Colombiana ressemble à ces nombreux films d'action mettant en scène un héros ou une héroïne surentraîné qui exécute des contrats ou assouvit sa
vengeance. Lorsque l'on voit que Luc Besson est non seulement le producteur mais aussi le scénariste, on sait généralement à quoi s'en tenir. Mais n'allons pas trop vite en besogne et ne condamnons pas par principe ce que le réalisateur de Léon (1994) sait faire de mieux, du pur divertissement (ce qui est, les lecteurs de L'écran le savent bien, impossible en fait).
La recette est claire. Le réalisateur Olivier Megaton (La Sirène Rouge en 2002, Hitman en 2007, et Le transporteur III en 2008) y voit un hommage à Nikita et
span>Léon (in Dossier de presse). Par rapport à Léon justement, c'est essentiellement le point de vue qui change. Dans Colombinia, l'héroïne est celle qui a perdu sa famille et qui se fait former aux techniques d'assassinat, tandis que dans Léon, c'est celui qui forme la petite fille qui est la vedette (Jean Reno). Plus qu'un hommage, on pourrait parler d'une judicieuse récupération d'ingrédients scénaristiques déjà éprouvés. Luc Besson est un producteur avisé !
Mais la trame ne fait pas le scénario. Encore faut-il voir comment s'
organise l'histoire. Malheureusement, ici encore le film n'est pas placé sous le signe de l'originalité : Une basique histoire de vengeance ponctuée par des scènes sentimentales pathétiques ou sensuelles. Le récit reste continuellement en superficie. Par exemple, les rapports entre le FBI et la CIA qui sont sensés donner de l'importance aux événements sont clownesques et relèvent davantage du phantasme populaire que de la réalité. L'irréalisme ou l'invraisemblance sont d'ailleurs les principaux défauts du film, et ce à tous les niveaux. Si un cinéaste est en principe libre dans la création de son histoire aussi incroyable soit elle, il doit cependant faire en sorte de la rendre crédible, sans quoi le spectateur décroche et survole le film au lieu de s'y poser. La scène de la prison où elle parvient à tuer un prisonnier et à s'échapper est assez symptomatique. Elle a pourtant demandé un travail titanesque en terme de logistique et de montage puisqu'elle a été tournée dans plusieurs endroits
différents (Paris, Nouvelle Orléans, Mexico). La scripte (Claire Dumaze) et la monteuse (Camille Delamarre) ont du mérite. Pourtant la scène ne convainc pas. Cataleya se mobilise dans le commissariat, soudain à moitié vide, avec une particulière facilité grâce au coup classique de l'opérateur qui lit son journal au lieu de regarder les caméras de surveillance (on a également droit au coup du conduit d'aération... une vraie passoire cette prison). A titre de comparaison, Le flingueur (Simon West, 2011) est beaucoup plus vraisemblable dans l'exécution des assassinats. Ici, tout est simplifié et grossier. Un effort minimal a manifestement été fourni pour la mise en scène de ces passages, pourtant censés faire tout l'intérêt du film.
Par ailleurs, quoiqu'en dise,
Olivier Megaton qui prétend avoir voulu « explorer et pousser à l'extrême la psychologie du personnage principal », on est loin de crever le plafond métaphysique. En réalité, pour affiner le caractère de leur personnage les cinéastes se sont contentés de créer un contraste entre sa volonté de tuer et l'amour qu'elle voue à un bel artiste peintre. Après avoir fait abstraction du fait que cela relève une nouvelle fois davantage du phantasme que de la réalité (la tueuse impitoyable mais glamour... entre Catwoman et Rambo !), on admettra malgré tout qu'au moins une scène sorte du lot (La dispute avec Emilio dans la bibliothèque). La faute ne revient pas aux acteurs. Zoe Saldana (Avatar de James Cameron, 2009) livre honorablement la prestation qu'on attend d'elle. Quant à l'expérimenté Cliff Curtis, c'
est sans doute celui qui véhicule le plus d'émotions...
Force est de reconnaître néanmoins que, comparé aux autres films du genre produits par Europacorp, l'écriture des personnages, quoique schématique, est acceptable.
Ainsi donc, ne nous méprenons pas. Colombiana est avant tout un film d'action qui remplit assez bien l'objectif principal du genre : impressionner. Si de nombreuses séquences s'avèrent elliptiques sur la manière dont procède Cataleya, certains combats (notamment celui contre Marco) sont bien faits. « Je voulais qu’Alain invente quelque chose avec les accessoires présents dans le décor... Je voulais aussi un combat
brutal, organique et non pas un combat super chorégraphié qui ne serait pas réaliste ni pour les personnages ni pour notre monde actuel. » (Olivier Megaton). Il s'agit d'Alain Figlarz, connu notamment pour la coordination des cascades de La Mémoire dans la peau (Doug Liman, 2001). Et effectivement les scènes sont violentes et réalistes avec un montage rapide comme c'est la mode depuis les Jason Bourne.
