La crise économique a logiquement été l'occasion d'une série de films plus ou moins réussis. Ici le scénariste et réalisateur, John Wells, a ressorti un vieux scénario qu'il n'avait jamais pu mettre en scène il y a un peu moins de vingt ans, sauf qu'à l'époque, au début des années quatre-vingt dix, il s'agissait d'une autre crise. Peu importe, le sujet de Wells est davantage le choc psychologique et social de certains hommes d'affaires qui se sont vus en quelques mois chuter de classe sociale. « THE COMPANY MEN n’est donc pas « un film sur la récession », mais plutôt un film qui retrace le parcours d’hommes qui retrouvent le chemin de leur foyer, reviennent vers la famille et l’amour. » (dossier de presse).
Il s'agit ni plus ni moins d'un film à message mais qui a tout de même bénéficié d'une photographie de qualité grâce à
la présence du respecté directeur de la photographie, Roger Deakins (Rango, True Grit, A single Man, The reader, No Country for old men... pour les plus récents). De fait les images sont léchées et soulignent bien le contraste entre la vie des affaires, froide, et la vie familiale, plus chaude. L'autre point positif de l’œuvre est son casting de choix. Toutes les générations sont bien représentées. Tommy Lee Jones interprète avec conviction son personnage, Gene McClary, numéro 2 d'une grosse multinationale qui a su garder un peu d'humanité et qui s'oppose aux vagues de licenciement qui touchent le groupe. Mais le rôle principal revient à Ben Affleck qui entre assez bien dans le costume de Walker, homme sûr de lui, de son MBA et de son expérience. Le troisième personnage important du scénario, Phil Woodward (Chris Cooper) représente l'Américain qui est parti du bas de l'échelle et qui s'est hissé à la force de ses poignets au sommet mais qui ne peut supporter de retomber. Wells met donc l'accent sur
trois personnages qui auront chacun à leur manière l'expérience de du rejet, de l'humiliation. La mise en scène plutôt sobre et lente favorise l'attachement aux personnages qui pourtant pourraient paraître très éloignés de la réalité de beaucoup de monde.
Il s'agit là d'une particularité intéressante. La plupart des films traite de l'impact de la crise sur les pauvres ou sur les classes moyennes. Ici, on est en présence d'hommes qui touchent entre 100.000 et plusieurs millions de dollars. Comment pourrait-on se sentir touché par le sort de ces gens qui roulent en Porsche et vivent dans des maisons immenses ? On peut y voir là l'un des principaux messages. Wells a cherché à démontrer « la nécessité de renouer avec ce qui fait la vraie valeur de nos vies » (dossier de presse), incarné par le rôle de Kevin Kostner, petit entrepreneur dans le bâtiment.
Malgré la justesse des relations entre les personnages, on est tenté de réduire le film à l'expression simpliste « l'argent ne fait pas le bonheur », ce qui n'est pas un gage d'originalité... Le message général sur l'économie est en effet assez banal mais a le mérite d'être vrai. « Quand j’étais plus jeune, j’ai pas mal travaillé comme charpentier. Sur le chemin qui conduisait à l’entrepôt où on allait chercher les matériaux de construction, les employés plus âgés avec qui je bossais me montraient toutes les maisons qu’ils avaient construites. Ils avaient une preuve matérielle de ce qu’ils avaient accompli, et ils en étaient très fiers. C’est une chose dont nous nous sommes éloignés dans cette nouvelle économie et dans notre vie quotidienne » (Wells, dossier de presse). L'économie s'est détachée de la réalité et c'est pourquoi elle est devenue un danger au lieu d'être un simple outil de partage.
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En fait, l’œuvre de Wells est plus intéressante dans certains détails que dans sa globalité. Par exemple, le cinéaste a très bien retranscrit les notions de fierté, d'humiliation, de mondanité. Walker, que l'on voit sourire devant le miroir au début du film et se vanter de son score au golf, se retrouve du jour au lendemain déclassé. Il va alors mentir pendant plusieurs jours à son propre père, à son beau-frère et à ses amis parce qu'il ressent une profonde honte. On touche ici une réalité du monde moderne. L'apparence est plus que l'essence. Il est évident que Walker n'a commis aucune faute et que son licenciement n'est dû qu'à une circonstance économique, mais il va tout de même se sentir coupable aux yeux des autres et notamment aux yeux de sa femme (très bien interprétée par Rosemarie Dewitt). Si l'on est parce qu'on réussit, on n'est plus rien lorsque la chance ne nous sourit plus. C'est entre autre ce qui va conduire Woodmard à sombrer
dans l'alcool, mentir à tout son voisinage, à refuser l'aide financière d'un ami, et à se suicider. La vraie valeur de la vie proposée par Wells réside essentiellement dans la famille très présente tout au long du métrage. Abattu en plein vol, Walker va redécouvrir l'importance de la vie familiale. McClary, de manière plus ambiguë, va se détourner de sa relation adultère qui lui faisait fuir l'ennui de son foyer.
