Clean

Film : Clean (2003)

Réalisateur : Olivier Assayas

Acteurs : Maggie Cheung (Emily), Nick Nolte (Albrecht), Béatrice Dalle (Elena), Jeanne Balibar (Irène), Don Mc Kellar (Vernon), Laetitia Spigarelli (Sandrine), Martha Henry (Rosemary), Remy Martin( Jean-Pierre...

Durée : 01:50:00


Chez Olivier Assayas, enfant du rock et grand amateur du cinéma asiatique, se croise une foule d’influences qui, mal intégrées, peuvent rendre un film bancal. On pourra reprocher à sa dernière œuvre ses clins d’œil à la branchitude, avec les apparitions de stars du rock des années 80, ou de rechercher une modernité à tout prix, pour faire plaisir aux lecteurs des Inrockuptibles. On reste en
effet parfois surpris devant une débauche d’effets visuels (mouvements de caméra intempestifs, changement de focale) guère convaincants. Le parti pris de la réalisation est cependant intéressant. L’image s’agite et devient trouble suivant les émotions et la situation plus ou moins périlleuse d’Emilly. C’est ainsi que les fondus enchaînés, figure du calme et de la réflexion n’apparaissent que vers le milieu du film, lorsque la vie d’Emilly est devenue un peu plus stable. De plus, le travail du chef opérateur, Eric Gautier (il faut retenir ce nom) est admirable, et certaines scènes, comme le concert de Metrics au début du film où Assayas rend parfaitement la frénésie et l’excitation, sont de vraies réussites.

En fait, si la richesse de la réalisation est déroutante, c’est que, à l’opposé, l’histoire narrée est d’une totale simplicité. En soi, il nous semble l’avoir déjà vue dans un bon nombre de films aux rabais ou de téléfilms. Mais Assayas n’utilise aucune des ficelles du
mélodrame. Aucun personnage n’est cousu de fil blanc, rien n’est évident. Contrairement à l’oeuvre larmoyante, dont c’est le péché originel, la compassion de l’auteur pour son héroïne n’est pas l’axiome sur lequel le film se construit. De même, l’amour d’Emilly pour son fils n’est pas un fait acquis, il se construira et se révélera au cours du film.

Du coup, le film prend le risque d’une certaine froideur. Toute la charge émotionnelle semble être portée par l’extraordinaire Maggie Cheung. C’est qu’en fait Assayas ne se contente pas de donner au spectateur de l’émotion pré-mâchée, en lui indiquant clairement quand il faut pleurer, et pourquoi. C’est un film qui demande au spectateur une certaine participation, qui exige de lui un effort pour récolter les fruits qu’il peut offrir. C’est un film quoi.

La principale réserve concernant ce film est le milieu qu’il décrit et dans lequel évolue Emily. Des boites de nuits américaines aux maisons parisiennes
de productions de télé, il règne la même fausseté et le même manque de compassion pour ceux qui ne brillent pas. La partie parisienne se construit autour de l’opposition entre deux anciennes amies d’Emily : Irène et Elena. Pour Olivier Assayas, Elena «est restée fidèle à ce qu’elle était» (in dossier de presse), c’est à dire qu’elle évolue à l’intérieur d’un milieu pourri en gardant les valeurs auxquelles elle croyait. C’est elle qui accueille Emily et qui est son meilleur soutien. A l’opposé, Irène transpire le snobisme et la mauvaise foi. Orgueilleuse et arriviste, elle ne cherche pas vraiment à aider Emily.

L’homosexualité féminine de plusieurs personages pose problème, notamment pour les plus jeunes, même si le thème est traité sans cette ambiance satinée de porno soft que l’on voit dans la plupart des films. Mais surtout, Emily refuse de retomber dans ses anciennes erreurs, et fait ainsi un pas de plus vers son salut. Assayas s’explique: «Le sujet du film, c'est comment
quitter cet univers mythifié, ce fantasme du mythe, pour revenir dans un monde aux émotions plus tangibles, plus universelles... C'est cela, la vraie drogue dont [Emily] doit devenir clean. »

Toujours avec la même volonté d’éviter le mélodrame, la drogue est montrée sans image trop violente. On notera aussi le même souci de finesse psychologique, bien loin des documentaires de prévention pour les lycéens. C’est ainsi qu’Emily raconte le plaisir qu’elle prenait à se droguer et que ce n’est pas par faiblesse qu’elle avait commencé, dans une scène mémorable, qui marque le vrai tournant de sa remonté.
Assayas a voulu faire un film de rédemption. Plusieurs vertu sont à l’honneur, comme le pardon, avec le très beau personnage du beau-père d’Emily, la générosité et la charité, mais surtout la force. Cette vertu si importante pour notre époque de subversion, Emily apprendra qu’elle ne consiste pas à écraser les autres de sa réussite en jetant de la poudre aux
yeux, mais à pouvoir changer, à progresser vers le bien en s’affranchissant des influences extérieures. La force d’Emily lui confère sa liberté.

Louis-Marie CARLHIAN