En définitive on pourra retenir du point de vue artistique de la réalisation un minimum syndical efficace qui contentera les amateurs du genre.
L'un des signes principaux de faiblesse d'un scénario est la pauvreté
du fond. On objectera par habitude qu'il s'agit d'un film d'action et non pas d'un drame social mais il ne s'agit là que d'une circonstance atténuante et non d'une justification. Surtout, le thème principal qui concerne la vengeance ne devrait pas être traité avec légèreté. Ce n'est pourtant que ce que les cinéastes proposent en jouant avec les frontières du bien et du mal, ce qui n'est certes pas une première (à rapprocher de l'analyse sur Le Flingueur déjà mentionné).
De fait, notre héroïne sexy a décidé de se venger de l'assassinat brutal de ses parents commandité par un parrain de Colombie. Pour cela elle se fait la main sur un peu moins de trente victimes qu'elle
exécute sans autre forme de procès. Bien évidemment, il s'agit de bien vilaines personnes qui ne peuvent que soulager la terre par leur absence. Il n'en demeure pas moins que ce sont des meurtres. Heureusement, un intègre agent du FBI mène son enquête ce qui tend à montrer que ce qu'accomplit Cataleya est répréhensible. D'ailleurs elle menace sa famille pour pouvoir obtenir des informations sur son ennemi. Et pourtant, elle est tellement sympathique cette petite fleur (Cataleya est le nom d'une orchidée), et le spectateur a tellement envie qu'elle réussisse ! C'est là que le bât blesse. Des cinéastes conscients de l'anormalité (pour ne pas dire immoralité) des actes du héros devraient logiquement le faire sentir dans la réalisation. Soit dit en passant, cela ferait sans conteste un bien meilleur film dans lequel la psychologie du personnage serait mieux creusée. Ce fut d'ailleurs l'objet de nombreux films noirs des années 50 qui filmaient du point de vue du criminel mais pour en montrer la
décadence (à titre d'exemples, Menaces dans la nuit de John Berry, 1951 ou La nuit du chasseur de Charles Laughton, 1955).
Ici, Cataleya a incontestablement choisi la voie obscure de la vengeance avec comme conséquence finale d'être en cavale et séparée de celui qu'elle aime. C'est la fin idéale lorsque l'on ne veut pas décevoir le spectateur entretenu depuis le début dans une sorte de phantasme. Il est difficile dans un simple film d'action (Léon sur ce point était plus logique) de tuer son héros surtout quand on le présente comme un « gentil ». Les œuvres plus sophistiquées comme Scarface (Brian de Palma,
1983) peuvent se le permettre car elles ont construit un personnage psychologiquement complexe dont la mort apparaît comme l'aboutissement, si ce n'est le remède au mal. Or si Olivier Megaton avait poussé « à l'extrême », comme il le souhaitait, la psychologie de son personnage, il aurait été obligé d'en montrer davantage les travers. Au lieu de quoi on s'en tire avec une fin qui non seulement est d'une affligeante facilité mais ne permet pas de tirer une conclusion éthique sur les exactions de la séduisante tueuse.
Une autre ambiguïté résulte de l'oncle de Cataleya, Emilio. Lorsqu'on le voit pour la première fois, il est en train de tabasser violemment un type ligoté sur une chaise, encouragé par les rires abrutis de ses hommes. On ne comprend d'ailleurs pas vraiment l'objet de son travail,
même si l'on se doute qu'il ne travaille pas pour la police. Quoiqu'il en soit, il prend en charge la petite Cataleya qui a réussi à le retrouver. Il en a donc la responsabilité et il va lui apprendre à tuer. Mais lorsque sa vie et celle de sa famille est mise en danger à cause de ses projets de vengeance, il la sermonne... Comment ne pas être frappé de scepticisme devant l'agitation soudaine de ce magna de la criminalité ? Mais par un tour de passe-passe scénaristique il fallait en faire quelqu'un de sympathique pour provoquer plus tard une émotion lors de sa mort.
Il est donc manifeste que les cinéastes ont brouillé les pistes de la morale, pas nécessairement par machiavélisme (pas de procès d'intention !), mais au moins pour servir les intérêts du scénario, ce qui est tout de même peu louable.