Le film manque cependant de clarté sur le problème du licenciement. On comprend que ces licenciements étaient inéluctables mais d'un autre côté on est censé applaudir McClary qui se bat pour les éviter. Il eut été préférable peut-être d'aborder la question de manière plus neutre ce qui aurait permis de se concentrer davantage sur l'évolution psychologique des protagonistes. Cette naïveté dans le traitement du sujet n'apporte en définitive aucune réponse
convaincante et contribue à maintenir dans l'esprit de beaucoup de gens l'idée que le grand méchant c'est le chef d'entreprise.
Jean Losfeld
La crise économique a logiquement été l'occasion d'une série de films plus ou moins réussis. Ici le scénariste et réalisateur, John Wells, a ressorti un vieux scénario qu'il n'avait jamais pu mettre en scène il y a un peu moins de vingt ans, sauf qu'à l'époque, au début des années quatre-vingt dix, il s'agissait d'une autre crise. Peu importe, le sujet de Wells est davantage le choc psychologique et social de certains hommes d'affaires qui se sont vus en quelques mois chuter de classe sociale. « THE COMPANY MEN n’est donc pas « un film sur la récession », mais plutôt un film qui retrace le parcours d’hommes qui retrouvent le chemin de leur foyer, reviennent vers la famille et l’amour. » (dossier de presse).
Il s'agit ni plus ni moins d'un film à message mais qui a tout de même bénéficié d'une photographie de qualité grâce à
la présence du respecté directeur de la photographie, Roger Deakins (Rango, True Grit, A single Man, The reader, No Country for old men... pour les plus récents). De fait les images sont léchées et soulignent bien le contraste entre la vie des affaires, froide, et la vie familiale, plus chaude. L'autre point positif de l’œuvre est son casting de choix. Toutes les générations sont bien représentées. Tommy Lee Jones interprète avec conviction son personnage, Gene McClary, numéro 2 d'une grosse multinationale qui a su garder un peu d'humanité et qui s'oppose aux vagues de licenciement qui touchent le groupe. Mais le rôle principal revient à Ben Affleck qui entre assez bien dans le costume de Walker, homme sûr de lui, de son MBA et de son expérience. Le troisième personnage important du scénario, Phil Woodward (Chris Cooper) représente l'Américain qui est parti du bas de l'échelle et qui s'est hissé à la force de ses poignets au sommet mais qui ne peut supporter de retomber. Wells met donc l'accent sur
trois personnages qui auront chacun à leur manière l'expérience de du rejet, de l'humiliation. La mise en scène plutôt sobre et lente favorise l'attachement aux personnages qui pourtant pourraient paraître très éloignés de la réalité de beaucoup de monde.
Il s'agit là d'une particularité intéressante. La plupart des films traite de l'impact de la crise sur les pauvres ou sur les classes moyennes. Ici, on est en présence d'hommes qui touchent entre 100.000 et plusieurs millions de dollars. Comment pourrait-on se sentir touché par le sort de ces gens qui roulent en Porsche et vivent dans des maisons immenses ? On peut y voir là l'un des principaux messages. Wells a cherché à démontrer « la nécessité de renouer avec ce qui fait la vraie valeur de nos vies » (dossier de presse), incarné par le rôle de Kevin Kostner, petit entrepreneur dans le bâtiment.
Malgré la justesse des relations entre les personnages, on est tenté de réduire le film à l'expression simpliste « l'argent ne fait pas le bonheur », ce qui n'est pas un gage d'originalité... Le message général sur l'économie est en effet assez banal mais a le mérite d'être vrai. « Quand j’étais plus jeune, j’ai pas mal travaillé comme charpentier. Sur le chemin qui conduisait à l’entrepôt où on allait chercher les matériaux de construction, les employés plus âgés avec qui je bossais me montraient toutes les maisons qu’ils avaient construites. Ils avaient une preuve matérielle de ce qu’ils avaient accompli, et ils en étaient très fiers. C’est une chose dont nous nous sommes éloignés dans cette nouvelle économie et dans notre vie quotidienne » (Wells, dossier de presse). L'économie s'est détachée de la réalité et c'est pourquoi elle est devenue un danger au lieu d'être un simple outil de partage.
dans l'alcool, mentir à tout son voisinage, à refuser l'aide financière d'un ami, et à se suicider. La vraie valeur de la vie proposée par Wells réside essentiellement dans la famille très présente tout au long du métrage. Abattu en plein vol, Walker va redécouvrir l'importance de la vie familiale. McClary, de manière plus ambiguë, va se détourner de sa relation adultère qui lui faisait fuir l'ennui de son foyer.
Le film manque cependant de clarté sur le problème du licenciement. On comprend que ces licenciements étaient inéluctables mais d'un autre côté on est censé applaudir McClary qui se bat pour les éviter. Il eut été préférable peut-être d'aborder la question de manière plus neutre ce qui aurait permis de se concentrer davantage sur l'évolution psychologique des protagonistes. Cette naïveté dans le traitement du sujet n'apporte en définitive aucune réponse
convaincante et contribue à maintenir dans l'esprit de beaucoup de gens l'idée que le grand méchant c'est le chef d'entreprise.
Jean Losfeld