Calvary

Film : Calvary (2014)

Réalisateur : John Michael McDonagh

Acteurs : Brendan Gleeson (Père James Lavelle), Chris O'Dowd (Jack Brennan), Kelly Reilly (Fiona Lavelle), Aidan Gillen (Dr. Frank Harte)

Durée : 01:45:00


L'Irlande. Plate, froide, magnifique. John Michael McDonagh, originaire de là-bas, l'a bien compris. Ses plans feraient rougir les cartes postales, avec ses chevaux parcourant les plages et ses rochers fendant l'écume.

Et comme souvent, l'enfer au cœur du paradis. Le curé James Lavelle (grandiose Brendan Gleeson) en a conscience. Autour de lui les paroissiens et, plus largement, les villageois ont la mort dans l'âme. Adultères, drogués, alcooliques, dépravés et foncièrement anticléricaux (le thriller aurait d'ailleurs gagné à exciter le mystère autour de l'enquête, ce qu'il rate en s'attachant davantage aux relations entre le prêtre et ses ouailles).

L'Irlande. Sa beauté, ses prêtres pédophiles… Pendant que l'Église se gratte la tête en se demandant comment elle a pu tomber si bas, le réalisateur tire sur l'ambulance.

Car tous les personnages, sans exception, sont d'une dureté sans nom à l'égard de ce pasteur qui fait ce qu'il peut pour dompter son démon intérieur (l'alcool) et apaiser les démons extérieurs.

Les psychologies sont remarquablement bien brossées, rongées par un mal invisible, dont ils cherchent à se venger sur eux-mêmes, sur les autres, sur ce pauvre prêtre.

Le scénario est à charge. Sous couvert de peindre un brave prêtre victime d'une situation dont il n'est pas responsable, on sent une blessure profonde suinter sur la pellicule, une exaspération hurler dans l'oreiller, d'autant que le réalisateur ne connaît manifestement pas grand-chose de Celle qu'il met au banc des accusés : l'Église catholique.

Quelques minutes après le début du film, ça commence très fort. Le vicaire du Père Lavelle trahit le secret de confession sans aucun état d'âme et, surtout, sans aucune réaction de son curé. Mais là où tu pleures vraiment, spectateur, c'est quand l'évêque explique au dit curé qu'il doit porter le sombre dessein de son pénitent à la police, le sceau de la confession étant soi-disant inopérant du fait que l'homme n'avait pas de repentir et que, donc, il n'y a pas de pardon.

Comme, à l'Écran, on se documente avant d'écrire, je suis allé vérifier si l'Église défendait vraiment cette théorie fumeuse auquel cas il m'aurait fallu changer de religion, ce qui ne m'arrangeait pas, ayant d'autres chats à fouetter en ce moment.

Donc rassurez-vous, c'est bien n'importe quoi. En réalité, venir au confessionnal uniquement pour menacer un prêtre de mort (et non pour accuser ses péchés) n'est effectivement pas couvert pas le sceau du secret. En revanche un homme qui confesserait ses péchés et n'aurait aucun repentir serait totalement couvert par le secret, quand bien même le prêtre ne donnerait pas d'absolution (cette information relevant d'ailleurs également du secret).

Ouf !

Sur un autre plan, on peut aussi légitimement se demander si le bon père Lavelle est si bon que cela. Conseiller à un paroissien frustré sexuellement d'aller voir les prostituées témoigne d'une franche originalité dans le métier. On peut comprendre qu'il ait un problème d'alcool, mais là on est dans le domaine du conseil. Sainte Thérèse d'Avila, que j'aime bien parce qu'elle décape méchamment, disait qu'elle préférait un confesseur savant à un saint confesseur (le premier sachant conseiller les autres, ce qui n'est pas nécessairement le cas du second). Ici, il faut croire que ces braves gens n'ont ni l'un ni l'autre.

Nos contemporains, saisis dans le tourbillon moderne de la binarité, pensent souvent qu'il doivent absolument représenter un prêtre en ange ou en démon. Il s'agirait maintenant de comprendre que Dieu étant suffisamment malin pour faire feu de tout bois (c'est d'ailleurs à ça qu'on le reconnaît), Il est capable d'agir malgré et même au travers de l'imperfection, même en Irlande ! Ce sont les athées, qui ont absolument besoin de perfection ici bas !

Toujours est-il que le cinéaste exploite assez brillamment (et explicitement d'après le dossier de presse) les fameuses phases du deuil (rappelons que le père Lavelle est sensé mourir) exposés par la psychiatre Elizabeth Kübler Ross : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l'acceptation.