Colombiana ressemble à ces nombreux films d'action mettant en scène un héros ou une héroïne surentraîné qui exécute des contrats ou assouvit sa
vengeance. Lorsque l'on voit que Luc Besson est non seulement le producteur mais aussi le scénariste, on sait généralement à quoi s'en tenir. Mais n'allons pas trop vite en besogne et ne condamnons pas par principe ce que le réalisateur de Léon (1994) sait faire de mieux, du pur divertissement (ce qui est, les lecteurs de L'écran le savent bien, impossible en fait).
La recette est claire. Le réalisateur Olivier Megaton (La Sirène Rouge en 2002, Hitman en 2007, et Le transporteur III en 2008) y voit un hommage à Nikita et
span>Léon (in Dossier de presse). Par rapport à Léon justement, c'est essentiellement le point de vue qui change. Dans Colombinia, l'héroïne est celle qui a perdu sa famille et qui se fait former aux techniques d'assassinat, tandis que dans Léon, c'est celui qui forme la petite fille qui est la vedette (Jean Reno). Plus qu'un hommage, on pourrait parler d'une judicieuse récupération d'ingrédients scénaristiques déjà éprouvés. Luc Besson est un producteur avisé !
Mais la trame ne fait pas le scénario. Encore faut-il voir comment s'
organise l'histoire. Malheureusement, ici encore le film n'est pas placé sous le signe de l'originalité : Une basique histoire de vengeance ponctuée par des scènes sentimentales pathétiques ou sensuelles. Le récit reste continuellement en superficie. Par exemple, les rapports entre le FBI et la CIA qui sont sensés donner de l'importance aux événements sont clownesques et relèvent davantage du phantasme populaire que de la réalité. L'irréalisme ou l'invraisemblance sont d'ailleurs les principaux défauts du film, et ce à tous les niveaux. Si un cinéaste est en principe libre dans la création de son histoire aussi incroyable soit elle, il doit cependant faire en sorte de la rendre crédible, sans quoi le spectateur décroche et survole le film au lieu de s'y poser. La scène de la prison où elle parvient à tuer un prisonnier et à s'échapper est assez symptomatique. Elle a pourtant demandé un travail titanesque en terme de logistique et de montage puisqu'elle a été tournée dans plusieurs endroits
différents (Paris, Nouvelle Orléans, Mexico). La scripte (Claire Dumaze) et la monteuse (Camille Delamarre) ont du mérite. Pourtant la scène ne convainc pas. Cataleya se mobilise dans le commissariat, soudain à moitié vide, avec une particulière facilité grâce au coup classique de l'opérateur qui lit son journal au lieu de regarder les caméras de surveillance (on a également droit au coup du conduit d'aération... une vraie passoire cette prison). A titre de comparaison, Le flingueur (Simon West, 2011) est beaucoup plus vraisemblable dans l'exécution des assassinats. Ici, tout est simplifié et grossier. Un effort minimal a manifestement été fourni pour la mise en scène de ces passages, pourtant censés faire tout l'intérêt du film.
Par ailleurs, quoiqu'en dise,
Olivier Megaton qui prétend avoir voulu « explorer et pousser à l'extrême la psychologie du personnage principal », on est loin de crever le plafond métaphysique. En réalité, pour affiner le caractère de leur personnage les cinéastes se sont contentés de créer un contraste entre sa volonté de tuer et l'amour qu'elle voue à un bel artiste peintre. Après avoir fait abstraction du fait que cela relève une nouvelle fois davantage du phantasme que de la réalité (la tueuse impitoyable mais glamour... entre Catwoman et Rambo !), on admettra malgré tout qu'au moins une scène sorte du lot (La dispute avec Emilio dans la bibliothèque). La faute ne revient pas aux acteurs. Zoe Saldana (Avatar de James Cameron, 2009) livre honorablement la prestation qu'on attend d'elle. Quant à l'expérimenté Cliff Curtis, c'
est sans doute celui qui véhicule le plus d'émotions...
Force est de reconnaître néanmoins que, comparé aux autres films du genre produits par Europacorp, l'écriture des personnages, quoique schématique, est acceptable.
Ainsi donc, ne nous méprenons pas. Colombiana est avant tout un film d'action qui remplit assez bien l'objectif principal du genre : impressionner. Si de nombreuses séquences s'avèrent elliptiques sur la manière dont procède Cataleya, certains combats (notamment celui contre Marco) sont bien faits. « Je voulais qu’Alain invente quelque chose avec les accessoires présents dans le décor... Je voulais aussi un combat
brutal, organique et non pas un combat super chorégraphié qui ne serait pas réaliste ni pour les personnages ni pour notre monde actuel. » (Olivier Megaton). Il s'agit d'Alain Figlarz, connu notamment pour la coordination des cascades de La Mémoire dans la peau (Doug Liman, 2001). Et effectivement les scènes sont violentes et réalistes avec un montage rapide comme c'est la mode depuis les Jason Bourne.
