Brothers

Film : Brothers (2008)

Réalisateur : Jim Sheridan

Acteurs : Tobey Maguire (Sam Cahill), Jake Gyllenhaal (Tommy Cahill), Nathalie Portman (Grace Cahill), Sam Shepard (Hank Cahill)

Durée : 01:45:00


Ce film est un remake américain du film danois homonyme de Suzanne Bier sorti en 2004. Il en reprend sensiblement les grandes lignes, lesquelles évoquent de toute façon des thèmes universels et peuvent donc aisément être transposées dans des contextes différents.

 

La réalisation est due à Jim Sheridan, réalisateur irlandais à qui l’on doit notamment « In the name of the father » et « The boxer » avec Daniel Day Lewis. Devant la caméra, nous avons affaire à un casting jeune qui nous a plutôt habitué à des rôles légers : Tobey Maguire (la trilogie « Spiderman » de Sam Raimi, « Chevauchée avec le diable » de Ang Lee) dans le rôle de Sam Cahill, Natalie Portman (la triologie « Star wars », « V for vendetta », « Closers ») dans celui de sa femme Grace et Jake Gyllenhaal (« Donnie Darko » de Richard Kelly, « The day after tomorrow » de Roland Emmerich, « Zodiac » de David Fincher) dans celui de son frère Tommy. Tous trois sont très bons dans des rôles à contre-emploi et donnent des prestations très sobres et émouvantes. Tel est aussi le cas du vétéran Sam Shepard (« Paris Texas » de Wim Wenders, « Thunderheart » de Michael Apted) qui interprète quant à lui le père de Sam et Tommy.

 

La mise en scène est également de très bonne qualité, sachant se montrer sobre et efficace en restituant l’essentiel, évitant le misérabilisme et les effets faciles. S’il y a quelques longueurs, inhérentes à ce genre de film, on ne s’ennuie à aucun moment, le récit parvenant à nous identifier aisément aux personnages et à nous faire vivre leur évolution de manière très réaliste.

C’est peu dire que l’émotion submerge ce film. Ce qui est surtout intéressant dans le cheminement de l’histoire et des personnages est d’observer la progressive inversion des rôles entre les deux frères. En effet, au départ, Tommy est plutôt mal vu de sa belle-famille, notamment du fait de son passé de criminel et de sa tendance à se mettre dans des situations difficiles qu’il n’assume pas, et semble un étranger. La nouvelle de la mort de son frère Sam semble agir comme un stimulateur sur sa personnalité et va lui donner l’occasion de se rapprocher de sa belle-sœur et de ses nièces, de se responsabiliser et de devenir un membre à part de la famille. A l’inverse, Sam, une fois rentré chez lui, devient un étranger pour les siens, spécialement ses deux filles, du fait de sa froideur et de sa sévérité inédite, conséquence du traumatisme aigu de sa capture en Afghanistan et du fait qu’il ait du tuer son compagnon de captivité pour survivre. Le catalyseur de ce changement profond étant la jalousie que va éprouver Sam vis-à-vis de son frère qu’il soupçonne d’avoir profité de la situation pour avoir des relations intimes avec Grace. Cette jalousie artificielle s’avérant n’être qu’une façon de dévoiler le choc psychologique de son emprisonnement et du meurtre forcé qu’il n’ose dévoiler à ses proches (excepté à la fin du film). La souffrance extrême du personnage semble d’ailleurs résider dans l’ambiguïté de son rapport au meurtre qu’il a du commettre : en avait-il encore réellement conscience ou était-il fou ? N’avait-il vraiment aucun autre choix ou aurait-il pu résister d’avantage ? Une interrogation qui demeurera jusqu’à la fin du film et que le réalisateur laisse intelligemment en suspens. En tous les cas, la culpabilité de Cahill semble bien au cœur de son désarroi comme le montre notamment la scène où il reproche violemment à Grace de l’avoir trompé avec Tommy, comme pour alléger cette culpabilité. L’aveu final qu’il va enfin faire à Grace durant les dernières minutes du film sonne quant à lui comme une sorte de confession, apaisante et gage d’un nouveau départ dans leur vie de couple et de famille.

On peut également y voir une nouvelle illustration de la difficulté de réinsertion des anciens combattants de l’armée et du traumatisme qu’ils ont subi, sujet dé jà mainte fois illustré au cinéma dans des films comme « Voyage au bout de l’enfer », « Né un 4 juillet » ou « Capitaine Conan ». Ici, la difficulté de réinsertion se vérifie à travers la difficulté de réintégrer la cellule familiale suite à un acte qui a modifié irrévocablement la personnalité.

A cet égard signalons la haute tenue morale des personnages, chacun à sa manière faisant preuve d’un sens de la dignité et d’une pudeur qui deviennent rares au cinéma ces derniers temps. Le film semble tout entier imprégné de cette pudeur, ne dévoilant que très peu de nudité et aucune scène de sexe.

Il est vrai que le cadre est entièrement familial et la famille, aussi bien dans le sens social que biologique, est bien le sujet fondamental du film. On en suit l’évolution, tout à fait normale au départ, puis perturbée par un élément grave, l’annonce du décès d’un de ses membres, le père, puis sa tentative de reconstruction autour d’un membre remplaçant et les nouvelles perturbations engendrées par le retour inattendu du père. Le film montre également comment la grande histoire (la guerre d’Afghanistan), néanmoins reléguée au second plan, peut interférer sur la petite (la vie de la famille Cahill) qui est cependant au premier plan dans le récit. La cellule familiale confrontée aux épreuves du monde extérieur ainsi qu’& agrave; ses tourments intérieurs et qui tente de se ressouder. Une belle démonstration, surtout à notre époque qui en a bien besoin.