Cartel

Film : Cartel (2013)

Réalisateur : Ridley Scott

Acteurs : Michael Fassbender (L'avocat), Penélope Cruz (Laura), Cameron Diaz (Malkina), Javier Bardem (Reiner)

Durée : 01:51:00


Un avocat gourmand, autant pour le sexe que pour l'argent, un ami guère moins hédoniste, une jolie fiancée (qui est là pour satisfaire les hormones de Monsieur, c'est quasiment ce qu'il dit) et une blondasse dévergondée et très très coquine (essayer de choquer un curé dans un confessionnal, elle a vraiment du temps à perdre), voici les bons produits d'un monde qui n'est fait que pour jouir sans entrave. Un beau tableau de loques assez inégal : Fassbender, l'avocat, joue décidément sacrément bien, et fait de l'ombre à la belle Pénélope, aussi complexe qu'un mannequin le temps d'un spot publicitaire. Bardem, lui, excelle dans la composition, mais l'histoire rend son personnage presque inutile. Joli gâchis. Sa … blonde disons, interprétée par Cameron Diaz, convainc mais répugne. On se demande comment on peut s'attacher à ce genre d'ordures, même si un rapide coup d’œil peut suffire à quelques-uns. Encore une qui est sûrement aimée pour son côté princesse romantique, délicate et fragile … Ça aurait pu être le cas de la belle Pénélope, mais non, même pas, c'est uniquement pour la « retrouver au lit » que son avocat chéri trempe dans de sulfureuses affaires.

La cupidité le mène à vouloir plus que ce qui lui suffisait à être heureux. Le maudit appât du gain, qui pousse à vouloir toujours trop, toujours plus et sans limite.

« Fuyez l’infini que vous portez en vous ! » leur dirait Baudelaire, mais naturellement, trop habitués à céder à leurs passions, ils n'écoutent que leurs penchants, tout en devant en payer le prix. Le film s'évertue donc à expliquer qu'il faut être responsable de ses actes, des risques que l'on prend, et du vide total et irrattrapable provoqué par l'excès. En jouant par le passé le Voltaire écrasant l'infâme, dans des scènes aussi hors-sujet que criantes d'ignorance (1492, Robin des Bois …), Ridley Scott n'y parvient pas ici, malgré quelques répliques aussi cinglantes que lors d'un débat sur des forums de la Toile, sorties de la bouche du personnage le plus perturbé (et donc discrédité) de l'histoire. Et avec ça, il suit même, involontairement sans doute, une parole de l’Évangile de St Luc : « à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il croit avoir. »

Voilà ce qui arrive à ceux qui sèment le vent, finalement ; pourquoi pas ? Pour l'expliquer, il faut une succession de dialogues aussi bien écrits que décoratifs. Le rythme s'en retrouve cassé. Il faut attendre la moitié de Cartel pour enfin voir quelque chose se passer. L'excellente photographie, accompagnée d'une bande-son inspirée, permet de tenir jusque-là. Tenir oui, car avant cela, on voit plus de fesses que de flingues, on croyait à un thriller, et on a les derniers fantasmes du vieux Ridley Scott. Il a peut-être été encouragé par l'initiative d'Oliver Stone, qui sortait il y a peu son brutal Savages ; mais il faut en retrancher le suspense, l'intensité, et même la tension pour donner Cartel. Les personnages étant antipathiques, comme celui de Cameron Diaz ou de Brad Pitt (qui ferait mieux de retrouver Malick au lieu de perdre ici son temps), on se fiche pas mal, au bout d'un moment, de ce à quoi ils s'accrochent. La prestation réussie de Michael Fassbender, et deux-trois bonnes idées de mise en scène, soutenues par l'expérience du réalisateur, ne suffisent pas à rattraper un film taché par un récit parfois répugnant, souffrant d'interminables dialogues dont la longueur trahit le caractère écrit, et donc non-oral (tout le contraire de l'authenticité réclamée par le cinéma en général, surtout pour une histoire de mafieux où l'on ne passe pas son temps à philosopher). Alors que vous sentiez enfin un vrai nœud se faire, tout s'arrête, dans un final qui reflète le reste : plat et suffisant.