Churchill

Film : Churchill (2017)

Réalisateur : Jonathan Teplitzky

Acteurs : Brian Cox (Winston Churchill), Miranda Richardson (Clemmie Churchill), John Slattery (Dwight Eisenhower), Ella Purnell (Helen Garrett)

Durée : 01:47:00


Décevant à cause de ses longueurs et de sa profondeur historique toute relative, Churchill demeure à l’état de film purement photographique. Le plus célèbre chancelier de l’Echiquier au barreau de chaise entre les dents est montré sous toutes les coutures et en toutes circonstances avec des bouffées de fumées sortant de ses naseaux. Le jour, la nuit, pendant les réunions décidant du sort de la guerre mondiale avec Hitler, le bon vieux Churchill a toujours son cigare au bec accompagné d’une coupe de whisky. A côté de la caricature sur pattes, le scénario se focalise presque intégralement sur une anecdote très peu représentative de la vie du célèbre Premier ministre : l’opération Overlord, durant la bataille de Normandie (débarquement de juin 1944), au cours de laquelle l’option de Churchill de faire diversion par des attaques simultanées en Italie et en Grèce, ne fut pas retenue par Eisenhower, côté américain. Churchill craignait la résistance allemande et redoutait la création de poches de résistance ennemie, se souvenant qu’elles avaient été particulièrement meurtrières durant le premier conflit mondial, notamment durant la Bataille des Dardanelles.

L’enjeu du film n’est donc pas très relevé : Churchill pourra-t-il monter à bord du HMS Belfast pour assister au bombardement naval des batteries allemandes de la côte française, le 6 juin 1944, malgré l’avis défavorable d’Eisenhower et du roi George VI ? Le film de Jonathan Teplitzky rappelle bien sûr Le Discours d’un Roi (Tom Hooper, 2011) puisqu’il se déroule à la même époque. Mais on se demande réellement pourquoi la seule image que Teplitzky retient de la vie de Churchill est celle d’un homme dépassé par les événements, pas du tout en phase avec les nouveaux enjeux de la nouvelle guerre, et débordé d’irrespect par à peu près tous les officiers qui l’entourent.

Six petits jours pour douter d’une carrière de gloire 

Curieusement, Teplitzky passe la moitié du temps à étudier la distance progressive que Churchill connaît avec sa femme. L’originalité ne crève pas l’écran : cela semble tellement évident étant donné le poids des responsabilités de celui-ci au moment d’entrer en guerre ! Mais Teplitzky ne fait pas mystère de sa propre prise de distance avec les facettes plus historiques (et plus intéressantes) du personnage. Son objectif ? « Révéler le prix affectif qu'a dû payer Churchill pour la charge qu'il assumait et le pouvoir qu'il exerçait. » Sauf qu’on se moque éperdument de savoir si Churchill culpabilisait ou pas face à un projet de débarquement qui, de surcroît, n’était pas le sien ! 

Au final, Teplitzky a cédé aux sirènes de son époque. Il relit le passé en psychanalysant l’histoire. Il se focalise sur les traits ennuyeux et totalement épars d’un monument du XXe siècle… dont on ne sait à peu près rien des heures de gloire à la fin du générique. Biographie de six jours, Churchill est à l’image de la perplexité des élites à croire en la compétence d’un chef pour diriger une nation : pour réussir, il faut forcément décider à l’échelle mondiale, il faut forcément en référer à la culture de la gagne américaine, même si elle est meurtrière au passage. Fort de sa foi dans le consensus mou, Teplitzky enterre Churchill, tout simplement parce que son héroïsme et la fermeté de ses décisions ne l’intéressent pas.