne en pensant au caricatural et survolté bling-bling des maîtres du genre. Cette accusation de la superficialité du business hors-la-loi se traduit donc uniquement à travers le scénario, mais c’est bien là l’essentiel. Le paradis artificiel d’un homme tout juste sorti de prison, Chris, est donc bien peu montré, même si le décalage avec son frère flic, Franck, se fait bien sentir.

Le film traite donc des trajectoires opposées  que sont le choix de la justice, et l’engagement addictif dans la malhonnêteté, empruntés par deux frangins dont les directions plongent leur relation dans un chaos familial. L’amour filial est attaqué frontalement par l’intérêt personnel, et souvent, les deux sont au bord de la rupture. Nous rencontrons une myriade de personnages, tous très fouillés, intéressants, profonds, comme on le voit trop rarement, qui détruisent la notion de manichéisme sans tomber dans le relativisme : que veut dire « être un homme bon », « quelqu’un de bien ? »

Ainsi, difficile de savoir où est la limite. Les apparences nous feraient ranger très vite les uns dans le bien, les autres dans le mal, mais justement, la vie plus intime des personnages nous montre que l’habit ne fait pas le moine, qu’une plaque de flic ne rend pas saint, et qu’un crime ne fait pas d’un homme un monstre. Il ne s’agit guère de mettre sur le même plan le bien et le mal, il s’agit de creuser la psychologie humaine, de l’interroger, pour tenter de trouver le critère ultime de jugement, d’après le film donc, la charité, le fait de se donner aux autres, de se sacrifier.

Souffrant de quelques longueurs, le film manque du dynamisme d’une intrigue générale : la première moitié est décousue, tout se met très lentement en place. Heureusement, la seconde est nettement plus enlevée, grâce à l’emballement de l’histoire. On retiendra trois choses : la bonne prestation du casting, et particulièrement de Clive Owen, qui signe une composition originale et personnelle ; la morale émouvante, conclue dans un très bon final, et enfin la réalisation : musique et décors très réussis, mais caméra trop timide, Guillaume Canet n’a pas signé un chef-d’œuvre, mais a manifestement le talent pour en faire un dans cette veine exigeante du cinéma. Espérons que ce premier essai, réussi mais imparfait, en appelle d’autres.