En définitive on pourra retenir du point de vue artistique de la réalisation un minimum syndical efficace qui contentera les amateurs du genre.
L'un des signes principaux de faiblesse d'un scénario est la pauvreté
du fond. On objectera par habitude qu'il s'agit d'un film d'action et non pas d'un drame social mais il ne s'agit là que d'une circonstance atténuante et non d'une justification. Surtout, le thème principal qui concerne la vengeance ne devrait pas être traité avec légèreté. Ce n'est pourtant que ce que les cinéastes proposent en jouant avec les frontières du bien et du mal, ce qui n'est certes pas une première (à rapprocher de l'analyse sur Le Flingueur déjà mentionné).
De fait, notre héroïne sexy a décidé de se venger de l'assassinat brutal de ses parents commandité par un parrain de Colombie. Pour cela elle se fait la main sur un peu moins de trente victimes qu'elle
exécute sans autre forme de procès. Bien évidemment, il s'agit de bien vilaines personnes qui ne peuvent que soulager la terre par leur absence. Il n'en demeure pas moins que ce sont des meurtres. Heureusement, un intègre agent du FBI mène son enquête ce qui tend à montrer que ce qu'accomplit Cataleya est répréhensible. D'ailleurs elle menace sa famille pour pouvoir obtenir des informations sur son ennemi. Et pourtant, elle est tellement sympathique cette petite fleur (Cataleya est le nom d'une orchidée), et le spectateur a tellement envie qu'elle réussisse ! C'est là que le bât blesse. Des cinéastes conscients de l'anormalité (pour ne pas dire immoralité) des actes du héros devraient logiquement le faire sentir dans la réalisation. Soit dit en passant, cela ferait sans conteste un bien meilleur film dans lequel la psychologie du personnage serait mieux creusée. Ce fut d'ailleurs l'objet de nombreux films noirs des années 50 qui filmaient du point de vue du criminel mais pour en montrer la
décadence (à titre d'exemples, Menaces dans la nuit de John Berry, 1951 ou La nuit du chasseur de Charles Laughton, 1955).
Ici, Cataleya a incontestablement choisi la voie obscure de la vengeance avec comme conséquence finale d'être en cavale et séparée de celui qu'elle aime. C'est la fin idéale lorsque l'on ne veut pas décevoir le spectateur entretenu depuis le début dans une sorte de phantasme. Il est difficile dans un simple film d'action (Léon sur ce point était plus logique) de tuer son héros surtout quand on le présente comme un « gentil ». Les œuvres plus sophistiquées comme Scarface (Brian de Palma,
1983) peuvent se le permettre car elles ont construit un personnage psychologiquement complexe dont la mort apparaît comme l'aboutissement, si ce n'est le remède au mal. Or si Olivier Megaton avait poussé « à l'extrême », comme il le souhaitait, la psychologie de son personnage, il aurait été obligé d'en montrer davantage les travers. Au lieu de quoi on s'en tire avec une fin qui non seulement est d'une affligeante facilité mais ne permet pas de tirer une conclusion éthique sur les exactions de la séduisante tueuse.
Une autre ambiguïté résulte de l'oncle de Cataleya, Emilio. Lorsqu'on le voit pour la première fois, il est en train de tabasser violemment un type ligoté sur une chaise, encouragé par les rires abrutis de ses hommes. On ne comprend d'ailleurs pas vraiment l'objet de son travail,
même si l'on se doute qu'il ne travaille pas pour la police. Quoiqu'il en soit, il prend en charge la petite Cataleya qui a réussi à le retrouver. Il en a donc la responsabilité et il va lui apprendre à tuer. Mais lorsque sa vie et celle de sa famille est mise en danger à cause de ses projets de vengeance, il la sermonne... Comment ne pas être frappé de scepticisme devant l'agitation soudaine de ce magna de la criminalité ? Mais par un tour de passe-passe scénaristique il fallait en faire quelqu'un de sympathique pour provoquer plus tard une émotion lors de sa mort.
Il est donc manifeste que les cinéastes ont brouillé les pistes de la morale, pas nécessairement par machiavélisme (pas de procès d'intention !), mais au moins pour servir les intérêts du scénario, ce qui est tout de même peu louable.